jeu 12 juin 2025 - 23:06

Itinéraire alchimique et spirituel

Le Temple de La Chapelle-des-Pots (Charente-Maritime)

« Le Temple est le monde, et le monde est le Temple. Le Rite est ce qui les traverse. »

Un décor oublié, une sagesse silencieuse

Dans un petit village de Charente-Maritime, à La Chapelle-des-Pots, un ancien temple maçonnique reconstruit, accueillant la même loge « La Sincérité » depuis 1745 conserve des fresques symboliques d’une richesse exceptionnelle. Ces décors peints, typiques des premiers temps de la Franc-Maçonnerie française, proposent bien plus qu’un ornement : ils constituent une véritable carte initiatique, un chemin de transformation.

Au sein de cette configuration, chaque élément n’est pas seulement chargé de symbolisme : il est placé avec une intention précise, destinée à créer un espace sacré où l’homme, le cosmos et le divin dialoguent silencieusement.

Explorons ce langage visuel à la place de l’initié qui va cheminer dans ses dimensions symbolique, spirituelle et alchimique, avant de le mettre en mouvement par la dynamique rituelle du parcours initiatique.

À l’Occident : la manifestation du monde

L’Occident est le seuil. C’est là que l’initié entre — non comme spectateur, mais comme voyageur intérieur.

La Ruche d’or couronnée, posée sur une table de pierre, d’où s’échappent les abeilles, symboles de travail, d’ordre, de coopération. Le paysage verdoyant en arrière-plan figure la nature régénérée.

La sphère armillaire est un ancien instrument astronomique composé d’anneaux concentriques (appelés armilles), représentant les principaux cercles de la sphère céleste (équateur, écliptique, tropiques, méridiens, etc.).

À droite des colonnes : La Ruche couronnée, matrice vivante de la sagesse collective.

Placée face à la femme lunaire, la ruche ouverte, surmontée d’une couronne flamboyante, irradie une sagesse douce, fertile, invisible mais ordonnée. Elle incarne la société initiatique en ordre, non par autorité imposée, mais par harmonie intérieure. La couronne, ouverte et lumineuse, signifie que cette royauté n’est pas de domination mais de rayonnement spirituel.

Les abeilles en vol — messagères discrètes entre le visible et l’invisible — sont le reflet d’un travail sacré, silencieux, collectif. Elles illustrent la rigueur et la douceur, l’obéissance et la liberté, l’action juste au service de la communauté. Leur mouvement est à la fois ordonné et vivant, à l’image de la Loge idéale : un organisme intelligent plutôt qu’une structure rigide.

Face à la femme sous la Lune, la ruche exprime une polarité féminine, liée à la nourriture spirituelle, à l’intuition féconde, à la vie communautaire. Le lien avec la Lune suggère le rythme, le cycle, la régénération : la ruche est un ventre sacré, un sanctuaire matriciel d’où naît l’ordre du monde.

Placée à gauche des colonnes, elle figure l’origine du chemin initiatique, le point de départ incarné dans la matière organisée et vivante. Face à la sphère armillaire (côté droit), elle propose un équilibre : la sagesse du cœur face à la rigueur de l’intellect, la nature en ordre face au cosmos en rotation.

La ruche n’est pas un simple décor : elle est le modèle vivant d’une société éclairée, où chacun, à l’image de l’abeille, trouve sa place dans une œuvre commune, au service d’un bien supérieur. Elle est l’utopie incarnée — non rêvée, mais vécue, bâtie, offerte.

À droite des colonnes : La Sphère armillaire, miroir du cosmos, clef de l’unité

Placée face à l’homme solaire, la sphère armillaire représente le cosmos ordonné, l’univers tel qu’il peut être compris et intégré par la conscience éveillée. Sous le regard du Soleil — principe de lumière et d’intellection — elle devient instrument d’alignement, pont entre le monde visible et les lois invisibles.

À sa gauche, la ruche couronnée, en vis-à-vis de la femme lunaire, symbolise l’ordre naturel et social, la sagesse collective, la fécondité de l’action. À sa droite, la sphère incarne l’ordre céleste, la contemplation, le savoir structurant. Ces deux pôles — ruche et sphère — ne s’opposent pas : ils sont complémentaires et articulés par les deux colonnes, blanche et rouge, symboles du passage initiatique, du dialogue des contraires.

Ce triptyque dessine une dynamique alchimique :

  • La ruche figure la nigredo : matière première, confuse mais féconde ;
  • Les colonnes sont l’albedo : purification, discernement, franchissement du seuil ;
  • La sphère, enfin, manifeste la rubedo : réintégration des principes, retour à l’unité lumineuse.

Le pavé mosaïque, au centre, accueille cette tension symbolique. Il est le lieu de l’Œuvre, de la transmutation. L’initié, marchant entre la ruche et la sphère, apprend à réconcilier la nature et le ciel, la société et le divin, l’action et la contemplation.

Ainsi, le monde devient Temple. La sphère, loin d’être un objet figé, devient le miroir de l’âme alchimique, celle qui, dans le silence et la lumière, épouse les lois du cosmos pour mieux servir l’humanité.

Le Passage entre les Colonnes et l’Enceinte sacrée

Temple de La Chapelle-des-Pots

Entre la ruche couronnée et la sphère armillaire, se dressent deux colonnes, Jakin (blanche, à gauche) et Boaz (rouge, à droite). Elles forment la porte symbolique du Temple, le seuil que l’initié franchit pour quitter le monde profane et entrer dans l’espace sacré.

Ces colonnes ne sont pas seulement des piliers architecturaux : elles représentent les forces complémentaires de l’univers. Jakin, associée à la ruche, à la femme et à la Lune, incarne le principe réceptif, passif, matriciel : la mémoire, la tradition, la fécondité. Boaz, du côté de la sphère et de l’homme solaire, incarne le principe actif, dynamique,structurant : la volonté, la puissance, l’élévation.

Au sommet de chaque colonne, une grenade ouverte dévoile ses grains : symbole de vie, d’unité dans la multiplicité, et de connaissance partagée. La grenade, dans la tradition maçonnique et biblique, évoque l’abondance spirituelle et la communion de l’ensemble des Frères et Sœurs dans la diversité de leurs travaux. C’est aussi un fruit d’immortalité, une promesse de régénération.

Fait rare et hautement significatif : c’est au pied même de ces deux colonnes que prend naissance une corde à 12 nœuds, qui serpente ensuite tout autour du Temple. Cette corde sacrée, souvent suspendue aux murs ou représentée en corniche, prend ici racine à la frontière entre les deux mondes, marquant que l’espace sacré est entièrement ceinturé, protégé et ordonné par les lois initiatiques. Les douze nœuds évoquent à la fois les douze mois de l’année, les douze signes zodiacaux, les douze tribus d’Israël ou encore les douze apôtres : autant d’images de la totalité cyclique, de l’ordre cosmique, et de l’alliance entre le divin et l’humain. Chaque nœud est un jalon sur le chemin, un point de rappel que la progression dans le Temple est une marche rythmée, ordonnée, harmonique.

Le passage entre ces colonnes est un rite de transformation. Il marque le point où le voyage commence, non dans l’espace, mais dans la conscience. L’initié entre dans un monde de symboles, où chaque forme devient enseignement. Il est désormais enveloppé par la corde des anciens, le lien sacré de la tradition qui entoure silencieusement les Travaux.

Les colonnes Jakin et Boaz sont ainsi les gardiennes de la voie initiatique, celles qui soutiennent le seuil entre l’ombre et la lumière, entre l’ignorance et la compréhension, entre le multiple et l’Un. Passer entre elles, c’est naître une seconde fois — et c’est sous le regard muet de la corde à 12 nœuds, qui veille depuis l’origine, que cette nouvelle naissance est scellée.

Le centre sacré : pavé mosaïque, colonnettes et lumière filtrée

Après avoir franchi le seuil des colonnes Jakin et Boaz, l’initié progresse jusqu’au centre du Temple, là où repose le pavé mosaïque — ou, selon le rite pratiqué, un tableau de loge placé sur ce pavé. Ce damier noir et blanc, emblème universel de la dualité du monde, représente la condition humaine : clair-obscur de l’existence, tension permanente entre le bien et le mal, la lumière et l’ombre, l’esprit et la matière.

Mais ce centre n’est pas chaos : il est ordonné. Autour du pavé se dressent trois colonnettes, chacune surmontée d’une lumière, symboles de la présence des Vertus essentielles (selon certaines traditions : Sagesse, Force, Beauté). Ces lumières guident l’initié, l’éclairent sans l’aveugler, le protègent sans l’enfermer. Elles font du centre non pas un lieu neutre, mais un sanctuaire de discernement et d’équilibre.

À sa droite, le mur du Midi — direction de la pleine lumière — est percé de trois fenêtres grillagées. Elles ne laissent pas entrer la lumière brute : elles la filtrent, la disciplinent. Elles évoquent l’idée que la vérité ne s’offre jamais dans l’éclat violent, mais dans la mesure, la gradation, l’enseignement progressif. Le grillage devient ainsi symbole de la maîtrise, du temps initiatique, de la protection de l’invisible.

Ce centre, lumineux mais mesuré, est le cœur opératif du Temple : c’est là que l’initié œuvre, contemple, reçoit, et devient à son tour lumière dans la lumière. : il est le cœur vivant de la Loge. Le point de bascule. Le lieu où l’homme, entrant profane, meurt à son ancienne vie pour renaître à la Lumière. Il est creuset alchimique, chambre d’échos spirituels, centre initiatique.

L’Orient : lieu de la synthèse, regard de l’Un

Au terme de sa progression, l’initié se tient face à l’Orient, source de la Lumière, direction du verbe fondateur et du principe d’éveil. Ce n’est plus un seuil à franchir, ni un centre à traverser, mais une vision à recevoir.

À sa gauche se tient la femme sous la Lune, bras droit levé portant une feuille verte, bras gauche appuyé sur une canne flamboyante et ondulée. Elle incarne la sagesse intuitive, la vie offerte, la connaissance vivante. Elle est la matrice du mystère, la gardienne des cycles, de l’ombre fertile, de la lumière réfléchie. Elle incarne la sagesse intuitive, la vie offerte, la connaissance vivante. Elle est la matrice du mystère, la gardienne des cycles, de l’ombre fertile, de la lumière réfléchie.

À sa droite, l’homme sous le Soleil, tenant de la main gauche un triangle suspendu à un fil à plomb, et levant de la main droite deux doigts à sa bouche, enseigne par le silence, lamaîtrise du verbe, l’alignement avec la loi céleste. À ses pieds, le sablier, rappel de l’urgence de l’œuvre et de la finitude assumée.

Ces deux personnages ne sont pas deux moitiés : ils sont deux polarités unies, deux archétypes complémentaires dans une lecture alchimique du Solve et Coagula. Ensemble, ils rappellent que tout travail initiatique est une réconciliation des contraires — raison et intuition, lumière du jour et clarté nocturne, feu et eau.

Entre ces deux polarités se trouve le plateau du Vénérable Maître, surélevé, point focal du Temple. Il est surmonté d’un triangle radiant, en son centre un œil ouvert : symbole de la présence du Principe, de l’Intelligence divine, du regard intérieur.

Face à cet Orient, l’initié ne reçoit pas une parole, mais un appel silencieux : incarner l’unité des contraires, devenir lui-même axe vivant entre la mémoire et la vision, entre l’intuition et la loi, entre le monde et le Divin. Il ne contemple plus : il est contemplé.

Le parcours circulaire de l’initié

Le Temple maçonnique n’est pas un simple lieu : il est un corps symbolique, un miroir du monde et une carte de l’âme. L’initié ne s’y déplace pas horizontalement, mais en spirale intérieure, porté par une dynamique sacrée.

Il entre par l’Occident, là où le monde s’ouvre dans sa dualité. À sa gauche, la ruche couronnée, vibrante et ouverte, entourée d’abeilles, figure la sagesse communautaire, le travail harmonieux, la fécondité sociale. Elle est matrice vivante, liée à la femme lunaire, intuition, offrande, gestation du Verbe. À sa droite, la sphère armillaire, représentation du cosmos structuré, miroir des lois célestes, répond à l’homme solaire, principe de mesure, silence et verticalité.

Entre ces deux pôles, les colonnes Jakin et Boaz, blanche et rouge, surmontées de grenades ouvertes, forment le seuil de la séparation. Elles gardent la porte du mystère. Les franchir, c’est laisser derrière soi le profane, et entrer dans la voie des symboles.

C’est là aussi, à leurs pieds, que prend naissance un élément rare et fondamental : la corde à douze nœuds. Elle serpente discrètement le long des murs du Temple, comme un fil sacré liant le tout. Cette corde ne délimite pas l’espace : elle le consacre. Ses douze nœuds sont autant de rappels du cycle cosmique, des étapes de transformation, des signes de l’alliance entre le visible et l’invisible. Elle est mémoire des anciens, souffle de l’Éternel, cercle de lumière nouant la tradition aux pas de l’initié. Ce lien discret mais essentiel l’enveloppe et l’enseigne, comme un murmure de sagesse tressée dans la pierre.

Le centre du Temple s’offre alors : le pavé mosaïque, tissé de noir et de blanc, accueille le tableau de loge, image de l’Œuvre. Autour de lui, quatre colonnettes lumineuses, telles les sentinelles des vertus, éclairent sans aveugler. À sa droite, les trois fenêtres grillagées du Midi filtrent la lumière solaire : la vérité, ici, ne se donne que par initiation progressive.

Enfin, l’initié s’avance vers l’Orient. Là se dressent la femme sous la Lune et l’homme sous le Soleil, archétypes du Féminin et du Masculin réconciliés. Au centre, le plateau du Vénérable Maître, surmonté d’un triangle radiant, en son cœur l’Œil omniscient, lui révèle le but ultime : se reconnaître dans le regard du Principe.

Il est invité à se diriger vers l’Orient, vers la rencontre avec l’Homme solaire et la Femme lunaire, c’est-à-dire avec les principes de sa propre unité retrouvée. Là, il comprend :

  • que le temps est une matrice (sablier)
  • que le silence est une voie (gestuelle)
  • que la feuille verte est une promesse (vie renaissante)
  • que le feu intérieur est une flamme divine (canne flamboyante)

Son regard, ayant traversé la dualité du globe et de la ruche, se pose sur l’unité vivante de l’Orient. Il devient centre en mouvement, cercle devenu point, alchimiste de sa propre matière.

Ce parcours n’est pas linéaire. Il est circulaire et ascendant, comme une danse autour du centre. L’initié n’a pas simplement avancé : il a tourné autour de lui-même, découvert que l’entrée était sortie, que l’Orientétait déjà en lui. Ainsi s’accomplit l’Œuvre :par le mouvement du dehors vers le dedans, et du moi vers l’Un — sous l’œil discret mais constant de la corde sacrée, gardienne des cycles et du lien éternel.

Une lecture alchimique et universelle

Ce Temple, tel qu’il se présente dans sa richesse iconographique — ruche, sphère, colonnes, pavé, luminaires, Soleil et Lune, figures humaine, œil dans le triangle — n’est pas un édifice, mais une cosmogonie vivante, un microcosme qui reflète les lois éternelles de l’univers et les étapes de la transmutation intérieure.

Chaque élément y trouve place selon un axe vertical (du monde à Dieu) et un axe horizontal (du multiple à l’Un). C’est une alchimie spatiale, où le Temple devient athanor de l’âme.

Nigredo – La matière première et le monde séparé

Le parcours débute à l’Occident : l’initié est plongé dans le monde de la dualité, le pavé mosaïque n’est pas encore traversé. À gauche, la ruche couronnée, ouverte et peuplée d’abeilles, représente la matière vivante en fermentation : société humaine, instincts, désirs, mais déjà ordonnés par le travail collectif. À droite, la sphère armillaire, miroir du cosmos et de la géométrie divine, est encore extérieure à lui.

L’initié, comme le plomb de l’alchimiste, est dense, opaque, ignorant de sa propre lumière. C’est l’état de nigredo, la noirceur initiale, la phase de dissolution.

Albedo – La séparation, le passage, la lumière voilée

Les colonnes Jakin et Boaz, blanche et rouge, gardiennes du seuil, surmontées de grenades ouvertes, marquent le passage de la séparation à la conscience. Ce franchissement est l’acte de discernement, de séparation des contraires (solve), mais aussi de leur mise en dialogue.

C’est au pied même de ces colonnes que se manifeste un symbole discret mais essentiel : la corde à douze nœuds. Elle entoure le Temple dans un tracé invisible aux profanes, mais tangible pour l’initié. Cette corde, tressée comme un écho des temps antiques, noue les lois de la tradition à l’espace sacré. Ses douze nœuds sont autant d’étapes initiatiques, de passages lunaires et solaires, de mois, de signes et d’épreuves, où la matière du monde devient matière de l’âme. Elle agit comme un cercle protecteur et opératif : elle relie, ordonne, préserve. À travers elle, le Temple devient un tout organique, un champ vibratoire dans lequel l’initié évolue avec conscience.

Le pavé mosaïque devient lieu de polarité consciente. L’initié y marche en pleine lumière mais sous protection : les trois colonnettes lumineuses l’entourent, guides et gardiennes de son équilibre. À sa droite, les fenêtres grillagées du Midi diffusent une lumière disciplinée : la vérité ne brûle pas, elle enseigne, progressivement, comme le bain d’eau purificatrice de l’alchimie.

Rubedo – L’union, la vision, la transmutation

En s’approchant de l’Orient, l’initié entre dans la phase du rubedo : la lumière rouge de la transfiguration, l’union des contraires. Il rencontre les deux grandes figures :

  • La femme sous la Lune, sage, féconde, intuitive, portant une feuille verte (la vie) et une canne flamboyante (le feu intérieur maîtrisé).
  • L’homme sous le Soleil, vertical, mesuré, silencieux, tenant le triangle suspendu au fil à plomb (loi céleste) et gardant le sablier à ses pieds (conscience du temps).

Entre eux se dresse le plateau du Vénérable Maître, surmonté du triangle radiant à l’œil central : l’Œuvre est achevée, l’initié peut regarder dans l’Œil de l’Un, parce qu’il est devenu Un avec lui.

Un Temple universel

Ce Temple est alchimique, mais aussi universel : il parle à toutes les Traditions. La ruche rappelle la Terre-Mère, la sphère les sphères célestes de Pythagore, les colonnes le Temple de Salomon, le pavé les yin-yang taoïstes, l’œil le Nous d’Hermès, la lumière filtrée la Sophia chrétienne, la corde à douze nœuds le fil d’or de la Tradition Primordiale, le parcours entier la Voie de l’Unité.

Ainsi compris, ce Temple n’est pas celui d’une Obédience : c’est le Temple de l’Humanité, le sanctuaire du Cœur, le plan de la Grande Œuvre à accomplir en chacun de nous. Et la corde silencieuse qui en fait le tour rappelle, à chaque pas, que toute transformation véritable est un lien renoué — entre l’homme et le cosmos, entre la pierre brute et la lumière.

Conclusion : Un Temple comme matrice de l’Être

Ce Temple n’est pas une architecture figée, mais une cosmographie vivante, un miroir sacré dressé à l’image de l’homme et du monde. En ses colonnes, ses symboles, ses orientations et ses lumières, il déploie le langage universel de la transformation.

La ruche ouverte, féconde et communautaire, enseigne le sens du devoir et du lien fraternel. La sphère céleste, rigoureuse et cosmique, rappelle que l’esprit ne s’élève qu’en se mesurant aux lois éternelles. Les colonnes jumelles, blanches et rouges, ne ferment rien : elles ouvrent, elles posent une tension féconde. Le pavé mosaïque, au centre, accueille la lutte et la réconciliation des contraires, dans une lumière progressive. Et l’Orient, enfin, n’est pas un but extérieur mais un état d’éveil, où l’initié, devenu axe entre les mondes, se laisse regarder par l’Œil de l’Un.

Mais ce sanctuaire serait incomplet sans la corde à douze nœuds qui l’enlace en silence. Elle est le fil d’or de la mémoire, le cercle invisible qui relie chaque symbole, chaque pas, chaque silence. Chaque nœud, comme un battement d’éternité, marque une étape du devenir, un seuil franchi dans l’obscurité du travail intérieur. Elle ne limite pas : elle enrobe, elle enseigne, elle rappelle. Elle est la Tradition tressée dans l’espace, la vigilance initiatique qui veille, immobile et vivante, aux marges du visible.

Ce parcours, de l’Occident à l’Orient, du multiple à l’Un, de la matière à la conscience, retrace en silence le grand itinéraire de toute initiation authentique : celle qui ne prétend rien conquérir, mais qui transmute, éclaire, pacifie.

Ainsi, le Temple devient plus qu’un lieu : il est une échelle entre les mondes, un mandala vivant, une matrice de résurrection intérieure. Savoir y marcher, y respirer, y œuvrer, c’est déjà naître à nouveau. L’initiation n’est plus une idée : elle devient un corps en lumière, un cœur en offrande, une conscience en prière.

Et lorsque le Temple se tait, il ne disparaît pas : il se dresse alors en nous, avec ses piliers, son pavé, sa corde silencieuse et ses lumières — intérieur, éternel, inviolable.

« Il faut reconstruire le Temple à l’intérieur de soi. Il faut replacer la pierre au centre, y tracer le cercle, et faire danser la lumière sur les ombres. Alors seulement, le silence devient Verbe. »

Par Olivier de Lespinats

VM de la RL Saint-Jean de Saintonge « souchée dans ce temple »

2 Commentaires

  1. Juste Waouh, c’est à vivre et à expérimenter.
    Je suis d’accord avec ce respectable et très respecté auteur quand il définit en dernier ressort le Temple comme étant <> …

  2. La beauté d’une âme nous rendant conscients de ce qui nous est offert et qui pour notre joie rompt son silence devenu verbe lumineux. Merci TCF Olivier.

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Olivier de Lespinats
Olivier de Lespinats
Olivier de Lespinats est né en 1961 au sein d’une vieille famille de la noblesse poitevine. Famille dont ses ancêtres ont été Francs-Maçons dès 1738, au sein de la loge « l’Intimité » à l’Orient de Niort. Après des études supérieures d’ingénieur et d’officier, il est devenu expert en ingénierie financière publique, chargé de Travaux Pratiques universitaire et directeur de nombreuses sociétés de conseils et de services auprès du secteur public en France et à l’International. Initié en 1991 à la GLNF au sein de la Respectable Loge « La Clé de Voûte » à l’Orient de Coulommiers, il deviendra en 2000 Vénérable Maître de la Respectable Loge « Saint-Fursy » à l’Orient de Lagny. Désireux de rejoindre une obédience mixte, il démissionnera de la GLNF en 2011 pour rejoindre la GLCS dans un premier temps avec la création d’une loge à Nantes, puis en 2017 la Grande Loge Mixte Nationale avec la création d’une loge à Saintes en 2023. En 2019, à la demande du Passé Grand Maître et du Conseil Fédéral, il deviendra le 4ème Grand Maître de la GLMN pour un mandat de 3 ans. Parallèlement à son parcours en loges bleues, il poursuivra l’enseignement maçonnique pour atteindre le 33ème degré du REAA et celui de CBCS au RER. Reconnu pour son expertise en symbolique ésotérique, il a créé en mars 2020 au sein de la GLMN une newsletter « l’Epi de blé » présentant de nombreuses planches sur la tradition de l’art royal et la vie de l’obédience. En parallèle, il vient d’acquérir et poursuivra, sous une forme moderne, l’ancienne revue « Le Symbolisme ».

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