Au cœur de l’Europe, où les courants de l’histoire ont façonné une nation riche de sa diversité linguistique et culturelle, la Franc-Maçonnerie belge brille comme un phare de fraternité, d’enquête philosophique et de progrès sociétal. Depuis ses débuts au XVIIIe siècle, elle tisse une tapisserie complexe, mêlant traditions anciennes et aspirations modernes, spiritualité et engagement social.


Les six principales obédiences – le Grand Orient de Belgique (GOB), la Fédération Belge du Droit Humain, la Grande Loge de Belgique (GLB), la Grande Loge Féminine de Belgique (GLFB), la Grande Loge Régulière de Belgique (GLRB) et Lithos, Confédération de Loges – apportent chacune un fil distinct à cette œuvre, incarnant les principes universels de Liberté, Égalité et Fraternité tout en affrontant les défis de leur époque. À partir des données les plus récentes disponibles*, mises en perspective par un éclairage historique, nous entreprenons un voyage à travers les origines, les philosophies et les dynamiques d’effectifs des principales obédiences, révélant la vitalité de la Franc-Maçonnerie belge au 13 juillet 2025.

Le Grand Orient de Belgique : le pilier de la liberté adogmatique
Genèse et histoire : Fondé le 23 février 1833, le Grand Orient de Belgique (GOB) naît des cendres de la Grande Loge d’Administration des Pays-Bas Méridionaux, affirmant son indépendance dans le sillage de la révolution belge contre la domination hollandaise. Plus ancienne et plus nombreuse des obédiences belges, le GOB s’inscrit dans une tradition libérale et adogmatique. Ses décisions historiques de 1854, autorisant les débats politiques et religieux en loge, et de 1872, supprimant l’obligation d’invoquer le Grand Architecte de l’Univers, marquent une rupture avec la tradition maçonnique anglo-saxonne dite « régulière », l’alignant sur les courants progressistes de la Franc-Maçonnerie continentale. En 2020, le GOB franchit une étape décisive en adoptant la mixité, se restructurant en une confédération de fédérations masculine, mixte et féminine, accueillant ainsi les femmes pour la première fois dans son histoire.
Philosophie et orientation : Le GOB est un sanctuaire de libre pensée, où les outils de la raison et le compas de la tolérance guident les membres vers l’amélioration de soi et le progrès sociétal. Ses loges, souveraines et diverses, pratiquent principalement le Rite Français Moderne et le Rite Écossais Ancien et Accepté, favorisant un dialogue dynamique entre rituel et réflexion. Engagé dans les principes de Liberté, Égalité et Fraternité, le GOB promeut des débats éthiques sur des sujets comme la bioéthique ou la justice sociale, projetant la lumière maçonnique au-delà des temples. L’adoption récente de la mixité reflète une adaptation aux valeurs contemporaines, renforçant son rôle de confédération progressiste.
Évolution des effectifs (2019–2024) : Avec environ 10 000 membres répartis dans 118 loges, le GOB demeure la plus grande obédience belge. Ses effectifs passent de 10 025 en 2019 à 9690 en 2022, subissant un léger recul dû à la pandémie de COVID-19, avant une reprise à 9977 en 2024. Cette remontée, amorcée en 2023, s’explique par l’ouverture à la mixité, attirant de nouveaux membres, dont certains issus du Droit Humain. Les projections pour 2025 suggèrent que le GOB pourrait dépasser ses effectifs d’avant la pandémie, témoignant de son dynamisme.

Fédération belge du Droit Humain : le flambeau de la mixité et de l’internationalisme
Genèse et histoire : Fondée en 1928 à partir de huit loges issues d’une loge mixte pionnière créée en 1912, la Fédération belge du Droit Humain introduit un paradigme révolutionnaire : l’égalité absolue entre hommes et femmes. Rattachée à l’Ordre Maçonnique Mixte International Le Droit Humain, elle jouit d’une autonomie démocratique, élisant son propre Grand Maître et réunissant son propre Convent. Sa vocation mixte et internationale en fait une force d’unité maçonnique, tissant des liens fraternels avec les obédiences adogmatiques belges (GOB, GLB, GLFB, Lithos) et internationales.
Philosophie et orientation : Ancrée dans le Rite Écossais Ancien et Accepté, la Fédération offre un chemin initiatique progressif, du grade symbolique au 33e degré, mettant l’accent sur la croissance personnelle et l’engagement sociétal. Ses 112 loges sont des laboratoires de réflexion, où les membres explorent la condition humaine à travers le symbolisme, l’éthique et les enjeux sociaux. Sa structure démocratique et son attachement aux droits humains universels, en phase avec la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, en font un fer de lance de l’inclusivité et de l’humanisme. Ses relations fraternelles avec d’autres obédiences adogmatiques renforcent une vision commune d’un monde tolérant et équitable.
Évolution des effectifs (2019–2024) : Avec 7803 membres en 2019, le Droit Humain est la deuxième obédience belge en importance. La pandémie entraîne une baisse progressive, atteignant 7590 membres en 2024, en partie due à des départs vers le GOB mixte en 2023 et 2024. Malgré cela, l’obédience reste résiliente, avec des perspectives de reprise en 2025 grâce à son attractivité mixte et internationale.

Grande Loge de Belgique : le sanctuaire symbolique
Genèse et histoire : Née en 1959 de cinq loges symbolistes du GOB – Tradition et Solidarité, La Parfaite Intelligence et l’Étoile Réunies, La Constance, Le Septentrion et Marnix van Sint-Aldegonde –, la Grande Loge de Belgique (GLB) cherche à restaurer une dimension spirituelle tout en restant adogmatique. Sa création répond à la dérive laïque du GOB, réaffirmant la centralité symbolique du Grand Architecte de l’Univers et du Volume de la Loi Sacrée, interprétés librement. Bien qu’initialement reconnue par la Grande Loge Unie d’Angleterre, son caractère adogmatique entraîne une rupture en 1979, donnant naissance à la GLRB. Aujourd’hui, la GLB maintient des liens fraternels avec les obédiences adogmatiques, équilibrant tradition et liberté.
Philosophie et orientation : La GLB est un refuge pour ceux qui cherchent à approfondir le symbolisme maçonnique, où l’équerre et le compas encadrent une interprétation libre des principes spirituels et éthiques. Ses loges, exclusivement masculines et au nombre d’environ 70, prônent la tolérance, l’universalisme et la défense des droits humains, en phase avec les idéaux révolutionnaires de Liberté, Égalité et Fraternité. Son approche non dogmatique de la spiritualité permet aux membres d’explorer le sacré sans contrainte, alliant introspection et engagement sociétal.
Évolution des effectifs (2019–2024) : Stable à 4059 membres en 2019, la GLB résiste bien à la pandémie, oscillant entre 4027 et 4032 jusqu’en 2022. Une chute à 3963 en 2024 s’explique par le départ de 60 Frères de la RL De Gulden Passer vers Lithos, révélant des tensions internes. Le défi de la GLB réside dans l’équilibre entre son focus symbolique et l’attrait croissant de la mixité ailleurs.

Grande Loge Féminine de Belgique : la sororité de la Lumière
Genèse et histoire : Fondée le 17 octobre 1981, à partir d’une première loge créée à Bruxelles en 1974 par la Grande Loge Féminine de France, la Grande Loge Féminine de Belgique (GLFB) est un bastion de la Franc-Maçonnerie féminine. Elle répond au besoin d’un espace réservé aux femmes dans le paysage maçonnique belge, offrant un sanctuaire pour le travail initiatique des sœurs. La GLFB entretient des relations fraternelles avec les obédiences adogmatiques, signant des accords de reconnaissance mutuelle avec le GOB, la GLB, le Droit Humain et Lithos, incarnant l’unité dans la diversité.
Philosophie et orientation : Les loges de la GLFB, pratiquant divers rites dont le Rite Écossais Ancien et Accepté, cultivent une perspective féminine des principes maçonniques, mettant l’accent sur l’égalité, la dignité et la lutte pour l’équité de genre. Ses membres, guidés par les idéaux de Liberté, Égalité et Fraternité, s’engagent dans la croissance personnelle et la défense des droits des femmes. La présence discrète mais résolue de la GLFB en fait une force essentielle, où les sœurs tissent des liens de solidarité et de réflexion.
Évolution des effectifs (2019–2024) : Avec 2269 membres en 2019, la GLFB subit une légère baisse pendant la pandémie, atteignant 2213 en 2021. Une reprise progressive à 2245 en 2024 témoigne de sa résilience, avec une croissance modeste mais stable. L’attrait de la GLFB réside dans son focus unique sur la Franc-Maçonnerie féminine, bien qu’elle fasse face à la concurrence des obédiences mixtes comme le GOB et Lithos.

Grande Loge Régulière de Belgique : le gardien de la tradition
Genèse et histoire : Fondée le 15 juin 1979 par 333 Frères issus de neuf loges de la GLB, la Grande Loge Régulière de Belgique (GLRB) s’aligne sur la tradition maçonnique « régulière » de la Grande Loge Unie d’Angleterre. Respectant les Anciens Landmarks, elle invoque le Grand Architecte de l’Univers et maintient une adhésion exclusivement masculine, obtenant ainsi la reconnaissance des grandes loges anglo-saxonnes. Son attachement à la pureté rituelle et à la discipline spirituelle la distingue dans le paysage belge.
Philosophie et orientation : La GLRB est un temple de la tradition, où le Rite d’Émulation et d’autres pratiques symboliques favorisent une approche structurée et spirituelle. Ses quelque 30 loges mettent l’accent sur la sainteté des trois degrés fondamentaux – Apprenti, Compagnon et Maître –, tout en soutenant des corps de hauts grades comme le Suprême Conseil du Rite Écossais Ancien et Accepté. Ses actions philanthropiques, notamment pour les enfants démunis, et ses travaux érudits à travers la loge Ars Macionica reflètent un équilibre entre réflexion intérieure et action extérieure. Son statut régulier limite les interactions avec les obédiences adogmatiques, mais elle reste un pilier respecté.
Évolution des effectifs (2019–2024) : Avec 1902 membres en 2019, la GLRB connaît une baisse à 1 821 en 2021, mais retrouve son niveau d’avant la pandémie à 1 902 en 2024. L’ouverture d’une loge universitaire à Louvain-la-Neuve et un âge moyen d’initiation de 42 ans signalent un dynamisme auprès des jeunes, le Grand Maître Benoit Jadot notant une augmentation des candidatures, augurant une croissance en 2025.

Lithos, Confédération de Loges : l’avant-garde progressiste
Genèse et histoire : Fondée le 11 novembre 2006 par cinq loges quittant le Droit Humain, Lithos, Confédération de Loges, incarne une approche moderne et flexible de la Franc-Maçonnerie. Présente en Belgique, en Suisse et en Allemagne, elle regroupe 41 loges sous une structure confédérative, permettant à chaque loge de choisir sa composition (mixte, masculine ou féminine) et son rite, principalement le Rite Français Rétabli. Son ethos progressiste et son rayonnement international en font une étoile montante de la Franc-Maçonnerie belge, attirant des membres d’autres obédiences.
Philosophie et orientation : Lithos incarne une Franc-Maçonnerie humaniste et adogmatique, ancrée dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Ses loges, majoritairement mixtes, adoptent une approche « sociétale », mêlant transformation personnelle et engagement dans les enjeux éthiques et sociaux contemporains. En accordant une autonomie à ses loges, Lithos cultive la diversité dans l’unité, offrant un espace où tradition et modernité convergent pour un monde plus juste.

Évolution des effectifs (2019–2024) : Avec 1702 membres en 2024 dans 41 loges, Lithos affiche une croissance soutenue depuis sa création, renforcée par des départs comme celui des 60 Frères de la RL De Gulden Passer de la GLB. Bien que les données de 2019 à 2023 soient incomplètes, sa taille actuelle et sa trajectoire suggèrent une obédience dynamique, particulièrement attrayante pour ceux qui recherchent une structure inclusive et flexible.

Une réflexion comparative : le paysage maçonnique belge
La Franc-Maçonnerie belge, avec environ 27 500 membres répartis dans ses six principales obédiences, reflète la diversité et la résilience de la nation. Avec une densité maçonnique de 2,3 pour 1000 habitants, légèrement inférieure à celle de la France (2,6), elle demeure une force vive dans un pays de 12 millions d’habitants. L’ouverture du GOB à la mixité, l’héritage internationaliste du Droit Humain, la profondeur symbolique de la GLB, l’émancipation féminine de la GLFB, la rigueur traditionnelle de la GLRB et la flexibilité progressiste de Lithos forment une mosaïque harmonieuse, chacune contribuant à la mission maçonnique d’éveil et de fraternité.
La pandémie de COVID-19 a mis à l’épreuve leur résilience, avec des baisses d’effectifs suivies de reprises variées. Le GOB et la GLRB se distinguent par leur retour aux niveaux d’avant la crise, tandis que le Droit Humain et la GLB font face à des défis liés aux départs vers des obédiences mixtes. La croissance régulière de la GLFB et l’expansion rapide de Lithos soulignent l’attrait des espaces féminins et mixtes, reflétant les évolutions sociétales vers l’inclusivité.

La FM belge, un avenir fraternel…
À l’aube de 2025, la Franc-Maçonnerie belge brille comme une constellation de loges, chacune reflétant une facette de la quête éternelle de vérité, de justice et de fraternité. Du progressisme cosmopolite du GOB à la rigueur traditionnelle de la GLRB, ces obédiences naviguent entre héritage et innovation, rituel et pertinence. Leurs effectifs, bien que marqués par les crises mondiales, témoignent d’un engagement indéfectible envers les idéaux maçonniques qui illuminent la Belgique depuis le XVIIIe siècle. Alors que les outils du Métier (The Craft) – équerre, compas et maillet – guident leur travail, ces obédiences nous invitent à envisager un monde où la lumière de la Franc-Maçonnerie continue de promouvoir l’unité, la sagesse et l’espoir.

Ne manquez pas notre prochain épisode consacré à « L’Europe sous l’Équerre et le Compas : une odyssée maçonnique depuis la Suisse ».
* Pour mémoire, les effectifs post-2015 sont estimés d’après les informations transmises par nos correspondants(es) belges.