(Les « éditos » de Christian Roblin paraissent le 1er et le 15 de chaque mois.)
Voici venir l’été. Tandis que les jours commencent insensiblement à raccourcir, l’ardeur du soleil, l’amollissement des tâches, le parfum de villégiature, étirent paradoxalement le sentiment de la durée. S’annoncent ainsi les torpeurs estivales, jusqu’aux travaux suspendus des loges. C’est un moment favorable pour nous interroger sur le sens de nos choix et de nos activités.

Au plan maçonnique, quelque intérêt que je trouve à l’exploration de nos traditions, je me demande parfois si ces recherches approfondies n’ont pas tendance à distraire de l’essentiel, du dépouillement de soi, du silence intérieur, de l’expansion de la conscience. J’ai ma réponse et elle est corroborée par de multiples constats, comme si l’agitation mentale ou, du moins, la tension intellectuelle était un habile subterfuge pour échapper au lâcher prise, aux renoncements fluides, et conserver calculs, lâchetés et crispations. Pour autant, il ne manque pas de Sœurs et de Frères à qui ces exercices culturels, en nourrissant leur imaginaire, furent des plus profitables, aussi bien dans leur ouverture d’esprit que dans leur conduite ordinaire. C’est donc plutôt une affaire de personnalité.

Et puis, il y a ceux qui se soucient de la symbolique comme d’une guigne ou qui la pratiquent à froid comme une simple dissection rationnelle et qui, les uns et les autres, échappent ainsi à cet enveloppement spirituel qui transforme le regard et l’engagement dans le monde. Ceux-là se sont installés dans une sorte de sociabilité à prétention philosophique plus ou moins affirmée voire à tendance politique plus ou moins prononcée. L’initiation n’est pas leur fort. Je crains que certains n’aient ainsi manqué d’une chance d’amélioration morale et d’élévation de conscience. Toutefois, la nature est bonne fille et, en se frottant abstraitement les uns aux autres avec toutes leurs différences, maints et maintes en tirent un indéniable bénéfice d’humanité, tout en s’étant dispensés des renoncements solitaires que cultivent des disciplines intérieures quelque peu plus constantes. C’est la grâce de notre condition qui finit par trouver sa voie, dans l’immense combinatoire des destinées, dominée, toutefois, par le désir de faire société ensemble.
À tous ces Frères et à toutes ces Sœurs à qui je souhaite un bon été, j’oserai me présenter comme ils le feraient eux-mêmes à moi, par cette formule irréductible dans laquelle nous nous reconnaissons tous :
« Moi, ton autre ».