lun 31 mars 2025 - 04:03

L’ancienne Loi, grâce à la Connaissance, conduit à la Nouvelle Loi

Marie-Dominique Terrot VM Rite Opératif de Salomon

1-Introduction
2-Relier dire et faire
3-L’instant de grâce
4-comment faire cette Alliance ?
5-Trouver la Présence par la simplicité
6-Conclusion : Transmettre pour faire vivre la Connaissance

1-INTRODUCTION

Le quatorzième degré du REAA marque la fin du cycle salomonien qui voit l’aboutissement de la construction du Temple au 13ème degré mais son anéantissement au 14e degré par l’oubli de l’Alliance faite avec le Principe et les conséquences que cela entraine.

J’écrivais dans ma planche précédente que je voyais dans ce récit l’expression métaphorique de la quête mystérieuse, du chemin inconnu que nous entreprenons en entrant en maçonnerie, cherchant ainsi à s’élever sur le chemin de la Vraie Lumière.

Il y a eu erreurs, écueils, trébuchements, aveuglements, pertes de repère… que sais-je encore ? Et cela continuera sûrement encore, tant que la Concorde Universelle ne sera pas faite. Mais rien ne me découragera car je fais confiance.

La destruction du Temple est la conséquence de l’oubli par Salomon de son serment ; il est devenu sourd à la voix de l’Éternel et se livre à l’idolâtrie. L’épisode de sa jalousie affichée envers Hiram lors de la réalisation de la Mer d’Airain en est un exemple. Il a oublié que la quête de la Vérité ne s’arrête jamais, que cela implique une vigilance de chaque instant, qu’être vertueux ne se montre pas dans nos discours mais se montre par nos actions et s’incarne dans notre façon d’être.

Je repense à ce qu’écrivait Blaise Pascal disant de l’être humain qu’il n’est ni ange ni bête, mais devient une bête quand il veut faire l’ange.

C’est la victoire des trois mauvais Compagnons qui soumettent le maçon, tout au long de son chemin, à l’épreuve de succomber aux trois pires vices ; à savoir : à l’ignorance, en oubliant l’existence de Dieu, au fanatisme qui fabrique des idoles et fait se dissoudre le discernement et à l’ambition qui prône le pouvoir sans limite, oubliant le sens moral qui seul met nos actes dans la bonne mesure.

Le « Grand Élu, Parfait et Sublime Maçon » du 14ème D est l’exemple donné à suivre et enseigné à travers l’histoire de Galaad ; celui-ci va porter l’accomplissement de son Devoir jusqu’au sacrifice de sa vie afin que le Nom ineffable de Dieu ne soit pas profané par les envahisseurs. Ce que vont découvrir les Grands Élus quand ils trouvent son corps dans les décombres du Temple. Ils martèlent alors la plaque d’or pour rendre illisible la trace du nom inscrit, puis creusent un puits de 27 pieds de profondeur pour l’enfouir avec l’Arche d’Alliance et ce qu’elle contient. Rendre « Illisible » ne signifie pas rendre « invisible » mais juste impossible à lire, dans le sens d’impossible à prononcer et à interpréter. D’ailleurs, le rituel précise : « De cette époque, date l’usage d’épeler lettre par lettre le plus saint Nom des Noms, sans jamais former une syllabe ». Ce nom est redevenu mystérieux et ainsi est préservé.

2- RELIER DIRE ET FAIRE 

 Les Grands Élus obéissent à l’Alliance qu’ils ont contractée avec la Vertu et les Hommes Vertueux. Cette Alliance est symbolisée par l’anneau d’or qu’ils portent à un doigt et qui les relie à Dieu. C’est le signe de reconnaissance qui les fait membres du même « cercle ». Il est la représentation de ce qui est sans fin, éternel, du contrat passé avec Dieu que rien ne pourra corrompre ou rompre. Il est aussi le symbole du lien entre le Grand Élu et ses pairs et avec tous les Hommes de bonne volonté.

Cette double Alliance le met à sa juste place, entre l’Équerre et le Compas, au Point de Centre.

Tableau de Bernard Bonnave

D’où l’inscription sur l’anneau affirmant que « la Vertu unit ce que la Mort ne pourra séparer » qui confirme la nature éternelle et immanente du Divin, ciment d’une union indestructible qui échappe à la finitude humaine.

On peut, à cet instant, faire un parallèle entre ce qui est demandé au Maître Secret concernant son Devoir, en le prévenant qu’il est plus facile de le faire que de le comprendre. L’idolâtrie de Salomon nous renvoie en effet au 4ème degré où il nous est recommandé d’être prudent devant le risque de céder aux impulsions des passions non maîtrisées et aux idées pernicieuses nichées sous des paroles séduisantes.

Il en est de même pour la Vertu. Celle-ci est plus facile à dire qu’à faire exister, car elle n’existe que quand « on est parfaitement soi-même », c’est à dire quand nous laissons en nous s’exprimer la présence de l’Être divin qui nous a créé dans son Ordre et par son Harmonie.

Je vais devoir faire l’alliance en moi entre dire et faire et le matérialiser dans mes actions.

3-L’INSTANT DE GRÂCE

En effet, le véritable Franc-maçon ne vénère aucun dieu ni même le GADLU qui n’est qu’un symbole derrière lequel il faut chercher l’idée.

Pour cela, il s’agit d’accepter de sentir qu’à un certain stade de conscience prenant forme en moi, je vais me sentir en présence de quelque chose d’inexprimable en mots, car plus grand que moi, quelque chose qui va s’incarner et pouvoir me donner à vivre une connexion intuitive avec ce que je pourrais nommer « un vécu expérientiel en totale présence de moi-même ».

Je nomme cela « mes instants de grâce » car je me sens étendue entre ciel et terre et totalement comblée, car réunie immatériellement à tous les Humains comme dans la chaîne d’union de nos Tenues.

Je suis seule avec moi-même dans cet état, mais en même temps en tellement bonne compagnie de tous ceux que j’aime ou ai aimé.

C’est pourquoi je crois en « la bonne volonté » des Hommes vertueux, même s’il est difficile de l’être tout le temps et à chaque fois que nécessaire. Je suis sûre que chaque FM s’applique à l’être du mieux qu’il peut, en remettant chaque jour au travail sa force et son énergie morales.

Me revient cette phrase du rituel « il n’est nul besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer ». Ou encore cette autre « Que le subtil se sépare de l’épais et, par l’œuvre au noir, que le rubis solaire lève le germe blanc ». Elles parlent du travail à réaliser.

J’aime nos rituels qui sont la source féconde qui enrichit peu à peu ma compréhension de ce qui y est caché, voilé, prêt à être « saisi » quand mon esprit se laisse aller à cet instant de grâce dont je fais état devant vous. C’est un dévoilement qui m’est apparu opportun de faire, afin de partager avec vous cette façon mystérieuse que quelque chose entre en contact avec moi. Je nomme cela « la Présence » et je me sens meilleure dans ce moment-là.

4-COMMENT FAIRE CETTE ALLIANCE ?

C’est donc en pratiquant les Vertus, autant théologales que cardinales que je vais pouvoir prétendre être digne de l’espoir et la confiance que mes SS et FF ont mis en moi quand ils m’ont reçu Apprenti FM. Je n’oublie pas que le chemin maçonnique est aussi appelé « sentier de la Vertu » ; or un sentier est étroit et souvent plein d’embûches. Ma vigilance doit donc être constante en m’obligeant à pratiquer une discipline qui ne saurait se contenter de seuls vœux, seraient-ils pieux.

L’exercice de la Vertu se doit d’être guidé par l’humilité en gardant le souvenir de l’aveuglement de Salomon comme mise en garde constante.

La Vertu est la source de la Foi, de l’Espérance et de l’Amour que je cherche à développer et renforcer en moi ; elle prend corps face aux épreuves qui se présentent afin que la Lumière se rayonne en moi.

Tout au long du cycle salomonien, on assiste à un récit en spirale, qui passe et repasse par différentes façons de présenter toujours la même chose, en la regardant sous différents angles, afin d’apprendre à voir combien il est vain de chercher à comprendre totalement pourquoi « les civilisations s’écroulent, les sociétés humaines passent, les hommes disparaissent…mais l’Ordre Éternel demeure », juste l’accepter en nous rappelant « la grandeur des devoirs que nous nous sommes librement imposés et d’être à toute heure prêts à les remplir ».

Hiram dans cercueil
Hiram sortant du cercueil

Là encore, on peut voir le parallèle entre la Parole Perdue au 3èmeD à la mort d’Hiram et l’impossibilité de prononcer le Nom de Dieu après le martèlement de la plaque d’or au 14èD.

A chaque degré, des épreuves se dévoilent au Maître, avec des obstacles à vaincre, des embûches à dépasser pour apprendre à faire les bons choix.

Or il me semble qu’il n’est question toujours que de la même chose : comment incarner ce que nous nommons les Vertus, comment s’appuyer sur elles pour avancer, comment rendre notre chemin plus simple à parcourir ? pas plus facile, non, mais plus simple.

5-TROUVER LA PRÉSENCE PAR LA SIMPLICITÉ

La simplicité dissout la confusion, éclaircit l’esprit et fait apparaître le discernement.

Il s’agit de tirer le fil pour dé-compléxifier ce qui paraît hors de portée de ma compréhension.

Il s’agit de ne pas perdre de vue mon Nord… c-a-d mon Étoile Flamboyante pour choisir le sentier le plus sûr ; pas le plus gratifiant mais celui sur lequel je suis sûre de me rencontrer, me retrouver, me réunifier car en présence de La Présence.

Je pense à l’Expert qui, à la fermeture de la Loge (au ROS), éteint à plat de son épée les trois étoiles sur les piliers en disant : « je reçois, je garde, je cache ».

Il y a là quelque chose à entendre qui parle de cette recherche de réunification, de rassemblement, de ré-adoption des parts de soi qu’on a pu vouloir jeter, oublier, reléguer le plus loin possible, croyant ainsi s’améliorer. Alors que c’est le contraire qui nous est enseigné tout le long de cette épopée salomonienne. On ne jette rien, on garde tout et on le remet dans le bon ordre, à la bonne place pour se rééquilibrer de plus en plus harmonieusement… tout simplement.

Tout au long de sa vie, l’Homme cherche à s’édifier et sa construction est souvent mise en péril car il est faillible, imparfait mais perfectible, ce qui rend fragile et destructible ce qu’il fait, en particulier dès qu’il oublie de faire confiance et de prendre appui sur l’Esprit qui préside à la préservation matérielle de ses espoirs et projets. Le compas veille et sécurise l’Équerre.

Phare, lumière, unité

Cette prise en compte de la nature du Compas fait accepte la solitude qui pose les limites de soi-même comme étant l’endroit où va se passer ce qui doit se faire.

Depuis que j’ai commencé à apprendre à réfléchir et pas seulement à penser, j’apprends à dégager l’essentiel en revenant au Centre, pour faire émerger ce qui me semble être de l’ordre de l’UNITÉ DE L’UN DANS LE TOUT.

C’est à dire trouver l’idée derrière le symbole. Pas une idée mais l’Idée, c-a-d l’Intention qui habite ce qui advient et se montre partiellement, de telle ou telle façon.

Apprendre à écouter ce qui me parle au plus profond de moi, sans en avoir le vocabulaire, me ramène à la question suivante : pourrais-je jamais comprendre ce qu’est LE PRINCIPE ?

Comprendre c’est prendre avec soi et en avoir la conscience, pour bien garder intact ce contact en soi… C’est comme cela que la Connaissance s’installe. C’est l’intégration qui permet de compléter « l’entièreté du soi ». Elle passe d’abord par une phase de transformation nommée aussi alchimie. On installe à l‘intérieur de soi quelque chose qui était à l’extérieur et attendait de prendre place, qui me transforme pour me faire devenir de plus en plus ce que je suis. Ne m’a-t-on pas dit « Deviens qui tu es. »

J’accepte l’idée que je ne comprendrai jamais ce qu’est le PRINCIPE mais que j’en aurai une certaine connaissance qui me guidera, me gardera et me protégera si j’apprends à bien l’écouter et à le laisser me guider en toute humilité.

J’en comprends que quelque chose prend fin pour laisser la place à quelque chose de nouveau, qui va changer mon regard, ma conscience et la connaissance du monde que j’avais jusqu’ici.

6 – CONCLUSION : FAIRE VIVRE LA CONNAISSANCE POUR CONTINUER À PROGRESSER

La fin du cycle salomonien est la porte d’entrée vers autre chose qui met au défi de prendre profondément source en soi pour découvrir cet inattendu que la Vie propose, comme un « trou noir » à franchir et, en sortant par le haut, me mettra en osmose avec une nouvelle façon d’être au monde.

La perte d’un guide, la disparition du Maître à suivre, marquent la fin du cycle au 14èD qui va obliger à inventer d’autres façons d’être et de faire, regarder autrement les évènements qui vont se dérouler afin de ne pas perpétuer l’erreur de vouloir recommencer comme avant. On retrouve ainsi une liberté pour donner un autre sens à ce qu’on construit et une chance à la Vie de se renouveler.

C’est pour cela que j’ai nommé mon travail : L’ancienne Loi, grâce à la Connaissance qui en advient, conduit à la nouvelle Loi.

Nabuchodonosor fait tuer les enfants de Sédécias sous ses yeux. Tableau de François-Xavier Fabre, 1787.

A la fin du 14e degré, Dieu se retire et envoie Nabuchodonosor détruire Jérusalem et le Temple. Les Grands Élus sont dispersés sur toute la surface de la Terre et doivent voyager pour transmettre leur Foi, leur Espérance et leur Amour, en privilégiant de renforcer leur Temple intérieur puisque le Temple matériel est détruit et générer ainsi des vocations par leur exemple.

Ils vont devoir faire montre de courage, d’opiniâtreté et d’humilité. Il va leur être demandé de faire ce que dit Rudyard Kipling dans son poème « si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie et sans dire un seul mot, te mettre à rebâtir… ».

Ce Chemin de soi vers soi puis vers les autres a commencé dès l’initiation ; le cabinet de réflexion est l’endroit de repli, de ressourcement, de retrouvailles et de recentrage, pour mieux en ressortir plus haut, plus large. C’est un va et vient « trampolinesque » en quelque sorte, qui permet d’aller toujours plus haut, à condition de ne pas s’illusionner pour choir et se perdre comme l’a fait Salomon.

A chaque passage vers le grade supérieur, le Maçon a découvert que les 3 mauvais Compagnons sont à chaque instant à l’affut et prêts à faire échouer sa quête.

C’est donc le vaste Monde qui est maintenant le terrain de mission des Grands Élus où rien ne devra les décourager face à l’adversité.

En tant que tel, je me sens confiante et prête à continuer de transmettre les Vertus autour de moi et, au-delà et sans trêve, à faire vivre la grande chaîne d’union fraternelle entre les Initiés et surtout, à découvrir et apprendre à appliquer cette nouvelle Loi tout en parcourant le chemin qui s’ouvrira devant moi.

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Christian Belloc
Christian Bellochttps://scdoccitanie.org
Né en 1948 à Toulouse, il étudie au Lycée Pierre de Fermat, sert dans l’armée en 1968, puis dirige un salon de coiffure et préside le syndicat coiffure 31. Créateur de revues comme Le Tondu et Le Citoyen, il s’engage dans des associations et la CCI de Toulouse, notamment pour le métro. Initié à la Grande Loge de France en 1989, il fonde plusieurs loges et devient Grand Maître du Suprême Conseil en Occitanie. En 2024, il crée l’Institution Maçonnique Universelle, regroupant 260 obédiences, dont il est président mondial. Il est aussi rédacteur en chef des Cahiers de Recherche Maçonnique.

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