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Le lendemain
Nos quatre cherchants décidèrent de se rendre ensemble au Château Lamothe.
Rendez-vous fut pris pour la fin de la matinée avec un membre de la direction de Carré d’Or, le promoteur du projet de rénovation du château pour le sauver de la ruine. Ils mirent à profit ce peu de temps pour se familiariser avec son histoire et tenter de trouver le lien pouvant exister entre l’alchimie, le baron Montagu évoqué dans une des lettres trouvées au manoir de Prague et la liste de tableaux.
Sur les conseils du concierge à qui Alexander demanda où trouver des renseignements, c’est dans tout simplement dans la bibliothèque de l’hôtel (où était rangée une grande documentation sur Lyon), qu’ils trouvèrent outre Le Lyon de nos pères de 1901[1], une belle monographie datant de 2002, très illustrée de photos en couleur, du Château renommé Le château en carton bouilli par ses auteurs[2].

Ne retenant, de ce qui y fut lu, que la période restreinte où Léonardo aurait pu passer au château, Guido conclut :
– Nous trouvons comme propriétaires du fief de la Motte au commencement du XVIe siècle Charles de Villeneuve, Seigneur et Baron de Joux, Seigneur de la Motte qui avait épousé Marie D’Amange. Son grand-père Jean de Villeneuve, mort en 1479 était membre d’une famille parmi les plus considérées de la Province. Le château semble avoir été, au cours du XVIe siècle, la propriété d’érudits et d’humanistes passionnés d’archéologie et d’objets antiques. Sa réputation à cette époque devait être était telle que, par la suite, il fut le témoin de brillantes réceptions qui avaient précédé les entrées solennelles du cardinal Caraffa, neveu et légat du pape Paul IV, du séjour de la reine Marie de Médicis venant s’unir à son royal époux Henri IV et de Louis XIII et d’Anne d’Autriche.
Et Alexander d’opiner
– Oui, il est donc très probable que Vinci ait séjourné, du moins rendu visite à Charles Villeneuve en passant par Lyon avant de rejoindre François 1er au Clos Lucé, et cela confirmerait l’authenticité de la lettre trouvée à Prague.
– Mes amis, allons-y maintenant, notre rendez-vous nous attend ! Rappela Sir Archibald.
Au Château Lamothe
Placées en avant de la terrasse d’alluvions, dite terrasse de Villeurbanne, dans cette plaine qui autrefois, se trouvait à peu près au niveau du Rhône, des mottes ont été utilisées dès les premiers âges pour y établir des moyens de défense. A l’abri des inondations, au voisinage des bifurcations des routes de l’est et du sud, se dressait au Moyen âge la Grande Motte, sur laquelle fut assis à une époque inconnue un des fiefs les plus importants de la Guillotière, Le Château de la Motte, enclavé aujourd’hui dans la caserne du sergent Blandan est dans le 7e arrondissement de Lyon.
C’est là que se rendaient ce jour les quatre cherchants.
Le portail ogival annonce l’importance de la demeure et le rang social, la richesse et les goûts des anciens propriétaires. Ses battants sont ouverts, marquant ainsi qu’ils étaient bien attendus.
– Entrons dit Alexander passant devant comme un guide.
– Nous aurions dû tirer la cloche, ajouta Caris en levant les yeux, pour nous signaler mais bon, il ne reste qu’un support de chaîne.
Après avoir traversé la cour et arrivant au 1er étage, à droite, derrière une porte 1900, ils se retrouvèrent devant une colonne à la tête de cochon. Elle est visiblement recouverte de nombreuses couches de peinture.
C’est là que leur rendez-vous les attendait qui, après les présentations mondaines, les entraîna pour une courte visite leur commentant les lieux.
– Sur notre droite, en entrant, un haut placard 18ème siècle. Plus loin sur le même côté, une porte et une fenêtre qui donnent sur le parc, ouvertures récentes.
En face, une cheminée Louis XVI, peinturlurée en noir, rehaussée de couleur par une peinture dorée ordinaire qui dissimule dessous un très beau marbre, couleur caramel. A sa droite, l’entrée du palier de la tour nord-ouest où nous pouvons voir un bel encadrement de pierre ancien.
Nous sommes maintenant dans la grande salle. Au sol, sous le parquet second empire il y a également des carreaux de terre cuite, au plafond sous des dalles en polystyrène, époque de l’occupation des bureaux de la Légion Étrangère, se cache un plafond à la française, peint en gris. Sur les poutres apparentes et les soliveaux, nous pourrions retrouver quelques dessins symboliques entourés d’arabesques, rehaussés de belles couleurs. Le même plafond continue jusqu’à la pièce suivante.
Cette première grande salle comporte deux accès bouchés, un à gauche et un à droite. On peut voir le cadre voûté de la porte sur gros de mur qui va en direction de la pièce suivante et ce à un niveau inférieur, l’escalier a disparu.
Au rez-de-chaussée, ont été trouvées des inscriptions faites au ciseau et compas à bois par un compagnon charpentier. Dédicaces architecturales ? Notes qui nous laissent imaginer que le château fut peut-être un relais hospitalier des templiers. En fait il serait aujourd’hui, sur le terrain que couvre le premier cimetière de la Guillotière dont l’entrée était rue du Repos. Des fouilles archéologiques effectuées dès 2019 dans la cour du château ont découvert les traces d’une implantation gallo-romaine.
– C’est justement cet endroit que nous souhaiterions pouvoir visiter dit Archibald avec courtoisie, interrompant, quelque peu cette présentation sans grand intérêt pour leur recherche d’un « cimetière ».
– Je crains que cela ne soit possible, rétorqua le maître des lieux. La visite est strictement interdite pour des raisons de sécurité.
C’est peu dire la déconvenue des visiteurs, qui offraient maintenant des visages interloqués.
– Ôoooh ! Ne put s’empêcher de soupirer Alexander.
Voyant la mine déconfite de ses hôtes, le promoteur voulut les consoler.
– Vous savez, vous n’auriez rien trouvé d’intéressant à voir. Nous y avons juste trouvé un tombeau vide sans épitaphe orné d’armoiries indéchiffrables, des urnes contenant des cendres, des ossements avec une mâchoire entière auprès de laquelle était une boîte de plomb. Ces artefacts sont maintenant sous la responsabilité du service régional de l’archéologie de la Drac. Le mausolée antique dont on a retrouvé les fondations est à l’extérieur du château. Mais nous avons conservé ici le coffret en plomb qui, une fois ouvert, s’est avéré ne contenir que des livres de compte administratifs du domaine. Venez, je vais vous le faire voir.
Ils se retrouvèrent dans un bureau aménagé au deuxième étage, dans ce qui était la maison des militaires du temps de l’occupation du bâtiment. Sur une console, il prit la boîte et la remit par respect au doyen du groupe, à Sir Archibald. Il y avait là une douzaine de grands registres cartonnés.
Caris se pencha vers Alexander et lui murmura en riant
– Voilà nos douze apôtres, sûr ils vont nous apporter de bonnes nouvelles.[3]
La légèreté du propos malicieux de Caris rendit son sourire à Alexander.
Guido qui l’avait aussi entendu pris cela comme une indication directive à analyser ces pièces. Présentant sa carte officielle, il exprima au promoteur son désir de l’emporter pour les montrer à son service d’Interpol de protection du patrimoine, ce que le promoteur ne put refuser.
Synchronicité ! Guido était en train de lui signer une décharge quand il reçut un message sur son téléphone de son collaborateur : on a retrouvé le corps torturé d’Hircine Enhardir à Mělník, à la confluence de l’Elbe et de la Moldau.
Cette information abrégea la visite. Nos amis avaient hâte de se retrouver seuls pour en discuter et non sans une curiosité de prendre connaissance des documents, car le lecteur l’aura compris, ils comptaient bien les fouiller à la recherche de quelques indices.
La suite la semaine prochaine
[1] Par Em. Vingtrinier ; illustré de 20 eaux-fortes et de 300 dessins à la plume et au crayon par J. Drevet,
[2] Le Château Lamothe, Dernières découvertes historiques, sociologiques et architecturales…par Jean-Pierre Philibert, Ouvrage réalisé par Solange Sudarskis, 2001.
[3] Évocation du mot évangile issu du terme grec euaggelion (εὐαγγέλιον) qui veut dire bonne nouvelle.