Le 9 juillet 2025, un événement exceptionnel a marqué l’histoire contemporaine de la franc-maçonnerie italienne : Stefano Bisi, Gran Maestro du Grande Oriente d’Italia (GOI), a ouvert les portes du siège historique de l’obédience à Rome, le Palazzo Giustiniani, pour une visite guidée d’une portée symbolique et culturelle majeure. Relayé par Il Tempo, cet événement, intitulé « Viaggio nella Massoneria », a permis à un public curieux de découvrir un lieu chargé d’histoire, où des figures emblématiques comme Giuseppe Garibaldi et Ernesto Nathan ont forgé l’unité italienne.

Dans une démarche d’ouverture et de transparence, Bisi a souligné le rôle fondamental du GOI dans la construction de l’Italie moderne, déclarant : « Nous avons contribué à bâtir l’Italie unifiée, et cela ne doit pas être oublié. » Cet article explore cet événement, son contexte, ses significations, et les résonances qu’il suscite dans le paysage maçonnique et sociétal contemporain.
I. Un Contexte d’OUVERTURE et de Dialogue
1. Une Initiative Historique

L’ouverture du Palazzo Giustiniani, siège du GOI depuis 1895, marque une rupture avec la discrétion traditionnelle de la franc-maçonnerie. Situé au cœur de Rome, ce palais, qui abrita le Sénat italien de 1871 à 1926, est un symbole de l’histoire nationale. En invitant journalistes, historiens et citoyens à découvrir ses salles ornées de fresques, ses archives et ses symboles maçonniques, Stefano Bisi répond à une aspiration croissante à la transparence. Comme il l’a exprimé dans Il Tempo : « La franc-maçonnerie n’est pas une société secrète, mais une communauté de valeurs qui a toujours œuvré pour le bien commun. » Cette initiative s’inscrit dans une série d’efforts du GOI pour démystifier son image, souvent entachée par des polémiques et des théories conspirationnistes.
2. Stefano Bisi : Un Grand Maître engagé

Journaliste et écrivain sénonais, Stefano Bisi dirige le GOI depuis avril 2014, avec un second mandat confirmé en 2019. Sa réélection en 2024, malgré des controverses électorales, et sa nomination comme Gran Maestro Onorario à vie en avril 2024, témoignent de son influence. Dans une interview à Gazzetta di Siena (30 janvier 2024), Bisi évoque ses dix années de mandat : « Ce furent dix ans d’expériences importantes. J’ai eu le plaisir de rencontrer des frères dans toute l’Italie, et c’est la plus grande richesse. » Son leadership, marqué par une volonté de dialogue avec la société, a culminé avec cet événement, où il a personnellement guidé les visiteurs à travers les lieux emblématiques du GOI.
3. Le Grand Orient d’Italie : Une Institution Séculaire

Fondé en 1805, le GOI est la plus ancienne et la plus importante obédience maçonnique italienne, comptant environ 23 052 membres répartis dans 850 loges en 2017. Son histoire est intimement liée à celle de l’Italie, de l’unification (Risorgimento) aux combats pour la laïcité et la démocratie. Des figures comme Garibaldi, héros du Risorgimento, et Nathan, maire de Rome (1907-1913), ont incarné les idéaux maçonniques de liberté, égalité et fraternité. Cependant, le GOI a aussi traversé des périodes sombres, notamment avec la loge P2 de Licio Gelli, dissoute dans les années 1980 pour ses activités subversives. Bisi, dans une interview à Informare Online (6 août 2020), insiste : « Les maçons eux-mêmes ont dénoncé la P2, et Gelli fut expulsé avant l’intervention de la justice. » Cet événement du 9 juillet 2025 vise à réaffirmer l’intégrité du GOI et son rôle positif dans l’histoire italienne.
II. Le Palazzo Giustiniani : Un Lieu Chargé d’Histoire
1. Un Symbole de l’Unité Italienne

Le Palazzo Giustiniani, construit au XVIe siècle, est un joyau architectural et historique. Ses salles, décorées de fresques et d’objets maçonniques, témoignent du rôle du GOI dans le Risorgimento. Lors de la visite, Bisi a mis en avant les portraits de Garibaldi et Nathan, soulignant leur contribution à l’unification italienne. « Ici, au Palazzo Giustiniani, l’histoire de l’Italie et de la franc-maçonnerie se rencontrent », a-t-il déclaré, selon Il Tempo. La salle des pas perdus, où les maçons se réunissent avant les tenues, et la bibliothèque, riche de manuscrits rares, ont captivé les visiteurs, révélant la profondeur culturelle de l’obédience.
2. Les Symboles Maçonniques
La visite a permis de découvrir les symboles fondamentaux de la franc-maçonnerie : l’équerre, le compas, le fil à plomb, et l’étoile flamboyante, qui incarnent l’ordre, la mesure et la quête de la lumière. Ces emblèmes, hérités des bâtisseurs médiévaux, rappellent les racines initiatiques du GOI. Bisi a expliqué leur signification, insistant sur leur universalité : « Ces symboles ne sont pas secrets, ils sont des outils de réflexion pour tous ceux qui cherchent à s’améliorer. » Cette pédagogie, rare dans un contexte maçonnique, vise à désamorcer les préjugés sur l’ésotérisme.
3. Une Ouverture sous Haute Surveillance

L’ouverture du Palazzo Giustiniani n’est pas sans risques. En 2017, la Commission Antimafia italienne avait requis les listes des membres du GOI, soupçonnés de liens avec des réseaux mafieux, notamment en Calabre et en Sicile. Bisi, auditionné à l’époque, avait refusé, invoquant la protection des données personnelles : « Fournir ces listes serait un délit contre la confidentialité. » Cet épisode, relayé par QuiCosenza (18 janvier 2017), illustre les tensions entre le GOI et les autorités. En 2025, l’ouverture du palais peut être vue comme une réponse indirecte, montrant que le GOI n’a rien à cacher tout en préservant son autonomie.
III. Les Résonances Maçonniques et Sociétales
- Une Franc-Maçonnerie au Service de l’Italie
L’événement du 9 juillet s’inscrit dans une vision de la franc-maçonnerie comme force de progrès. Bisi, dans une interview à Nuova Società (3 juin 2019), défend cette mission : « Nous travaillons pour une Europe du futur, fondée sur les idéaux qui ont inspiré sa naissance. » Le GOI, fidèle à ses racines libérales et laïques, promeut des valeurs humanistes dans un contexte de polarisation politique. En évoquant Garibaldi et Nathan, Bisi rappelle que la maçonnerie a joué un rôle clé dans l’émancipation italienne, de l’abolition de la peine de mort à la séparation de l’Église et de l’État.
2. Une Démarche d’Initiation Symbolique

La visite du Palazzo Giustiniani peut être interprétée comme une initiation symbolique pour le public. En franchissant le seuil du temple maçonnique, les visiteurs ont été invités à réfléchir sur les valeurs de fraternité et de tolérance. Bien que le GOI pratique principalement le Rite Écossais Ancien et Accepté, l’événement du 9 juillet incarne une quête similaire : éclairer les esprits par la connaissance et le dialogue.
3. Les Liens avec la Tradition des Bâtisseurs
La franc-maçonnerie, héritière des loges médiévales, valorise la construction – littérale et métaphorique – comme un acte de perfectionnement. Les maçons du GOI, sous la direction de Bisi, cherchent à laisser une trace durable, non pas en pierre, mais dans les esprits. L’ouverture du Palazzo Giustiniani est un « chantier » symbolique, où chaque visiteur devient un apprenti dans la quête de vérité.
IV. Défis et Controverses
1. Les Soupçons de Secret et d’Influence

Malgré ses efforts d’ouverture, le GOI reste confronté à des accusations de lobbysme et de manque de transparence. L’affaire P2, bien que révolue, continue d’alimenter les soupçons. Bisi, dans Informare Online, insiste sur la vigilance interne : « Lorsqu’un maçon dévie, il est expulsé, comme ce fut le cas pour Gelli. » L’événement du 9 juillet vise à contrer ces préjugés, mais il ne peut effacer des décennies de méfiance. La polémique électorale de 2024, où Bisi a été temporairement reconduit par « prorogatio imperii » après des irrégularités dans le vote (Gazzetta di Siena, 4 novembre 2024), a également ravivé les critiques sur la gouvernance du GOI.
2. La Tension avec les Autorités

La relation entre le GOI et l’État italien reste complexe. En 2017, la présidente de la Commission Antimafia, Rosy Bindi, avait critiqué le manque de collaboration du GOI, déclarant : « L’antimafia fait du bien à la maçonnerie. » Bisi, dans une interview à OK!Mugello (13 février 2017), avait répondu que les « listes de proscription » violaient les droits fondamentaux. En 2025, l’ouverture du Palazzo Giustiniani peut être vue comme un geste de bonne volonté, mais elle ne résout pas les tensions structurelles entre une obédience attachée à son autonomie et un État soucieux de contrôler les réseaux d’influence.
3. La Perception Publique
Dans une Italie marquée par la montée des populismes, la franc-maçonnerie reste un sujet clivant. Certains y voient une élite secrète, d’autres une communauté de valeurs. L’événement du 9 juillet, en attirant un public diversifié, cherche à changer cette perception. Cependant, comme le note Bisi dans Nuova Società, « il y a encore ceux qui voudraient nous renvoyer au confinement, comme sous le fascisme. » Le défi est de taille : convaincre une société sceptique que la maçonnerie est un acteur légitime du débat public.
V. Perspectives et Implications
1. Une Nouvelle Ère pour le GOI
L’ouverture du Palazzo Giustiniani marque un tournant pour le GOI, qui s’engage dans une voie de communication proactive. En 2019, lors d’une réunion à Matera, Bisi avait appelé à une Europe plus proche des citoyens, un message qu’il réitère en 2025. Cette démarche pourrait inspirer d’autres obédiences, comme le Grand Orient de France, confronté à des défis similaires de légitimité. En montrant ses archives et ses symboles, le GOI invite à un dialogue historique et philosophique, dépassant les clichés.
2. Un Héritage à Préserver

En mettant en avant Garibaldi et Nathan, Bisi rappelle l’héritage humaniste du GOI, qui a façonné l’Italie moderne. Cet événement est une occasion de préserver cet héritage face à l’oubli ou à la caricature. Les archives du Palazzo Giustiniani, riches de correspondances et de rituels, pourraient devenir un outil éducatif, à l’image des musées maçonniques en Belgique ou au Portugal.
3. Une Réflexion Universelle
L’ouverture du Palazzo Giustiniani transcende le contexte italien, posant une question universelle : comment une institution initiatique peut-elle s’adapter à une société moderne sans perdre son essence ? Comme le projet de La Lande-de-Fronsac, où des artisans recréent une cathédrale avec des outils médiévaux, le GOI cherche à construire un pont entre passé et avenir. En s’ouvrant au public, il incarne le principe maçonnique de « rassembler ce qui est épars », unissant histoire, culture et aspiration à un monde meilleur.
VI. Conclusion : Une Lumière sur l’Histoire
Le 9 juillet 2025, sous l’égide de Stefano Bisi, le Grande Oriente d’Italia a franchi une étape historique en ouvrant les portes du Palazzo Giustiniani. Ce « voyage dans la maçonnerie », relayé par Il Tempo, a révélé un lieu où l’histoire de l’Italie s’entrelace avec les idéaux maçonniques de liberté et de fraternité. En évoquant Garibaldi et Nathan, Bisi a rappelé que le GOI n’est pas une relique du passé, mais un acteur vivant de la société italienne.

Malgré les controverses – de l’affaire P2 aux tensions avec l’Antimafia – cet événement marque un tournant vers plus de transparence et de dialogue. À l’image des bâtisseurs médiévaux, dont les cathédrales défient le temps, le GOI, sous la houlette de Bisi, construit un édifice symbolique, fait de pierre et d’idées, pour les générations futures. Dans un monde en quête de sens, ce voyage au cœur de la franc-maçonnerie italienne est une invitation à redécouvrir l’héritage humaniste qui a forgé l’Italie, et à méditer sur les valeurs universelles qui continuent d’éclairer la voie. Comme le compas et l’équerre, symboles de mesure et d’harmonie, cet événement trace un cercle d’unité, où passé et avenir se rencontrent dans une quête intemporelle de lumière.
Sources :
- Il Tempo, « Viaggio nella Massoneria, Gran Maestro Stefano Bisi: Grande Oriente d’Italia, Garibaldi e Nathan », 9 juillet 2025.
- Gazzetta di Siena, « Stefano Bisi, la città, la massoneria, le amicizie e il futuro di Siena », 30 janvier 2024.
- OK!Mugello, « Antimafia e Massoneria : Il Gran Maestro Stefano Bisi risponde alla Bindi », 13 février 2017.
- Informare Online, « Massoneria : Le pagine di storia del Grande Oriente d’Italia », 6 août 2020.
- Gazzetta di Siena, « Stefano Bisi torna Gran Maestro del Grande Oriente d’Italia per ‘prorogatio imperii’ », 4 novembre 2024.
- Gazzetta di Siena, « Stefano Bisi nominato Gran Maestro Onorario del Goi », 12 avril 2024.
- QuiCosenza, « Massoneria e cosche, Gran Maestro audito in Antimafia : ‘Non possiamo consegnare gli elenchi’ », 18 janvier 2017.
- Nuova Società, « Massoneria : Bisi (Gran Maestro del Grande Oriente d’Italia) : ‘Non ci nascondiamo e lavoriamo per l’Europa del futuro’ », 3 juin 2019.