lun 31 mars 2025 - 03:03

Découvrir le Moi, un miroir aux multiples reflets

à partir des enseignements de C.G. JUNG

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Après la quête du Soi, essence immuable et profonde, vient celle du Moi, ce territoire mouvant et souvent insaisissable où se joue notre identité au quotidien. Plus proche de nous dans notre expérience immédiate, le Moi n’en est pas moins complexe. Il constitue ce par quoi nous nous définissons socialement et psychologiquement : une interface entre le monde intérieur et extérieur, un carrefour où se croisent émotions, désirs, croyances et blessures. Découvrir le Moi, c’est oser scruter ce miroir aux multiples reflets, parfois flatteurs, parfois dérangeants, pour mieux comprendre ce qui nous anime… et ce qui nous freine.

Mais le paradoxe du Moi est qu’il nous semble intime et familier, alors qu’il nous échappe dès que nous tentons de le saisir pleinement. Le travail sur le Moi dévoile ainsi des oppositions internes, des masques inconscients et des constructions héritées, qu’il nous appartient de reconnaître et de traverser. En ce sens, la découverte du Moi constitue une véritable psychologie vivante, un art d’observation et de discernement, premier pas vers une liberté intérieure plus authentique.

I. Qu’est-ce que le Moi ? Entre apparence et réalité

Le Moi est souvent ce que nous croyons être. Il se construit dès l’enfance, façonné par l’éducation, la culture, les expériences, et s’affirme comme le centre apparent de notre conscience. En psychologie analytique, Jung le définit comme :

« Le Moi est ce complexe de représentations par lequel nous nous vivons comme étant nous-mêmes. »

C’est donc le Moi qui dit « je », qui assume nos choix, nos préférences, nos engagements, mais aussi nos peurs et nos défenses. Il est le pivot de notre personnalité, celui qui veille à notre équilibre dans le monde et garantit notre stabilité sociale et psychologique.

Dans les traditions spirituelles, le Moi est souvent vu comme la personnalité provisoire, la façade mouvante derrière laquelle se cache l’Être véritable. Il est comparé à un masque (persona en latin) que nous portons pour jouer notre rôle dans la grande pièce du monde.

Mais il serait injuste de réduire le Moi à un simple obstacle : il est aussi notre instrument d’évolution. Bien compris et bien orienté, le Moi devient le serviteur du Soi, le sculpteur humble et appliqué de notre édifice intérieur.

II. Les obstacles à la connaissance du Moi : un labyrinthe intérieur

Pourquoi est-il si difficile de connaître réellement son Moi ? Tout simplement parce qu’il change sans cesse, qu’il se cache derrière des masques et qu’il résiste souvent à l’introspection.

  • L’identification excessive
  • Nous nous identifions sans discernement à nos émotions, nos succès, nos échecs, nos rôles sociaux. « Je suis ce que je fais », « je suis ce que je ressens ». Pourtant, ces identités sont fragiles et fluctuantes.
  • La peur du vide

Derrière le Moi, il y a ce vertige : et s’il n’y avait personne ? Cette peur nous pousse à multiplier les identités, les activités, les appartenances pour ne jamais affronter ce silence intérieur.

  • Les projections

Nous projetons souvent sur les autres ce que nous refusons de voir en nous-mêmes. Ainsi, ce Moi partiel que nous connaissons s’accompagne d’une ombre faite de tout ce que nous avons rejeté.

  • Les schémas hérités

Une grande partie du Moi est façonnée par des héritages inconscients : familiaux, culturels, générationnels. Ils agissent à notre insu et colorent notre perception du monde.

« Tant que vous n’aurez pas rendu conscient l’inconscient, il dirigera votre vie et vous l’appellerez destin. »

(C.G. Jung)

III. La nature des oppositions : un théâtre intérieur à pacifier

Flèches opposées

Découvrir le Moi, c’est pénétrer dans un véritable théâtre intérieur, où des figures opposées s’affrontent : le courage et la peur, le désir et la retenue, l’ambition et l’humilité. Ces tensions sont normales. Le danger n’est pas leur existence, mais de s’y perdre ou de s’y identifier.

Le travail consiste donc à :

• Observer ces oppositions avec lucidité.
• Accueillir les contradictions sans jugement.
• Comprendre que chaque polarité contient sa complémentarité.

L’alchimie appliquée au Moi consisterait ici à accorder ces voix discordantes pour qu’elles contribuent à un accord plus vaste, une personnalité harmonieuse, souple et consciente d’elle-même.

IV. Outils pratiques pour clarifier et apaiser le Moi

Approcher le Moi demande des exercices concrets, non pour le combattre ou l’effacer, mais pour l’éclairer et le réconcilier avec notre être profond.

  • Le journal intérieur

Écrire chaque jour ce qui traverse le Moi : pensées, émotions, peurs, colères. Cela permet d’objectiver ce qui semblait nous posséder.

  • Le travail sur l’Ombre

Identifier nos projections sur les autres : que reprochons-nous fréquemment ? Quelle part de cela nous appartient ?

  • La respiration consciente

Ramener le Moi à l’instant présent, là où il cesse d’être une accumulation de souvenirs et d’anticipations. Dans le souffle, il retrouve sa simplicité.

  • Les rituels symboliques

Dans les rites initiatiques ou spirituels (comme en franc-maçonnerie), les gestes symboliques permettent de mettre en scène les métamorphoses du Moi, de ses morts successives à ses renaissances successives.

  • La gratitude

Remercier les aspects du Moi qui ont servi, même lorsqu’ils sont devenus obsolètes. Cela facilite le lâcher-prise et l’évolution.

Conclusion

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Découvrir le Moi, c’est accepter d’explorer sans fin un paysage changeant, fait de reflets et de masques. Mais derrière ce jeu des apparences se dessine une opportunité : celle d’unir ce Moi fragmenté pour qu’il devienne un véhicule cohérent et paisible, au service de l’être profond.

Le Moi bien connu, pacifié et éclairé, devient alors l’allié du Soi. Il cesse d’être un roi capricieux pour devenir un serviteur fidèle de la Lumière intérieure.

« Deviens ce que tu es. Fais ce que toi seul peux faire. »

(Friedrich Nietzsche)

Découvrir le Moi, c’est donc, en dernier ressort, apprendre à s’aimer tel que l’on est, pour permettre à ce que nous sommes vraiment de rayonner à travers nous.

Olivier de LESPINATS
Extrait du futur ouvrage « Chemin du Soi au Moi »

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Olivier de Lespinats
Olivier de Lespinats
Olivier de Lespinats est né en 1961 au sein d’une vieille famille de la noblesse poitevine. Famille dont ses ancêtres ont été Francs-Maçons dès 1738, au sein de la loge « l’Intimité » à l’Orient de Niort. Après des études supérieures d’ingénieur et d’officier, il est devenu expert en ingénierie financière publique, chargé de Travaux Pratiques universitaire et directeur de nombreuses sociétés de conseils et de services auprès du secteur public en France et à l’International. Initié en 1991 à la GLNF au sein de la Respectable Loge « La Clé de Voûte » à l’Orient de Coulommiers, il deviendra en 2000 Vénérable Maître de la Respectable Loge « Saint-Fursy » à l’Orient de Lagny. Désireux de rejoindre une obédience mixte, il démissionnera de la GLNF en 2011 pour rejoindre la GLCS dans un premier temps avec la création d’une loge à Nantes, puis en 2017 la Grande Loge Mixte Nationale avec la création d’une loge à Saintes en 2023. En 2019, à la demande du Passé Grand Maître et du Conseil Fédéral, il deviendra le 4ème Grand Maître de la GLMN pour un mandat de 3 ans. Parallèlement à son parcours en loges bleues, il poursuivra l’enseignement maçonnique pour atteindre le 33ème degré du REAA et celui de CBCS au RER. Reconnu pour son expertise en symbolique ésotérique, il a créé en mars 2020 au sein de la GLMN une newsletter « l’Epi de blé » présentant de nombreuses planches sur la tradition de l’art royal et la vie de l’obédience. En parallèle, il vient d’acquérir et poursuivra, sous une forme moderne, l’ancienne revue « Le Symbolisme ».

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