ven 13 juin 2025 - 13:06

La Sauterelle Égarée et l’Équerre Tordue : Manifeste contre la Tyrannie de la Rectitude

L’équerre, outil fondamental des bâtisseurs depuis des millénaires, est plus qu’un simple instrument : elle est un symbole de droiture, de justesse et d’ordre. Pourtant, à force de sacraliser l’alignement parfait, elle se transforme en carcan limitant l’expression du réel. Est-il réellement nécessaire que tout soit toujours droit ?

Dédale et la Sagesse des Bâtisseurs

Dédale, maître des constructions, savait que l’art de bâtir dépassait la simple rectitude. Dans les temples antiques et les palais labyrinthiques, il enseignait que chaque angle avait son importance, mais que la rigidité excessive pouvait nuire à l’adaptation. Le compas et l’équerre, disait-il, étaient autrefois entre les mains d’Anubis ou d’Horus pour guider les laboureurs et mesurer leurs terres. Ce geste ancien rappelait aux hommes que la géométrie devait servir la réalité, et non l’inverse.

Prélude : La Sauterelle Égarée

Comme la sauterelle qui bondit hors du chemin tracé, notre pensée doit explorer l’inattendu. Ce prélude nous invite à remettre en question notre soumission à une perfection rigide, au profit de l’adaptabilité. Car si la ligne droite rassure, elle ne suffit pas à embrasser la complexité du monde. L’harmonie naît souvent de l’équilibre entre structure et souplesse. Reconnaissons que l’ordre et la beauté existent aussi dans l’irrégularité et le mouvement.

Le Dogme de la Rectitude : Une Illusion Bien Entretenue

Depuis des siècles, la rectitude domine : tout doit être droit, impeccable, sans défaut. Que ce soit en architecture, en pensée ou au sein des institutions, on traque la moindre irrégularité comme une faute. Mais qui a décrété que la ligne droite est l’unique voie vers l’excellence ? La nature nous enseigne le contraire : les fleuves serpentent, les montagnes se dressent sans régularité, et même la lumière se courbe sous certaines forces. Ce que nous appelons chaos n’est parfois que la structure d’un ordre plus subtil.

L’Équerre Tordue : Une Dissidence Salutaire

Face à ce dogme, l’équerre tordue surgit comme un cri de rébellion. Elle est une invitation à repenser nos certitudes. Brisant l’illusion de la rectitude parfaite, elle affirme que l’irrégularité n’est pas un défaut, mais une nécessité. Que devient une ligne trop droite face aux mouvements du monde ? Elle se fissure, cède sous la pression de la réalité. La véritable maîtrise réside non dans l’inflexibilité, mais dans l’intelligence de l’adaptation.

La Fausse Équerre : L’Outil des Bâtisseurs Éclairés

Plus subtile encore, la fausse équerre ne cherche pas à imposer un angle fixe. Elle s’ajuste, mesure et accompagne la construction sans rigidité dogmatique. Elle est l’outil des maîtres artisans et des penseurs lucides, ceux qui savent que chaque structure doit s’accorder au réel plutôt qu’à un idéal figé. Là où l’équerre impose, la fausse équerre observe et corrige.

La sauterelle ou la fausse équerre

L’Équerre du Vénérable : La Rectitude Assumée

Il existe une autre équerre qui mérite sa place dans cette réflexion : l’équerre du Vénérable. Portée avec droiture et honneur, elle incarne une rectitude consciente et éclairée, bien loin d’une rigidité dogmatique figée dans le temps. Elle symbolise un équilibre subtil entre la force des traditions et la nécessité du questionnement, entre l’héritage des Anciens et l’évolution portée par le discernement.

Cette équerre, plus qu’un simple outil symbolique, est le témoin d’un savoir forgé par l’expérience et consolidé par les épreuves. Elle rappelle que la droiture du Vénérable ne réside pas dans l’immobilisme, mais dans la capacité à tenir le cap tout en ajustant la trajectoire lorsque cela s’avère nécessaire. Elle est le pilier sur lequel repose une guidance éclairée, capable de préserver l’essence du rite sans l’enfermer dans un carcan rigide.

Ainsi, l’équerre du Vénérable est un phare au sein de la loge, un repère pour ceux qui cheminent vers la connaissance. Elle ne dicte pas, elle éclaire ; elle ne contraint pas, elle inspire. Son porteur, conscient du poids de sa mission, incarne cette rectitude assumée qui fait la grandeur d’un guide véritable : ferme sans être intransigeant, constant sans être inflexible, et toujours prêt à ajuster avec justesse, afin que l’édifice initiatique demeure solide et vivant.

L’Équerre Secrète : L’Angle Oublié du Savoir

Depuis l’aube des bâtisseurs et des penseurs, des équerres ont été forgées et transmises comme des symboles du perfectionnement humain. L’équerre rigide a imposé sa loi, l’équerre tordue a défié l’ordre établi, et la fausse équerre a révélé l’intelligence de l’adaptation, et l’équerre du Vénérable a incarné la droiture consciente.

Mais une équerre manque à l’appel. Une équerreoubliée, ignorée, cachée, qui pourtantdétiendrait peut-être la clef de la véritable maîtrise.

Une équerre qui échappe aux dogmes !

Si elle est secrète, c’est qu’on l’a reléguée aux marges du savoir établi. Peut-être parce qu’elle refusait d’être un instrument d’imposition, ou parce qu’elle ne pouvait être enfermée dans une forme fixe. Contrairement aux autres, cette équerre ne cherche pas à tracer des lignes, ni même à ajuster des angles.

L’angle mystérieux

Une Inspiration Biblique et Ésotérique : Le Chemin Juste

La Bible elle-même enseigne la rectitude comme une quête de vérité et de sagesse. Proverbes 4:26-27 nous éclaire sur cette notion :
« Considère le chemin par où tu passes, et que toutes tes voies soient bien réglées; Ne te détourne ni à droite ni à gauche, et éloigne ton pied du mal. »
Cette exhortation nous invite à une réflexion profonde sur l’importance de la direction que nous choisissons dans notre vie.

« Le chemin juste est souvent tortueux, mais il mène à la lumière. »

Dans les traditions ésotériques, l’équerre symbolise la rigueur du monde matériel et le cadre nécessaire à l’apprentissage. Elle représente la construction méthodique de la pensée et de l’action, permettant aux initiés de structurer leur compréhension de l’univers. Certains y voient l’épreuve de la dualité, le défi de maintenir l’ordre face au chaos, ainsi que la quête d’un équilibre entre les lois terrestres et une sagesse transcendante.

Maîtriser l’équerre, c’est apprendre à façonner la matière, à organiser le réel et à dépasser les limites imposées par la condition humaine.

En franc-maçonnerie, ce symbolisme prend une dimension essentielle : l’équerre devient un outil de perfectionnement, guidant l’initié dans la construction de son « temple intérieur ». En cultivant discipline et stabilité, l’équerre incarne le chemin vers l’auto-transcendance. Plusieurs auteurs ont exploré ces principes, notamment :

Oswald Wirth, qui a examiné les outils maçonniques et leur signification ésotérique, offrant des perspectives sur leur rôle dans l’initiation ;

René Guénon, qui a analysé la dualité entre matière et esprit dans une perspective métaphysique, soulignant l’interconnexion entre les deux ;

Dominico Rossi, qui a écrit sur la symbolique du compas et de l’équerre, apportant une touche unique à la compréhension de ces outils dans un contexte polonais.

En somme, l’équerre, qu’elle soit perçue à travers le prisme de la foi ou de l’ésotérisme, nous enseigne que la recherche de vérité et d’équilibre est un chemin qui exige réflexion et engagement.

L’Équerre de l’Intuition : Une Dimension Supplémentaire

En complément des équerres déjà évoquées, il existe également l’équerre de l’intuition, qui incarne la capacité à naviguer dans l’incertain et à faire confiance à notre instinct. Cette équerre ne se mesure pas en angles ou en lignes droites, mais en sensations et en ressentis. Elle nous enseigne que, parfois, les décisions les plus justes ne découlent pas d’une logique rigide, mais d’une connexion profonde avec notre vérité intérieure.

L’équerre de l’intuition nous rappelle que, tout en bâtissant nos structures de vie et en cherchant l’harmonie entre créativité et rigueur, il est essentiel de laisser une place à notre instinct et à notre sensibilité. En intégrant cette équerre dans notre cheminement, nous pouvons véritablement enrichir notre approche, en nous permettant d’explorer des avenues inattendues et de trouver des solutions originales aux défis qui se présentent à nous.

La Richesse de l’Équerre dans notre Vie

L’équerre pittoresque, avec sa capacité à transcender les simples mesures, nous invite à envisager nos projets avec une créativité renouvelée. Dans le grand atelier de la vie, chaque angle représenté par nos actions et nos choix est une opportunité de bâtir non seulement des structures matérielles, mais aussi des rêves, des aspirations et des valeurs.

En fin de compte, l’équerre, sous toutes ses formes, est le reflet de notre quête de vérité et d’authenticité. Elle nous rappelle que le cheminement vers la réalisation de soi est tout aussi important que les résultats que nous atteignons. En alliant rigueur et imagination, nous pouvons créer un équilibre harmonieux qui enrichit notre existence.

C’est pourquoi l’adage résonne avec encore plus de force : « Ce que tu fais, te fait. » Que nous soyons bâtisseurs de murs ou d’idées, ayons toujours à l’esprit que la véritable mesure de notre parcours réside dans la justesse de nos intentions et dans notre capacité à embrasser la complexité de la vie. L’équerre et le compas, comme guides éclairés, nous rappellent que l’harmonie entre structure et créativité est essentielle pour bâtir un avenir prometteur.

1 COMMENTAIRE

  1. En voilà encore une de plus enrichissante encore.
    En effet, cette planche riche en enseignement et découvertes vient mettre en relief les différentes acceptions de l’équerre représentant l’une des Trois Grandes Lumières.
    L’équerre rigide qui impose la loi ; L’équerre tortue qui défie l’ordre établies ; la fausse Équerre qui révèle l’intelligence de l’adaptation et L’équerre du Vénérable maître qui incarne la droiture consciente font l’objet d’une étude approfondie afin d’apprendre à : façonner la matière, organiser le réel et dépasser les limites imposées par la condition humaine. Et mieux encore, L’équerre de l’intuition qui en mon sens doit être la résultante de toutes ces dernières.
    C’est une très grande leçon de vie que nous enseigne cette magnifique planche.

    Mes salutations distinguées à toute la cellule dirigeante de cette plateforme dont ses publications vont crescendo, j’allais dire sans cesse croissantes.

    Très fraternellement…

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Gérard Lefèvre
Gérard Lefèvre
En parlant de plume, savez- vous que l’expression “être léger comme une plume” signifie ne pas peser plus lourd qu’une plume et pouvoir soulever quelqu’un ou quelque chose avec une grande facilité? C’est une belle métaphore pour exprimer la légèreté et la facilité. Et puis, être une plume peut aussi signifier autre chose. On n’est pas seulement « plume », on est « plume de… ». Parfois, on propose à quelqu’un qui a une audience, un public, et pas forcément le temps, ou parfois pas forcément la compétence d’écrire pour être compris et convaincant à l’oral. C’est un peu comme être un “nègre”, donc… Alors, que choisir? Être ou ne pas être une plume ? Gérard Lefèvre Orient de Perpignan

Articles en relation avec ce sujet

Titre du document

DERNIERS ARTICLES