(Les « éditos » de Christian Roblin paraissent le 1er et le 15 de chaque mois.)
Si la Franc-maçonnerie ne recèle pas de grand secret (sinon, il y a beau temps que tout le monde le saurait), il y a, du moins, une arme secrète dont on aimerait qu’elle dote ses adeptes : une arme qui transperce et dissolve tous les faux-semblants, toutes les illusions, toutes les tromperies, tous les mensonges dont nous nous parons ou nous abreuvons en permanence.

Or il ne suffit pas de le prendre de haut, d’adopter des airs entendus pour échapper à ces malédictions qui frappent la pensée et le comportement. Parfois même, il faut bien le dire, l’hypocrisie devient chez certains une doublure si épaisse qu’ils s’y confondent. Il suffit, pour cela, de se croire un destin et de devoir, par exemple, réclamer les suffrages de ses semblables. Que dis-je : ses semblables ? C’est le plus souvent, alors, sous ce jour qu’on doit leur apparaître et ce d’autant plus qu’on se sent hors du lot et que l’on veut s’y maintenir.

Que ce soit dans la vie maçonnique ou, plus généralement, sociale, on croise inévitablement de ces avantageux personnages, tout cousus en dessous, surtout qu’ils ne ménagent pas leurs efforts pour se faire connaître. C’est, d’ailleurs, un signe qui devrait alerter. Laissons-les à leurs petites affaires qui n’ont de glorieuse que leur insignifiance et revenons à la question centrale. De quoi doit-on se dépouiller et à quoi doit-on accéder ? Se dépouiller des vanités et des faussetés qui voilent obscurément la connaissance exacte et profonde de la réalité, celle-là même que nous cherchons à atteindre.

C’est un travail concomitant et indéfini qui nécessite mesure, patience et entraînement. La franc-maçonnerie met des outils à disposition. Il faut s’exercer constamment, à peine de mélanger les genres et de reculer en crabe. Tant de préjugés nous encombrent. On conserve souvent des convictions qui se sont taries avec le temps ou que le temps a consolidées, alors qu’elles n’ont jamais été assurées sur des bases solides. Nous avons dressé autour de nous des parapets de peurs… de peur d’être envahis par toutes sortes de menaces que nous identifions plus ou moins et surtout rapidement. Or rares sont les situations où nous soyons en danger : le risque est le plus souvent un petit vertige de conscience qui nous fait trembler. Un imaginaire un peu paranoïaque nous protège.
L’initiation dit autre chose : faire confiance à la réalité, la laisser venir à soi ; il sera toujours temps d’y réagir en la connaissant mieux. Le regard n’est pas pour autant complaisant. Les rayons et les ombres prennent place, tout en se redessinant. Seules ont disparu nos croyances aux ressorts ancestraux ou épidermiques. On ne se détache pas des valeurs essentielles, même si on les aménage. On s’efforce simplement de les servir du mieux possible, les yeux ouverts avec acuité et non écarquillés au point de s’aveugler, en n’étant obsédé que par un angle. La science est notre alliée. Voir par la raison et l’expérience est un atout majeur. Mais la sensibilité aussi. Voir avec le cœur livre sur le monde une vision circulaire, circulante, circulatoire au sens où elle reboucle partout où c’est utile. Le cœur et la raison ? Une synthèse qui est souvent une gageure dans l’action. C’est le chemin de crête et parfois le chemin de croix de l’initié.
Comprendre, c’est prendre avec soi, c’est englober, c’est saisir ensemble, c’est embrasser !