De notre confrère elnacional.com – Par Mario Múnera Muñoz, Passé Grand Maître
Dans le tumulte du monde, où les passions, les désirs et les rancunes grondent comme une tempête incessante, il existe un sentier discret, pavé de silence et de mystères : le chemin hermétique. Comme le souligne Arthur Edward Waite dans La Magie de la Franc-Maçonnerie (1922), « ce n’est que lorsque le vacarme des passions égoïstes s’apaise que la voix du Guide intérieur – l’Homme et la Femme véritables – peut se faire entendre ».

Ce voyage initiatique, au cœur de la tradition maçonnique et hermétique, ne nous conduit pas vers des contrées lointaines, mais au plus profond de nous-mêmes. Alors, qu’est-ce que ce chemin ? D’où vient-il, et comment le parcourir ? Plongeons dans cette quête millénaire qui unit le microcosme humain au macrocosme universel.
Les origines d’une tradition intemporelle
Le chemin hermétique tire ses racines d’une figure légendaire : Hermès Trismégiste, “trois fois grand”, un sage mythique qui aurait vécu dans l’Égypte antique et dont les enseignements auraient inspiré les philosophies grecques, juives et chrétiennes. Ses textes, réunis dans le Corpus Hermeticum (IIe-IIIe siècles apr. J.-C.), mêlent alchimie, astrologie et théologie dans une vision unifiée : tout dans l’univers est interconnecté, et la connaissance de soi révèle les secrets du cosmos. « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut », proclame la Table d’Émeraude, un texte attribué à Hermès et pilier de l’hermétisme.

En franc-maçonnerie, cette tradition se perpétue à travers les symboles. Loin des dogmes rigides ou du fanatisme, elle s’ancre dans une “Lumière Supérieure”, transmise par des initiés dont la conscience transcende le matériel. Comme l’écrit Manly P. Hall dans The Secret Teachings of All Ages (1928), « l’hermétisme n’est pas une doctrine morte, mais une science vivante de l’âme ». Dans les loges maçonniques, cette science se dévoile par étapes, à mesure que l’apprenti s’ouvre aux mystères cachés derrière l’équerre, le compas ou le pavé mosaïque.
Qu’est-ce qu’un apprenti hermétique ?
Un apprenti hermétique est un chercheur de vérité, un voyageur qui s’engage dans une quête à la fois intellectuelle et spirituelle. Ce n’est pas un simple érudit : il médite, il ressent, il transforme. Sa philosophie repose sur les sept principes hermétiques du Kybalion (1908), un texte moderne popularisé par “Les trois Initiés” :

- Mentalisme : Tout est esprit ; l’univers est une pensée.
- Correspondance : Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas.
- Vibration : Rien ne repose, tout vibre.
- Polarité : Tout a deux pôles opposés.
- Rythme : Tout suit des cycles.
- Cause et effet : Chaque action a une conséquence.
- Genre : Tout a un aspect masculin et féminin.
Ces principes ne sont pas des abstractions : ils offrent un cadre pour comprendre la réalité et agir sur elle. L’apprenti hermétique les explore à travers plusieurs dimensions :
- La connaissance de soi : « Connais-toi toi-même », gravé sur le temple de Delphes, est le premier pas. En sondant ses pensées et ses émotions, l’initié découvre les lois universelles qui le relient au Tout.
- L’interconnexion : Chaque geste, chaque intention vibre dans le cosmos. Comme le souligne le philosophe hermétique Giordano Bruno (1548-1600), « l’univers est un miroir infini où tout se reflète ».
- La transformation : Tel l’alchimiste qui transmute le plomb en or, l’initié polie sa “pierre brute” – ses imperfections – pour atteindre un état de conscience supérieur. Ce processus, souvent douloureux, exige détachement et lâcher-prise.
- Les symboles : En franc-maçonnerie, les 33 degrés du Rite Écossais Ancien et Accepté (selon la juridiction) dévoilent progressivement ces vérités. Le maillet brise l’ego, le compas mesure l’équilibre, et la lumière symbolise l’éveil.
Le silence : porte d’entrée du chemin

Le silence est le seuil de cette aventure. « Nous sommes sortis du silence, et nous y retournerons », écrit Muñoz. Dans les tenues maçonniques – ces réunions rituelles –, le silence n’est pas une absence de bruit, mais une présence sacrée. Il apaise les tumultes intérieurs pour laisser place à la “voix du Guide intérieur“, une intuition profonde que les hermétistes associent au Soi Supérieur. Comme le note Carl Gustav Jung dans Psychologie et alchimie (1944), « l’âme parle dans le silence, et c’est là que se révèle le divin en nous ».
Ce silence solitaire n’est pas isolement : il s’ouvre sur une communion avec les frères et sœurs de la loge, unis dans une chaîne initiatique. Ensemble, ils marchent sur des “chemins de Lumière” anciens, où chaque rituel – de l’initiation au passage de grade – est une étape vers l’éveil.
Les pratiques du chemin hermétique

Le chemin hermétique n’est pas théorique : il se vit. Les tenues maçonniques, loin d’être religieuses, sont des espaces symboliques où l’initié se connecte à l’Être Suprême – une notion universelle, non dogmatique – et à son moi profond. Ces rituels, codifiés depuis des siècles, utilisent des gestes, des paroles et des objets pour ancrer les enseignements dans le corps et l’esprit.
Mais au-delà des loges, l’hermétisme invite à des pratiques quotidiennes :
- Méditation : Pour explorer l’intériorité et harmoniser les vibrations intérieures avec celles du cosmos.
- Observation de la nature : Les cycles lunaires, les saisons, ou le murmure du vent reflètent les principes de rythme et de correspondance.
- Étude : Lire le Corpus Hermeticum, la Table d’Émeraude, ou les écrits d’alchimistes comme Nicolas Flamel (XIVe siècle) nourrit l’esprit.
Sept étapes pour débuter
Comment s’engager sur ce chemin ? Voici un guide inspiré des traditions hermétiques et maçonniques :
- Cultivez la curiosité : Ouvrez-vous à l’alchimie, à l’astrologie, à la spiritualité. Le Kybalion ou les dialogues de Platon sont des portes d’entrée.
- Pratiquez l’introspection : Méditez quotidiennement pour écouter votre voix intérieure.
- Étudiez les principes hermétiques : Appliquez-les à votre vie – par exemple, observez comment vos pensées (mentalisme) influencent vos actions (cause et effet).
- Rituels personnels : Créez des moments sacrés, comme allumer une bougie pour symboliser la lumière intérieure.
- Connectez-vous à la nature : Marchez dans une forêt, ressentez les énergies du microcosme et du macrocosme.
- Cherchez une communauté : Rejoignez une loge ou un cercle hermétique pour partager et apprendre.
- Persévérez : Ce chemin demande patience. Comme le dit Alfonso Gil Colmenares, « la vérité cesserait d’être vraie si elle changeait avec le temps ».

Un chemin vivant ou une lettre morte ?
Le danger, avertit Muñoz, est de perdre le lien avec le sacré. Si l’initiatique s’éloigne de ses racines – le silence, les symboles, la quête intérieure –, il devient une coquille vide, vouée à l’oubli. Mais lorsqu’il est vécu pleinement, il offre une paix profonde, une harmonie avec l’univers, et une compréhension des lois qui nous gouvernent.
Une quête universelle
Le chemin hermétique n’est pas réservé aux maçons ou aux érudits. C’est une invitation universelle à se découvrir soi-même et à transcender la matière. Comme l’écrivait Hermès Trismégiste, « l’homme est un miracle, digne d’admiration ». En marchant sur ce sentier, nous ne faisons pas que suivre les pas des anciens : nous devenons, à notre tour, des porteurs de lumière dans un monde qui en a bien besoin.
Merci 🙂
Succin, clair… à mettre entre les mains de jeunes en recherche. Merci pour ces articles qui nous aident à transmettre sans dogme.
Bonjour,
Une parole :fantastique.
Merci beaucoup