dim 14 septembre 2025 - 06:09

La carte postale du dimanche : Le Château Saint-Antoine, bastide marseillaise et temple de lumière

Frères, Sœurs, Compagnons de route,

Dans la vallée de l’Huveaune, au cœur du 11ᵉ arrondissement de Marseille — Marselha ou Marsiho en occitan provençal —, s’élève une demeure discrète et majestueuse à la fois : le Château Saint-Antoine. Marseille, ville-préfecture des Bouches-du-Rhône et chef-lieu de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, est une cité aux mille visages, faite d’histoires entremêlées, de peuples et de pierres.

Le Château Saint-Antoine en reflète la destinée

Comme toutes les bastides marseillaises, il porte en lui un héritage mouvant, fait de grandeurs et de transmissions, de délaissements et de renaissances, avant de resplendir à nouveau dans un éclat inattendu.

Son histoire commence en 1762…

…lorsque l’avocat Joseph Isoard acquiert une propriété appelée « La Miniarde ». Son fils Jean-Baptiste Isoard agrandit bientôt le domaine en achetant « La Rousse » et « La Maussane » : il fait construire la partie centrale de ce qui deviendra le château. Tout au long du XIXᵉ siècle, la bastide passe entre différentes mains – Louis d’Alayer de Costemore, François Philippe, Joseph Blanc – avant de connaître, en 1907, une transformation décisive avec l’arrivée du commandant Guy de Robien.

Ce comte breton et son épouse Marguerite Halna du Fretay donnent au domaine son nom définitif : Château Saint-Antoine. Ils l’ornent d’un blason, d’une devise – « Sans vanité ni faiblesse » – et d’une chapelle dédiée à saint Antoine de Padoue. Le comte tombe au front en 1915, et la demeure entre alors dans une succession de ventes : aux industriels Fine, à l’usine d’électrochimie de la Barasse, puis à des aménageurs urbains. Abandonné, non classé monument historique, le château semblait promis à disparaître.

C’est en 2017 que survient sa résurrection

La Grande Loge de France (GLDF) en devient propriétaire et entreprend une restauration ambitieuse. En 2018, la bastide rénovée s’ouvre sur une extension moderne et fonctionnelle. Elle abrite désormais sept temples, dont un grand de 400 places, et accueille des événements culturels tels que conférences, expositions et concerts. L’ancienne bastide devient un patrimoine vivant, au carrefour de l’histoire et de l’initiation, de la Provence et de l’universel.

Vitrail, Château St-Antoine

Cette histoire n’appartient pas seulement aux archives. Elle résonne dans la littérature

Alexandre Dumas parlait des cabanons et des châteaux provençaux comme d’un art de vivre ; Stendhal voyait dans les bastides la passion dominante des Marseillais ; Victor Gelu pleurait leur disparition progressive ; et Marcel Pagnol, dans Le Château de ma mère, évoquait ces châteaux à tourelles qui jalonnaient ses chemins d’enfance, dont le Château Saint-Antoine garde encore l’écho.

Devise « Sans vanité ni faiblesse » ainsi que « ROCH BIHAN »

À l’occasion des Journées européennes du patrimoine, placées sous le thème « Patrimoine architectural » les 20 et 21 septembre 2025, la Grande Loge de France ouvrira exceptionnellement les portes du Château Saint-Antoine, joyau méconnu du patrimoine marseillais.

Le terme de joyau, en Maçonnerie, désigne moins un ornement qu’une révélation.

Comme la pierre brute que nous apprenons à dégrossir, il résulte d’un patient travail de taille et de polissage. Ainsi en est-il de cette bastide devenue château, puis laissée à l’abandon et menacée de ruine, avant de renaître dans la clarté. Aujourd’hui, ce lieu témoigne de la victoire de la lumière sur l’ombre, de l’édification sur la ruine, de la transmission sur l’oubli.

Notre-Dame de la Garde

Franchir les portes du Château Saint-Antoine, c’est pénétrer dans un espace où chaque mur, chaque voûte et chaque pierre se font mémoire et enseignement. Comme deux colonnes dressées à l’entrée du Temple, l’histoire et la modernité s’y tiennent côte à côte. L’une rappelle les origines, les familles successives, les transformations et les abandons ; l’autre affirme la vitalité d’un présent où le chantier s’est fait œuvre, où l’outil a rendu vie, où le compas et l’équerre ont retrouvé leur juste place. Dans son grand temple de quatre cents places, comme dans ses six autres salles de loge, la lumière se répand désormais à travers le vitrail signé Antoine Serra, semblable à la rosace d’une cathédrale moderne où les couleurs s’ordonnent comme les vertus.

Durant ces journées de septembre, les visiteurs pourront découvrir une exposition retraçant le travail de rénovation, contempler images et documents, écouter conférences et musiques, et surtout se laisser guider par des Frères désireux de transmettre le sens de ce lieu.

Thierry Zaveroni

Thierry Zaveroni, Passé Grand Maître, rappellera que ce patrimoine est aussi européen et universel

Il relie Marseille au grand chantier de l’humanité tout entière, où chaque pierre polie s’ajuste à la construction du Temple invisible.

Visiter le Château Saint-Antoine, c’est approcher une demeure chargée d’histoire et de symboles, rarement ouverte au public.

C’est comprendre que l’architecture n’est pas seulement technique mais langage, que les pierres ne sont pas inertes mais vivantes, et que chaque bastide marseillaise peut devenir, lorsqu’elle est élevée à sa plénitude, une image du Temple spirituel. Joyau retrouvé, joyau maçonnique, le Château Saint-Antoine est désormais un pont entre hier et demain, un lieu où le silence parle et où la lumière éclaire, une demeure profane devenue demeure initiatique, rappelant à chacun de nous qu’il est, lui aussi, une pierre vivante, appelée à prendre place dans l’édifice universel.

Informations pratiques

Horaires : 10h – 18h (sur réservation)
Adresse : Château Saint-Antoine, 10 Bd Jules Sebastianelli, 13011 Marseille
Réservations : HelloAsso / Illustrations : Wikimedia Commons

Puisse cette méditation t’accompagner en ce jour. Bon dimanche, et bons baisers de Marseille, cité phocéenne ouverte sur la mer et baignée de lumière !

Marseille, panorama

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti, fut le directeur de la rédaction de 450.fm de sa création jusqu'en septembre 2024. Chroniqueur littéraire, animé par sa maxime « Élever l’Homme, éclairer l’Humanité », il est membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France, médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu'il a initiées.

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