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L’énigme des Maîtres -12- L’alphabet ne suffit pas pour lire

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L’énigme des Maîtres -12- L’alphabet ne suffit pas pour lire

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– On ne plaisante avec la sécurité dans cette bibliothèque ! Lâcha Alexander. 

Ils sourirent du double sens de cette remarque évoquant à la fois les vigiles armés et la protection impérieuse de la bibliothèque en prévenance du feu, terrible souvenir des quatre incendies qui la ravagèrent depuis 1660.

Sur une table, il était bien là le coffret de bois sombre, scellé dans la table sur laquelle il se trouvait, avec une serrure énigmatique : un cadenas à code mobile de 21 positions dont chacune pouvait s’arrêter sur un des 26 caractères de l’alphabet latin.

Sur le côté était collé une étiquette sur laquelle des figures, qu’Alexander reconnut comme les lettres de l’alphabet crypté des francs-maçons, étaient disposées dans un carré de 5 par 5. 

Maintenant, il fallait choisir, pour le décoder, un des divers alphabets utilisés à des époques différentes et dans différents pays d’Europe par les Frères. Son intuition lui fit retenir celui de l’abbé Préau révélé en premier dans L’ordre des francs-maçons trahi en 1745.

Alexander utilise le dos d’un de ses chèques comme papier sur lequel il trace cet alphabet, le donne à Amélie pour qu’elle l’aide et, à l’énoncé des formes successives du message, il écrit sa traduction en lettres sur un second papier :

Ce fut vainement qu’ils essayèrent d’y trouver un sens cohérent, combinant les caractères en horizontal, en vertical, en diagonale.

Persévérant, comprenant qu’il fallait rajouter une autre logique, Alexander, songea à combiner les lettres avec le carré magique dit de Mars selon Agrippa, justement de 5 par 5, ce qui donnait aux lettres une position ordinale dans la phrase.

APERILIBRUMAMICORUMTUORUM fut le résultat de l’ordre issu du chaos initial sur l’étiquette.

– C’est du latin, forcément, comme sur le message de Prague, mais sans espace entre les mots ! s’exclama Alexander. Et maintenant, que faire des 25 lettres pour avoir les 21 positions ?

 – Si on traduisait dans la langue de l’abbé, en  français ?

– C’est bien cela, ça marche, nous avons 21 lettres maintenant, regarde lui dit-il en lui tendant son bout de papier improvisé : OUVRE LE LIVRE DE TES AMIS

Alexander fit tourner le mécanisme avec jubilation pour faire apparaître le potentiel mot de passe, manipula délicatement la serrure, et le coffret s’ouvrit, dévoilant ses secrets. Ils en rirent comme des enfants.

Point de diamant ! Il n’y avait, sous formes de rouleaux, que plusieurs cartes astronomiques célestes.

Deux d’Albrecht Dürer datées de 1515, figurant les constellations, une vues au nord, l’autre au sud. Désignant à Amélie les portraits d’astronomes qui y sont représentés aux quatre coins du dessin du nord, Alexander remarqua :

– Il avait dû les étudier, quelle érudition pour une époque où l’imprimerie n’existait pas encore ! Par quelle tradition orale ou par quels manuscrits avait-il pu connaître les travaux de ces astronomes ? On reconnaît les personnages : l’égyptien Claude Ptolémée du IIe s., le successeur d’Hipparque et de ses tables astronomiques, connu pour son Almageste qui contient un catalogue de synthèse de 1022 étoiles regroupées en quarante-huit constellations ; le grec Aratos de Soles du IIIe av. J.-C., célèbre pour son poème les Phénomènes sur les positions respectives des constellations et leur attribuant les noms de personnages de la mythologie grecque ; le latin Marcus Manilius du premier siècle qui, dans son poème Astronomica, divisa le ciel en maisons, base de l’astrologie ;  le perse Abd al-Rahman al-Sufi qui illustra dans son Livre des étoiles fixes, au Xe s., chaque constellation par deux dessins descriptifs, l’un de l’extérieur d’un globe céleste et l’autre de l’intérieur.

– La vision globale de l’univers a tellement évolué d’erreurs en erreurs, d’abord géocentrée sur la terre, héliocentrée sur le soleil, puis galactocentrée et maintenant cosmocentrée sur l’univers ! Cette dernière avancée n’est-elle pas aussi une erreur qui ignorerait l’hétérotopie des multivers ? demanda Amélie.

Ils n’eurent pas le temps d’en discuter car ils trouvèrent aussi une carte mystérieuse où les astres deviennent des témoins silencieux de secrets anciens. Elle retint plus que toute leur attention. Penchés l’un contre l’autre, ils commencent à discerner des configurations particulières, des alignements d’étoiles qui révèlent des portails illustrés reliant des lieux précis. La carte mentionne Istanbul comme un lieu de convergence.

– Bien sûr, un portail ouvre sur Istanbul, une ville où les étoiles jouent un rôle central dans l’histoire et la spiritualité. Les constellations semblent danser au-dessus du Bosphore, reliant les cieux à la mystique de la ville.

– Pas étonnant, commenta Alexander, puisque l’un des astronomes les plus renommés associés à Istanbul est Taqi ad-Din Muhammad ibn Ma’ruf qui fonda l’observatoire de Constantinople en 1577. Il était l’un des plus grands observatoires astronomiques du monde pré-moderne. Taqi ad-Din a également construit une collection d’instruments astronomiques sophistiqués, y compris une sphère armillaire géante et une horloge astronomique mécanique précise pour mesurer la position et la vitesse des planètes. Ce qui montre l’importance d’Istanbul dans l’histoire de l’astronomie et son rôle dans l’avancement des études astronomiques pendant la période de l’Empire ottoman.

– Pourquoi cette importance accordée aux cieux d’après toi ? demanda Amélie.

– Les lettres du Coran seraient la matérialisation des signes du ciel, la création et le Livre en miroir ne seraient que révélations. Observer l’un ou l’autre, pourrait être la contemplation d’Allah.

En suivant les chemins tracés de sa main, effleurant à peine la carte, Amélie relève les indications étonnamment écrites non en arabe mais en caractères latins.

– Le premier portail astral conduit à une tour astronomique oubliée, où jadis, des érudits s’étaient réunis pour scruter le cosmos. Le deuxième portail conduit à Florence, où un observatoire astronomique indique les traces des savants de la Renaissance, où il y a eu des savants qui, comme les Grecs, se sont vraiment consacrés à l’astronomie. Ils ont eu une approche rationnelle et mathématiques et qui distinguaient l’astronomie de l’approche religieuse. Les cieux toscans murmurent des légendes de mystiques qui, sous le regard des astres, échangeaient des connaissances transcendant les frontières de la science et de l’ésotérisme.

– Mais il y a un portail différent, regarde, là, en bas de la carte. Nommé explicitement «Chemin des Alchimistes», il y a une figure de lion posant une de ses pattes sur la confluence de deux rivières ingurgitant avec sa gueule un liquide doré, le mot vitriolum écrit dessus.

Se penchant davantage sur le dessin, Amélie, fit remarquer que, sur leur le long, était indiqués Rhodanus et Arar.

– Je suis sûre que c’est une indication de Willey Reveley.

Autant qu’ils le purent, Alexander et Amélie prenaient des photos de tout ce qu’ils avaient découvert et les envoyait au fur et à mesure à Guido, sans trop savoir, encore, le rapport qu’il pouvait y avoir avec leur recherche sur la pose si particulière des mains sur les tableaux. Mais ils suivaient la voie.

  • – À l’évidence, il y a un lien comme avec celui de Christopher Wren qui fut aussi un ingénieux astronome. Outre la fabrication de remarquables cadrans solaires, il fut le premier à cartographier les cratères de la lune. Lui qui disait que les mathématiques sont les fondements imprenables de la géométrie et sont les seules vérités qui peuvent pénétrer dans l’esprit de l’homme sans incertitudes.
  • Alexander pressentait ainsi que des artistes, des scientifiques, des philosophes et des théologiens de différentes régions, de différentes époques pouvaient être unis par une quête commune, la compréhension profonde de l’univers et la préservation de la connaissance contre les forces de l’ignorance, de la superstition et de la destruction.

Après avoir remis tout en état et brouillé le code, enveloppant tendrement Amélie de son bras posé comme une étole sur la cicatrice de sa nuque, Alexander l’entraîna vers la sortie de la pièce, pensant tout haut

– Il y a un jeu de piste à suivre à Lyon. Nous verrons bien plus tard, ensemble avec nos amis, quand nous serons rentrés, donnons tous ses possibles au temps.

Cela mit un terme à la visite du musée.

La suite la semaine prochaine

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