jeu 24 juillet 2025 - 00:07

L’Orgueil du Franc-maçon… Le cancer de la Franc-maçonnerie

Dans les temples discrets de la franc-maçonnerie, où le symbolisme et la quête intérieure règnent en maîtres, un sujet rarement abordé à voix haute émerge avec une force insidieuse : l’orgueil. Ce sentiment, souvent perçu comme un vice humain universel, prend une dimension particulière au sein de cette fraternité initiatique, où l’humilité devrait être la pierre angulaire de l’édifice spirituel. Ce thème : « L’orgueil du Maçon », nous invite à explorer cette dualité avec une réflexion profonde et lucide.

Alors que les loges reprendont leurs travaux après l’été, plongeons dès maintenant dans cette analyse pour comprendre comment l’orgueil, tel un cancer, menace l’harmonie de la franc-maçonnerie, et comment une transmutation alchimique pourrait en faire une force de renaissance.

Pourquoi Parler d’Orgueil dans une Loge ?

À première vue, aborder l’orgueil dans une loge peut sembler incongru, tant le travail maçonnique se concentre sur les symboles – le compas, l’équerre, la pierre brute – et leur interprétation philosophique. Pourtant, « l’orgueil est au maçon ce que le mirage est au désespéré qui erre dans le désert » : une illusion irrésistible, nécessaire à son épanouissement, mais dangereuse s’il n’en devient pas le maître. Ce thème, bien que sociologique en apparence, touche au cœur de l’initiation :

transformer ses faiblesses en vertus. L’orgueil, s’il n’est pas dompté, risque de gangrener la fraternité, transformant un espace de lumière en un champ de rivalités stériles.

La franc-maçonnerie, fondée sur la dualité – soleil/lune, blanc/noir du pavé mosaïque, orient/occident – reconnaît l’orgueil comme l’antithèse de l’humilité, ce « humus » grec symbolisant la terre, que chaque Apprenti effleure en passant la porte basse lors de son initiation. Cette humilité, ancrée dans le concret, contraste avec l’orgueil, décrit comme une vacuité, une illusion née d’un manque intérieur. Comprendre cette dynamique devient donc essentiel pour préserver l’essence même de l’enseignement maçonnique.

L’Orgueil : Une Illusion à Dompter

Henri Bergson

Henri Bergson, distingue l’orgueil de la vanité : l’orgueil est un « amour solitaire de soi-même », un désir de dominer autrui par comparaison, tandis que la vanité cherche l’approbation externe, révélant une humilité sous-jacente. L’orgueil maçonnique, lui, naît souvent d’une peur fondamentale : celle de perdre sa place d’« élu », d’être dilué par l’autre. Cette schizophrénie – besoin de reconnaissance mêlé de négation – conduit à une dynamique toxique où le maçon s’isole, s’opposant à la fraternité qu’il prétend servir.

Illustrons cette idée par une métaphore puissante : « les ténèbres n’existent pas en tant qu’entité, elles ne résultent que d’une absence de lumière ». De même, l’orgueil n’est qu’une absence d’humilité. Le maçon véritable, ayant traversé les grades d’Apprenti, de Compagnon et de Maître, s’aligne comme un fil à plomb, ancré dans sa terre intérieure. Il n’a pas besoin de surpasser autrui, il « est » simplement. En revanche, celui qui esquive l’intensité des épreuves initiatiques comble ses vides par l’intellectualisation et l’agitation, semant la discorde dans la loge.

Les Manifestations de l’Orgueil : Un Poison Fraternel

Auguste Comte

L’orgueil, lorsqu’il s’installe, fracture la loge. Comme l’a écrit Auguste Comte, « l’orgueil nous divise encore davantage que l’intérêt ». Les débats deviennent des joutes, les rivalités éclipsent la quête commune. Le maçon orgueilleux perçoit les Apprentis comme des novices insignifiants, les Compagnons comme des subalternes, et les Maîtres comme des concurrents à écraser. Son tablier, symbole d’humilité, se mue en trophée, et les plateaux – ces charges officielles – en distinctions vaniteuses. L’auteur ironise sur ces félicitations prématurées en début d’année, alors que le vrai mérite se juge en fin de cycle, après un travail accompli.

Cette dérive s’accompagne d’une perte de l’unité dualiste chère à la maçonnerie. Le masculin et le féminin, autrefois complémentaires, deviennent des camps opposés.

L’orgueil spirituel, une forme particulièrement insidieuse, voit certains se proclamer « ambassadeurs du Grand Architecte », exhibant titres et rituels avec une fausse modestie.

Masqués sous une apparente abnégation, ces maçons risquent de corrompre l’esprit fraternel, transformant la loge en un théâtre d’ego.

L’Orgueil Masqué : La Modestie Perverse

Explorons maintenant une catégorie fascinante : les « modestes », dont La Rochefoucauld disait qu’ils atteignent « le plus haut degré de l’orgueil ». Jules Renard renchérit : « Sois modeste ! C’est le genre d’orgueil qui déplaît le moins ». Cette modestie feinte, loin de l’humilité authentique, est une stratégie pour maintenir une supériorité subtile. Antoine de Rivarol avertit : « Il faut faire mourir l’orgueil sans le blesser. Car s’il est blessé, il ne meurt pas. » Blessé, l’orgueil gonfle, s’éloignant davantage de la réalité et de l’intelligence du cœur.

Une Solution Alchimique : Transformer l’Orgueil en Humilité

Face à ce « cancer », la franc-maçonnerie offre une voie de guérison. Voyons l’orgueil comme une matière première, un antimoine alchimique à transmuter en pierre philosophale. Les initiations, avec leurs cycles de dissolution et de coagulation – le solve et coagula – invitent à déconstruire cet orgueil pour reconstruire une essence d’humilité. Ce parfum d’humanité, ressenti dans les loges harmonieuses, devient le remède.

Plutôt que de combattre l’orgueil d’autrui, pourquoi ne pas l’utiliser comme un miroir ? « ce qui nous rend l’orgueil des autres insupportable, c’est qu’il blesse le nôtre ». Chaque agacement devient une opportunité de gratitude envers ce « partenaire involontaire » qui révèle nos propres failles. En quittant la comparaison pour « être », le maçon s’affranchit du monde infernal de l’ego.

Une Réflexion Universelle

Thich Nhat Hanh

Thich Nhat Hanh, identifie trois complexes qui gangrènent l’humain : supériorité, infériorité et… égalité – Le problème de base vient de la comparaison. Ramenant au célèbre « Connais-toi toi-même » des initiations c’est une proposition de juste rencentrage. L’orgueil atteint son paroxysme avec le tablier de Maître, qui, pour certains, devient un paravent séparant plutôt qu’une passerelle reliant. Ce constat, volontairement provocateur, vise à réveiller :

« Les maçons se répartissent naturellement en trois classes : les vaniteux, les orgueilleux et les autres. Mais je n’ai pas encore rencontré les autres »

Paraphrase de Auguste Detoeuf.

Vers une Franc-Maçonnerie Guérie

Alors que les loges vibrent de nouveaux travaux, l’orgueil reste un défi majeur. Ce « cancer » menace l’unité, transformant la quête de lumière en une course à l’éclat personnel. Pourtant, la franc-maçonnerie, avec ses outils symboliques et sa philosophie alchimique, offre une cure : dompter l’orgueil par l’humilité, le transmuter en une force d’union. En s’inspirant du fil à plomb et du solve / coagula, chaque maçon peut devenir un artisan de sa propre renaissance, faisant de la loge un sanctuaire où rayonner, plutôt que briller égoïstement.

Ainsi, l’orgueil, loin d’être une fatalité, devient une invitation à grandir – pour le bien de tous.

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Pierre d’Allergida
Pierre d’Allergida
Pierre d'Allergida, dont l'adhésion à la Franc-Maçonnerie remonte au début des années 1970, a occupé toutes les fonctions au sein de sa Respectable Loge Initialement attiré par les idéaux de fraternité, de liberté et d'égalité, il est aussi reconnu pour avoir modernisé les pratiques rituelles et encouragé le dialogue interconfessionnel. Il pratique le Rite Écossais Ancien et Accepté et en a gravi tous les degrés.

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