dim 10 août 2025 - 13:08

« J’accuse » : Audience initiatique, tribunal du barreau du zénith

À l’Orient de la parole perdue

 PROLOGUE VISUEL : LA TOILE QUI PRÉCÈDE LE VERBE

Ils avancent drapés de noir, silhouettes sobres et dignes.
Pingouins d’apparat, juges du symbole, non du fait.
Ici, au Barreau du Zénith, on ne condamne pas : on interroge les mythes.
Le silence précède le cri. La glace enveloppe le feu du doute.
Et c’est dans cette lumière oblique que le rituel commence.

I.  PRÉAMBULE : “J’ACCUSE”

Messieurs les Juges, Vénérables Frères et Sœurs,
Je prends la parole non pour relater le mythe, mais pour interroger l’oubli qu’il contient.
J’accuse !
J’accuse la tradition d’avoir condamné trois compagnons sans preuve, sans témoin, sans cri.

Le rituel nous offre une tragédie splendide, mais il refuse le doute, pourtant, le doute est la lumière du maçon.
Je ne défends pas l’erreur. Je défends l’humanité symbolique.
Et je demande la réhabilitation de ces compagnons que nous avons jugés trop vite, trop bien, trop parfaitement.
Mais ce soir, je plaide pour les compagnons.
Car ce que nous avons jugé comme crime… n’est peut-être qu’humanité.

II.  LES OUTILS DU MEURTRE : SYMBOLES DÉTOURNÉS.

Les outils du crime : détournement des emblèmes sacrés

Messieurs les Juges,
Dans le box des accusés, trois instruments que l’on croyait au-dessus de tout soupçon :

  • La règle : droite, précise, incorruptible. Elle trace les contours du monde juste… mais ici, elle devient lame. Tranchante, muette, sans impact visible. On l’accuse d’avoir frappé, mais nul sang, nul éclat, nul témoin.
  •  Le levier : serviteur de la matière, outil des bâtisseurs. Il soulève les pierres, libère les charges… mais dans le récit, il frappe à la nuque. Pourtant, Hiram ne tombe pas. Il continue sa course, comme si le symbole refusait d’obéir à l’intrigue.
  •  Le maillet : marteau de la maîtrise, geste du commandement. C’est lui, dit-on, qui donne le coup fatal. Mais où est le drame ? Aucune scène, aucun regard, aucune preuve que le geste ait existé.

Et pourtant, ces trois objets, ces trois emblèmes du métier, deviennent ici les piècesmaîtresses de l’accusation.

Mais peut-on croire que la règle tue ?
Que le levier assassine ?
Que le maillet exécute sans que le Temple lui-même ne tremble ?

“Ces outils ne sont pas des armes. Ce sont des symboles. Et nul symbole ne tue.”(1)

Et surtout :

Aucun cri. Aucune plainte. Aucun bruit.

Le Temple, au moment du geste supposé fatal, demeure parfaitement silencieux.
Le Septentrion ne frémit pas. Aucun garde n’est alerté.
Le silence n’est pas vide, il est le quatrième compagnon.
Celui qui voit, mais ne dit rien. Celui qui assiste, mais ne témoigne jamais.

Ce silence, sacré ou complice, défie la logique et installe le doute.
Et peut-être que là, dans ce vide sonore, le rituel s’est protégé du vrai.

III. LES FAILLES DU RÉCIT : UNE CHORÉGRAPHIE TROP PARFAITE

  • Trois portes. Trois coups. Trois blessures.
  • Hiram ne se défend pas. Les compagnons s’enfuient.
  • Et surtout : chaque fuite se fait par une porte dérobée différente.

Nord. Orient. Occident.

Ces portes ne sont pas des issues : ce sont des failles.
Et par ces failles, Hiram s’éloigne du Temple, pour entrer dans le désert.

Le Temple se referme. Le rituel ne poursuit pas.
Ce n’est pas une enquête. C’est une évacuation symbolique.
Et le maître s’efface dans un couloir que le mythe refuse de cartographier.

IV.  LE DÉSERT : THÉÂTRE DU BURLESQUE SACRÉ

Alors débute la quête nocturne :

  • Des maîtres creusant à mains nues.
  • Un acacia qui pousse en une nuit.
  • Un chien qui hurle dans le silence du sable.
  • Un cri : “Makbénach !”, qui n’est pas un mot, mais une exclamation.

Puis… le corps d’Hiram.

Mais qui l’a amené là ? Personne ne sait.
Il n’est pas porté. Il n’est pas suivi. Il apparaît.

Le désert ne reçoit pas un cadavre. Il accueille un symbole en ruine.

Le visage est effacé.
La chair a quitté les os.
Et le cri reste sans écho.

Le silence continue et renforce la scène, comme une mise en abyme du rituel qui se tait.

V. LES COMPAGNONS : FIGURES HUMAINES, NON CRIMINELLES

Ils sont imparfaits, oui :

  • Ignorants.
  • Fanatiques.
  • Ambitieux.

Mais ils ne tuent pas.
Ils cherchent. Ils tâtonnent.
Ils fuient, oui  mais leur fuite ouvre le chemin initiatique.

Et ce silence qui les accompagne n’est pas leur châtiment, mais leur dévoilement.
Ce ne sont pas des assassins.
Ce sont nos fragments intérieurs, ceux que le rituel désigne… pour qu’on les reconnaisse.

VI. CONCLUSION : RÉHABILITER LE MYTHE PAR LE DOUTE

Messieurs les Juges,
Ce mythe est trop parfait pour être crédible.
Mais il est assez absurde pour être initiatique.

Et dans ce rire discret, ce sourire en coin du rituel, se cache la vérité :

Le mythe ne se raconte pas. Il se questionne.

La légende d’Hiram, dans sa grandeur tragique, n’échappe pas à l’ombre du burlesque.
Et c’est peut-être là, dans ce silence trop parfait, dans ce cri sans alarme…

…que brille la vraie lumière.

Le doute est à l’origine de la sagesse.

René Descartes

Mathématicien, Philosophe, Physicien, Scientifique (1596 – 1650)

VERDICT DEMANDÉ : L’ACQUITTEMENT DES COMPAGNONS

Je ne plaide pas pour l’oubli.
Je plaide pour la réintégration.
Que les compagnons soient vus non comme des criminels,
Mais comme des porteurs involontaires de la quête.
Et que le silence, figure invisible et impitoyable, soit reconnu comme acteur principal.

Acquittement demandé :  Pour les compagnons. Pour le mythe. Pour nous.

Maillet maçonnique de Vénérable Maître
Maillet de la justice

P.S.  Nota Bene pour ceux qui croient à un mélodrame judiciaire

Ne vous y trompez pas.
Ce texte n’est pas une saynète (Courte pièce comique avec peu de personnages).
Il est une controverse rituelle, déguisée en farce pour mieux réveiller les sens.

Les pingouins du Barreau du Zénith n’ont pas l’humour facile.
Mais ils savent que derrière chaque rire, chaque silence, chaque oubli, se cache la parole perdue, celle qu’on    ne retrouve jamais tout à fait, sauf dans le doute.«Nul symbole ne tue » souligne que la violence ne vient pas intrinsèquement des symboles, mais de l’usage que l’on en fait. Elle nous invite à faire preuve de vigilance quant à la manière dont nous interprétons et utilisons ces représentations, pour construire un monde plus tolérant et pacifique. 

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Gérard Lefèvre
Gérard Lefèvre
En parlant de plume, savez- vous que l’expression “être léger comme une plume” signifie ne pas peser plus lourd qu’une plume et pouvoir soulever quelqu’un ou quelque chose avec une grande facilité? C’est une belle métaphore pour exprimer la légèreté et la facilité. Et puis, être une plume peut aussi signifier autre chose. On n’est pas seulement « plume », on est « plume de… ». Parfois, on propose à quelqu’un qui a une audience, un public, et pas forcément le temps, ou parfois pas forcément la compétence d’écrire pour être compris et convaincant à l’oral. C’est un peu comme être un “nègre”, donc… Alors, que choisir? Être ou ne pas être une plume ? Gérard Lefèvre Orient de Perpignan

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