mer 21 mai 2025 - 17:05

La Franc-maçonnerie et le troisième Œil : transcender l’égo spirituel

De notre confrère elnacional.com

L’Ombre et la Lumière Intérieure

« La lumière véritable naît dans l’ombre de soi-même », une idée inspirée du psychologue Carl G. Jung, qui explorait les profondeurs de l’inconscient pour révéler les vérités cachées de l’âme. Cette réflexion nous invite à emprunter un chemin à la fois accessible et profondément transformateur : celui de l’exploration de l’ego spirituel, ce compagnon inévitable que chacun porte en soi, qu’il soit profane ou initié. Dans la franc-maçonnerie, où la quête de lumière est au cœur de l’initiation, comprendre et transcender cet ego est une étape cruciale. L’ego, dans sa forme positive, agit comme un moteur terrestre, nous incitant à chercher la vérité, à nous dépasser et à grandir sur le plan humain.

Il nous pousse à poser des questions, à explorer les mystères de l’existence et à nous engager dans une démarche initiatique. Mais ce même ego devient un obstacle majeur lorsqu’il se transforme en égoïsme, nous enfermant dans la certitude arrogante d’avoir toujours raison, nous éloignant de l’humilité essentielle à une véritable quête spirituelle. Cet égoïsme spirituel, loin d’élever l’âme, la rabaisse, en nous isolant des autres et en nous coupant de la lumière universelle que la franc-maçonnerie aspire à révéler.

L’Ego Spirituel : Un Piège dans les Traditions Spirituelles

Certaines traditions spirituelles, lorsqu’elles succombent à un ego spirituel exacerbé, se proclament détentrices exclusives de la vérité, cherchant à dominer autrui par une prétendue supériorité. Ce travers, qui trouve ses racines dans un manque de conscience véritable, divise les hommes au lieu de les rassembler. Historiquement, des institutions religieuses, comme certaines branches dogmatiques du christianisme médiéval ou des mouvements sectaires contemporains, ont utilisé leur « vérité » comme une arme pour imposer leur autorité, souvent au détriment de la liberté individuelle et de la diversité spirituelle. L’ego spirituel, dans ces cas, crée des illusions, déformant la réalité à travers une clairvoyance autoproclamée. Il nous fait nous sentir supérieurs à ceux qui, selon nous, n’ont pas encore trouvé leur chemin, qu’il s’agisse de profanes ou de frères d’une autre obédience. En franc-maçonnerie, ce danger est tout aussi présent : un maçon, fier de ses grades ou de ses connaissances symboliques, peut tomber dans le piège de se croire supérieur à ses pairs ou aux non-initiés, oubliant que l’initiation est un chemin d’humilité et non de domination.

À l’inverse, l’esprit authentique, tel que célébré dans les rituels maçonniques, unifie et répare ce qui est brisé. Le compas et l’équerre, symboles fondamentaux, nous rappellent l’importance de l’équilibre et de l’harmonie, non seulement dans nos travaux, mais aussi dans nos relations avec les autres. L’ego, en revanche, est terrestre et bavard : il cherche à tout expliquer, à tout justifier, incapable de se taire face au mystère. Un maçon qui se laisse dominer par son ego spirituel pourrait, par exemple, multiplier les discours pompeux sur le sens des symboles lors d’une tenue, sans jamais écouter les apports de ses frères, ni se laisser toucher par le silence méditatif qui suit une planche. Ce besoin de briller intellectuellement est l’antithèse de la quête maçonnique, qui valorise l’écoute, la réflexion intérieure et la fraternité.

Les Racines de l’Ego Spirituel : Un Manque de Connexion Intérieure

Ca’ Rezzonico – Eraclito 1705 – Giuseppe Torretti

L’ego spirituel surgit d’un manque fondamental de connexion avec notre être intérieur, ce centre sacré que la franc-maçonnerie appelle à découvrir à travers l’initiation. Trop souvent, il se nourrit d’une approche purement intellectuelle, confondant savoir et expérience vécue. Un maçon qui accumule des connaissances sur les rituels, les symboles ou les grades, mais qui ne les intègre pas dans une pratique intérieure, risque de tomber dans ce piège. Il prend ce qu’il sait – ou croit savoir – pour la vérité absolue, sans jamais l’expérimenter dans le creuset de son âme. La franc-maçonnerie, particulièrement dans des rites comme le Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA), enseigne pourtant que la véritable initiation passe par le silence intérieur. C’est dans ce silence que la parole et les actes deviennent le reflet d’une plénitude spirituelle, loin des illusions de l’ego. Le « troisième œil » maçonnique, symbole de la vision intérieure, ne s’ouvre que lorsque l’on dépasse les apparences et les certitudes superficielles pour atteindre une compréhension profonde de soi et de l’univers.

Prenons un exemple concret : un apprenti maçon, fasciné par les mystères du tableau de loge, pourrait passer des heures à déchiffrer ses symboles – le soleil, la lune, les colonnes – et à en débattre avec ses frères. Mais s’il ne prend pas le temps de méditer sur ce que ces symboles signifient pour lui, s’il ne les laisse pas résonner dans son cœur, il risque de se perdre dans une quête intellectuelle stérile, alimentant son ego spirituel au lieu de progresser sur le chemin initiatique. La franc-maçonnerie, en plaçant la connaissance de soi au centre de son enseignement, nous rappelle que la lumière ne vient pas de l’extérieur, mais de l’intérieur, et que cette lumière ne peut être atteinte sans un travail patient et humble.

Les Dangers de l’Ego Spirituel en Franc-Maçonnerie

Un Memento mori en mosaïque (ier siècle apr. J.-C.) accompagné de l’inscription Gnothi seauton. Provient des excavations de l’église San Gregorio al Celio (Rome) ; actuellement au Musée des Thermes de Dioclétien.

En approfondissant cette quête intérieure, l’ego spirituel peut se manifester sous une forme insidieuse : la supériorité autoproclamée. Un maçon, parvenu à un grade élevé comme celui de Maître ou de Vénérable Maître, pourrait croire que ses avancées spirituelles le placent au-dessus de ses frères ou des profanes. Ce piège est d’autant plus fréquent en franc-maçonnerie que la structure hiérarchique des grades peut, si elle est mal comprise, nourrir un sentiment de supériorité. Un Maître Maçon, par exemple, pourrait regarder de haut un nouvel apprenti, oubliant que l’initiation est un chemin continu, où nul n’atteint jamais un sommet définitif. Ce comportement engendre des divisions au sein des loges, des dogmatismes inutiles, et freine la croissance collective qui est pourtant l’un des idéaux maçonniques.

Pour surmonter ce piège, il est essentiel de cultiver les vertus maçonniques fondamentales : l’humilité, la compassion et le partage des connaissances. Reconnaître la valeur des parcours d’autrui, qu’il s’agisse d’un frère d’une autre loge ou d’un profane, est une marque de véritable initiation. La franc-maçonnerie, dans son essence, est une fraternité égalitaire : le tablier, qu’il soit celui d’un apprenti ou d’un Vénérable Maître, est un symbole d’unité, non de supériorité. La véritable conscience éveillée, débarrassée des distorsions de l’ego, nous connecte à notre centre, là où réside notre lumière intérieure. Cette lumière n’est pas un trophée à exhiber, mais une flamme à partager avec humilité et amour.

Le Chemin Maçonnique : Une Ouverture à la Conscience Universelle

un sculpteur assis - Tableau de Bernard Bonave
Tableau de Bernard Bonave

Le chemin maçonnique vers la lumière n’est pas un voyage vers une divinité extérieure, comme dans certaines traditions religieuses, mais une ouverture progressive à la Grande Conscience Universelle dont nous faisons partie. La franc-maçonnerie, en rejetant les dogmes imposés, nous invite à comprendre que nous sommes tous des fragments de cette conscience, égaux dans notre essence. Croire que nous sommes des élus, dépositaires d’une vérité inaccessible aux autres, est une manifestation d’ego spirituel, teintée d’arrogance. Cette croyance, fréquente dans certaines traditions spirituelles, est contraire à l’esprit maçonnique, qui célèbre l’universalité de la lumière et la fraternité entre tous les hommes.

Dans l’existence, nul n’est supérieur à autrui. Les grades maçonniques, bien que structurés, ne sont pas des marqueurs de supériorité, mais des étapes dans un voyage intérieur. Un Vénérable Maître, par exemple, n’est pas « au-dessus » d’un apprenti : il est simplement plus avancé sur le chemin, et sa responsabilité est de guider, non de dominer. Nos actes doivent être guidés par l’amour, non par le sacrifice ou le besoin de reconnaissance. Le sacrifice, lorsqu’il est motivé par l’ego, devient une forme d’autoglorification déguisée. L’amour, en revanche, transcende l’ego et illumine notre chemin, en nous reliant aux autres et à l’univers.

Écouter le Maître Intérieur : La Voie de l’Initiation Authentique

Delta Rayonnant
Triangle maçonnique avec son oeil

La franc-maçonnerie, en plaçant la connaissance de soi au cœur de son enseignement, nous invite à écouter notre maître intérieur, cette voix douce et patiente qui parle dans le silence. Méditation, introspection et simplicité sont des outils essentiels pour entendre cette guidance. Les rituels maçonniques, avec leurs moments de recueillement et de silence, nous préparent à cette écoute. Par exemple, lors de l’initiation au premier degré, le passage dans le cabinet de réflexion est une invitation à se confronter à soi-même, à faire taire l’ego pour entendre la voix de l’âme.

« La sagesse ne s’acquiert pas dans les livres, mais dans le calme de l’âme », une idée inspirée de Pierre Rabhi, penseur humaniste et défenseur de la simplicité. L’ego spirituel, avide de reconnaissance, nous pousse à accumuler des savoirs pour briller en société ou en loge. Un maçon pourrait, par exemple, se vanter de connaître par cœur les rituels du REAA ou les significations ésotériques de la Kabbale, sans jamais les avoir intégrés dans sa vie quotidienne. Mais la véritable initiation maçonnique nous appelle à devenir des sages, non des érudits. La sagesse maçonnique se manifeste dans l’humilité, dans la capacité à partager la lumière avec amour, et dans le respect des parcours d’autrui.

Vers une Spiritualité Universelle et Fraternelle

le 3e oeil

En conclusion, la franc-maçonnerie, à travers sa quête du troisième œil – symbole de vision intérieure et de conscience éveillée – nous offre un chemin pour transcender l’ego spirituel. Ce chemin n’est pas exempt de défis : l’ego, compagnon terrestre, est un outil nécessaire à notre développement, mais il peut nous égarer s’il se mue en égoïsme ou en arrogance spirituelle. La franc-maçonnerie nous enseigne que la véritable lumière ne vient pas de la domination ou de la supériorité, mais de l’humilité, de la fraternité et de l’amour. En nous connectant à notre être intérieur, en écoutant la voix douce de notre maître intérieur, nous pouvons dépasser les illusions de l’ego et nous ouvrir à la Grande Conscience Universelle, dont nous sommes tous une partie. Ainsi, la franc-maçonnerie devient un art de vivre spirituel, un chemin de lumière où l’on apprend à donner sans attendre, à aimer sans juger, et à grandir en harmonie avec l’univers.

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Pierre d’Allergida
Pierre d’Allergida
Pierre d'Allergida, dont l'adhésion à la Franc-Maçonnerie remonte au début des années 1970, a occupé toutes les fonctions au sein de sa Respectable Loge Initialement attiré par les idéaux de fraternité, de liberté et d'égalité, il est aussi reconnu pour avoir modernisé les pratiques rituelles et encouragé le dialogue interconfessionnel. Il pratique le Rite Écossais Ancien et Accepté et en a gravi tous les degrés.

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