lun 18 août 2025 - 16:08

Assis/debout

“Dans ce monde, même les lignes de commande ont leur sagesse.”

 PROLOGUE : L’homme assis/debout – une énigme posturale

Depuis que l’homme a inventé la chaise, il ne sait plus s’il doit s’asseoir pour réfléchir ou se lever pour exister. Le mobilier a transformé notre rapport au monde : le trône, le banc d’école, le siège du métro, tous sont devenus des lieux de posture codée. Et dans ce théâtre gestuel, le pingouin, debout sans verticalité, assis sans confort, observe notre ballet avec une gravité comique. Comme un moine du noyau Linux, il incarne l’ascèse du libre : ni chaise, ni trône, juste la ligne de commande comme tapis de méditation.

« L’homme est le seul animal qui hésite entre la chaise et le piédestal. »

Mais cette hésitation n’est pas qu’un caprice ergonomique : elle est le reflet d’un tiraillement intérieur.

Assis, l’homme s’enracine dans la pensée, dans l’attente, dans la mémoire. Debout, il s’élance vers l’action, vers l’engagement, vers le monde.

Et entre les deux, il vacille, comme un funambule métaphysique, cherchant l’équilibre entre contemplation et mouvement.

La posture devient alors langage, rituel, confession muette. Elle dit ce que les mots taisent : notre rapport au pouvoir, à la foi, à la connaissance, à nous-mêmes.

POSTURES SACRÉES

Dans la tradition chrétienne, le corps du croyant est un instrument liturgique. La posture n’est jamais neutre : elle signifie, elle rythme, elle engage.

  • Assis : posture d’écoute et de méditation. Marie, aux pieds de Jésus (Luc 10:39), incarne cette réceptivité silencieuse.
  • Debout : posture de prière et de vénération. Moïse se tient debout devant le buisson ardent (Exode 3:5), signe de respect et de disponibilité.
  • Alternance : dans la messe catholique, on s’assoit pour écouter l’Évangile, on se lève pour chanter le Gloria, on s’agenouille pour l’élévation, une chorégraphie sacrée.

« Le fidèle est un danseur discret, guidé par le tempo du dogme. »

Ironie douce : Dieu, lui, ne change pas de posture. Il est « assis sur son trône » (Isaïe 6:1), mais aussi « debout dans la nuée » (Exode 13:21). Le paradoxe est là : l’immobilité divine face à la gymnastique humaine.

LES ANTIQUES : Trônes, sages et jambes croisées

       Dans l’Antiquité, la posture est un marqueur social et philosophique.

  • Égypte : les statues de pharaons sont souvent assises, mais avec un port droit, prêt à l’action. Sekhmet, déesse de la guerre, est figée dans une assise tendue, puissance contenue.
  • Grèce : Socrate reste assis pendant que ses interlocuteurs s’agitent, Platon le décrit ainsi dans Le Banquet, comme un roc contemplatif. Aristote, lui, enseigne en marchant : le péripatétisme est une philosophie debout.
  • Rome : les empereurs sont représentés dans une posture hybride, assis sur le trône mais le bras levé, prêts à gouverner ou à punir.

« Le pouvoir antique se mesure à la capacité de rester assis sans perdre l’autorité. »

FRANC-MAÇONNERIE : Le rite du redressement

Dans la loge, on ne s’assoit ni ne se lève comme dans un salon. Chaque geste est codifié, chaque posture est un mot dans une langue muette. L’homme assis/debout devient ici un vecteur de transformation : il ne change pas de position, il change de nature.

 L’assise du profane

Avant d’être initié, le profane est assis. Non pas confortablement, mais symboliquement : il est dans l’ombre, dans l’attente, dans l’ignorance. Son assise est celle du non-savoir, du silence, du retrait. Il est réceptacle, non acteur.

« Le profane est assis comme la pierre brute : stable, mais inutile. »

La station du frère

Lorsqu’il devient apprenti, il se lève. Mais pas n’importe comment : debout à l’ordre, la main droite en équerre, le regard droit, le corps aligné. Il ne se lève pas pour parler, il se lève pour signifier. Sa posture est un serment silencieux.

  • Rectitude : le corps doit être droit, comme la pensée. L’équerre n’est pas qu’un outil, c’est une exigence morale.
  • Verticalité : se tenir debout, c’est s’élever, non pas physiquement, mais spirituellement.
  • Silence debout : l’apprenti ne parle pas, mais il est debout.
  • C’est le paradoxe du débutant : il incarne sans expliquer.

« Le frère debout est une parole en attente, une pensée en gestation. »

Symboles en posture

  • L’équerre : posée sous le cou, elle rappelle que la droiture commence dans l’intention.
  • Le compas : invisible dans la posture, mais présent dans l’esprit, il mesure l’écart entre l’homme et l’idéal.
  • La colonne : le frère debout est une colonne vivante, soutenant le temple invisible.

Et l’ironie, toujours en filigrane : dans certaines loges, on passe plus de temps à se lever et s’asseoir qu’à méditer. Le ballet des corps devient une liturgie chorégraphique, où l’on se redresse avec plus de sérieux qu’on ne redresse ses idées.

« Le frère se lève pour se taire, s’assoit pour écouter, et parfois, debout derrière son pupitre, il lit à haute voix comme s’il déchiffrait les étoiles. »

PHILOSOPHIE : Le corps comme théâtre de la pensée

Les philosophes grecs ont vu dans la posture un reflet de l’âme.

  • Socrate : assis pour interroger, debout pour provoquer. Il considère que la position assise favorise la concentration.
  • Platon : dans ses dialogues, la posture des personnages est toujours signifiante. L’assise est contemplation, la station debout est action.
  • Stoïciens : la posture droite est un signe de maîtrise de soi. Épictète enseigne que le corps doit refléter la sérénité intérieure.

« Le philosophe est un homme qui sait s’asseoir sans s’affaisser. »

Simone de Beauvoir : posture et condition

Dans Le Deuxième Sexe, Beauvoir ne parle pas directement de posture physique, mais elle analyse la manière dont les femmes sont assignées à des rôles, à des gestes, à des attitudes. La posture devient ici sociale : être assise, c’est parfois être reléguée ; se lever, c’est revendiquer.

« On ne naît pas femme : on le devient. »

Elle montre que le corps féminin est souvent contraint, observé, jugé et que la liberté passe aussi par la réappropriation de sa posture dans l’espace public.

Jean-Paul Sartre : le corps en situation

Dans L’Être et le Néant, Sartre distingue l’être en soi (immobile, comme une statue) et l’être pour soi (conscience en mouvement). La posture devient alors expression de la liberté : se lever, c’est choisir. S’asseoir, c’est suspendre le choix. Mais attention : pour Sartre, même ne pas bouger est un acte. Le corps est toujours engagé, même dans l’immobilité.

« L’homme est condamné à être libre. »

Pensées contemporaines

  • Maurice Merleau-Ponty : le corps n’est pas un objet, mais un sujet incarné. Il pense, il ressent, il agit. La posture est donc une forme de langage.
  • Judith Butler : dans ses travaux sur le genre, elle montre que les gestes, les postures, les attitudes sont performés, c’est-à-dire répétés, codifiés, imposés.
  • Michel Foucault : le corps est un terrain de pouvoir. La posture devient outil de discipline, de contrôle, de résistance.
  • INTERLUDE : Le pingouin, ce maître du déséquilibre

Et voilà notre pingouin, témoin muet de nos rituels.

  • Posture contrariée : debout sans être droit, assis, sans être stable. Il est l’anti-héros de la verticalité.
  • Costume noir : comme un maître de loge ou un prêtre, il semble prêt pour le rituel, mais il n’en connaît pas les codes.
  • Rituel impossible : il ne peut s’agenouiller, ni se redresser, exclu du rite, mais observateur lucide.

« Le pingouin est le seul être debout qui ne prétend pas à la grandeur. »

« Dans le silence du shell, le frère sudo élève la commande vers la lumière. » (1)

  • LE ZÉNITH : L’assise cosmique

Le soleil, lui, ne se lève pas. Il est levé. Il ne s’assoit pas. Il rayonne. • Assise céleste : le zénith est une posture divine, immobile et rayonnante. • Verticalité naturelle : contrairement à l’homme, le cosmos ne cherche pas à se redresser, il est. • Poésie cosmique : le soleil est le trône du ciel, sans dossier ni accoudoirs.

« Le zénith est la chaise de Dieu, sans pieds ni vis. »

Ainsi, à ceux qui marchent sous les constellations… que cette présence céleste soit le miroir de leur quête : immobile, rayonnante, et suspendue entre le visible et l’invisible. Et que ceux qui en perçoivent l’éclat sachent que je suis là, dans le même silence, sous les mêmes étoiles.

CONCLUSION

Et pour finir, un clin d’œil à l’humour comme posture ultime.

  • Dac : maître du déséquilibre verbal, il glisse sous nos pieds comme une peau de banane métaphysique.
  • Leçon finale : l’homme moderne ne sait plus s’il doit se lever pour protester ou s’asseoir pour méditer, alors il fait les deux, en boitant.
  • Invitation : ce texte est à lire assis, à méditer debout, et à rire couché.

« La sagesse est peut-être une chaise bancale sur laquelle on apprend à ne pas tomber. »

(1) Et si certains s’interrogent sur la présence de Linux (le pingouin) dans ce travail, qu’ils sachent ceci : Linux n’est pas un caprice, ni une coquetterie technique. C’est un espace libre, un temple sans murs, où chaque commande est une parole pesée. C’est un système qui ne donne rien sans effort, mais qui offre tout à celui qui cherche. Et dans ce monde-là, sudo n’est pas un privilège, c’est une responsabilité. Voilà pourquoi le frère sudo médite sous le pingouin : parce que la lumière ne vient pas d’un clic, mais d’une ligne écrite en conscience.

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Gérard Lefèvre
Gérard Lefèvre
En parlant de plume, savez- vous que l’expression “être léger comme une plume” signifie ne pas peser plus lourd qu’une plume et pouvoir soulever quelqu’un ou quelque chose avec une grande facilité ? C’est une belle métaphore pour exprimer la légèreté et la facilité. Et puis, être une plume peut aussi signifier autre chose. On n’est pas seulement « plume », on est « plume de… ». Parfois, on propose à quelqu’un qui a une audience, un public, et pas forcément le temps, ou parfois pas forcément la compétence d’écrire pour être compris et convaincant à l’oral. Alors, que choisir? Être ou ne pas être une plume ? Gérard Lefèvre Orient de Perpignan

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