dim 23 mars 2025 - 14:03

La « maïeutique » en Franc-maçonnerie : Accoucher des Idées et des Âmes… un témoin qui a pratiqué avec 12 345 bébés raconte

Avec le concours de notre confrère Voges Matin – Par Richard Raspes

En Franc-maçonnerie, le mot “maïeutique” résonne comme une invitation à une quête profonde. Emprunté à Socrate, ce terme désigne l’art d’accoucher les esprits, de faire émerger la vérité ou la connaissance enfouie en chacun par le questionnement et la réflexion. Mais comment ce concept philosophique s’applique-t-il à une tradition initiatique comme la Franc-maçonnerie ? Et quel lien peut-on tisser entre cette approche spéculative et la vie pratique d’un maçon, comme celle du Dr Jacques Oréfice, gynécologue vosgien ayant mis au monde 12 345 bébés ? Plongeons dans cet univers où l’abstrait et le concret se rencontrent.

La maïeutique maçonnique : une quête spéculative

Socrate en penseur vue de face
Statue de Socrate

La Franc-maçonnerie, dans sa dimension spéculative, n’est pas un métier manuel comme l’était la maçonnerie opérative des bâtisseurs de cathédrales. Elle est une démarche intellectuelle et spirituelle, où les outils du maçon – équerre, compas, maillet – deviennent des symboles pour façonner l’âme et la pensée. La maïeutique, dans ce cadre, est au cœur du travail maçonnique : elle consiste à aider chaque frère ou sœur à “accoucher” de sa propre lumière intérieure, à révéler ce qu’il porte en lui sans le savoir.

Lors des tenues (réunions maçonniques), les membres présentent des planches, des exposés symboliques ou philosophiques qui explorent des thèmes comme la justice, la liberté ou la mort. Ces réflexions ne sont pas des leçons imposées : elles naissent d’un dialogue, d’un échange où chacun est invité à questionner, à creuser, à faire jaillir ses propres vérités. Comme Socrate interrogeait ses disciples pour les guider vers la connaissance, le vénérable maître ou les participants jouent un rôle de “sage-femme” de l’esprit, accompagnant sans imposer.

Cette approche repose sur plusieurs principes :

  • L’introspection : Le maçon doit se connaître lui-même, polir sa “pierre brute” – métaphore de ses défauts – pour atteindre une version plus aboutie de soi.
  • Le questionnement : Les symboles maçonniques (la lumière, le pavé mosaïque) ne livrent pas leur sens immédiatement ; ils demandent une méditation active.
  • La progression collective : La maïeutique se vit en loge, où les idées des uns enrichissent les autres, dans une fraternité qui transcende les égos.

C’est une quête spéculative, car elle ne produit pas d’objet tangible, mais des transformations intérieures. Pourtant, cette démarche peut-elle s’incarner dans la vie pratique ? Pour répondre, tournons-nous vers un exemple concret : celui du Dr Jacques Oréfice, franc-maçon et gynécologue à Épinal, dont la carrière illustre un pont entre ces deux mondes.

Jacques Oréfice : Quand l’accouchement devient une métaphore maçonnique

Dr Jacques Oréfice

Le 8 décembre 2016, Vosges Matin publiait un article intitulé « Épinal : le docteur Oréfice a mis au monde 12 345 bébés à lui tout seul ! ». Ce titre accrocheur résume une carrière exceptionnelle : 40 ans de pratique obstétrique, marqués par des milliers de naissances et des avancées médicales. Mais derrière les chiffres, l’histoire de Jacques Oréfice offre une résonance inattendue avec la maïeutique maçonnique.

Né en 1947, ce gynécologue spinalien a débuté son parcours en 1971, réalisant son premier accouchement comme externe à la maternité régionale de Nancy. « C’était le 4 juillet, je m’en souviens parfaitement », raconte-t-il dans l’article. Ce premier bébé, quatrième enfant d’une mère expérimentée, marque le début d’une vocation qui le mènera à accompagner 12 345 naissances, dont le premier bébé-éprouvette des Vosges en 1986, fruit d’une collaboration avec le Pr Dietemann. Pionnier de la procréation médicalement assistée dans son département, il a aussi vécu l’arrivée de l’échographie et du diagnostic prénatal, des révolutions qui ont transformé son métier.

Mais au-delà de la technique, Jacques Oréfice incarne une maïeutique pratique. Accoucher un enfant, c’est faire naître une vie, un potentiel inconnu, tout comme la maïeutique maçonnique fait émerger des vérités cachées. « Un beau moment, c’est une grande satisfaction de pouvoir résoudre un problème d’infertilité », confie-t-il à Vosges Matin. Cette phrase révèle une philosophie : accompagner, guider, révéler ce qui était latent – une démarche qui rappelle le travail en loge.

Le lien entre le spéculatif et le pratique

Imaginons que Jacques Oréfice, en tant que Franc-maçon (hypothèse plausible vu son humanisme et sa carrière, bien que non confirmée dans l’article), ait réfléchi à cette connexion. D’un côté, la franc-maçonnerie spéculative lui aurait offert un espace pour méditer sur le sens de la vie, de la naissance, de la transmission – des thèmes qu’il côtoyait quotidiennement. Les symboles comme le compas (mesure et équilibre) ou la lumière (connaissance et révélation) auraient pu nourrir sa vision du monde.

De l’autre, sa pratique obstétrique a été une application concrète de ces idéaux. Chaque accouchement était une initiation : un passage de l’ombre à la lumière pour la mère et l’enfant, un moment de chaos maîtrisé par la science et l’empathie. Les 12 345 bébés qu’il a mis au monde sont autant de « pierres taillées », des vies nouvelles qu’il a aidées à émerger, tout comme un maçon taille sa pierre brute pour en faire une œuvre utile à l’édifice collectif.

L’article de Vosges Matin mentionne aussi l’émotion de son départ à la retraite en 2016. « Je suis entouré de femmes désespérées », plaisante-t-il, évoquant sa femme et ses patientes. Les lettres de gratitude et les faire-part qu’il a conservés dans des boîtes témoignent d’un lien humain profond, un écho à la fraternité maçonnique. Refusant de donner des conseils aux jeunes médecins – « à chacun de construire sa vie » –, il incarne une humilité qui résonne avec l’idée maçonnique de ne pas imposer, mais d’accompagner.

Une résonance universelle

La maïeutique en Franc-maçonnerie et l’expérience de Jacques Oréfice convergent dans une idée simple : accoucher, qu’il s’agisse d’une idée ou d’un enfant, est un acte de création et de révélation. La première est spéculative, tournée vers l’esprit ; la seconde est pratique, ancrée dans le corps. Ensemble, elles illustrent une franc-maçonnerie vivante, où la réflexion et l’action se nourrissent mutuellement.

Pour Jacques Oréfice, chaque naissance était peut-être une planche vécue, un moment où la théorie (la science médicale) et la pratique (l’art d’accoucher) se rejoignaient.

Lors de sa retraite, il laissait derrière lui non seulement une « bonne équipe », mais aussi un héritage de 12 345 vies – un édifice humain dont tout maçon pourrait être fier.

Buste de Socrate

Chaque maçon connaît Socrate peu savent que sa mère s’appelait Phénarète « qui fait apparaître la vertu » et qu’elle était maïeuticienne c’est-à-dire praticienne de l’art d’accoucher les enfants. Socrate comparaît son travail de philosophe au travail de sa mère, lui faisant accoucher les esprits.

En 1971 JO est initié dans la même Loge où avant lui son arrière-grand-père, ses grands oncles, son père avaient été initiés. Depuis plus de 50 ans, il s’est vécu comme un passeur et un transmetteur tant sur le plan professionnel que sur le plan maçonnique

Aujourd’hui, il consacre une partie de son activité professionnelle aux consultations gynécologiques et obstétricales et l’autre comme médecin gynécologue-obstétricien d’un service d’hospitalisation à domicile couvrant la moitié du département des Vosges permettant aux femmes de vivre au mieux des grossesses difficiles pendant les 6 derniers mois de la grossesse et l’année qui suit l’accouchement.

Sur le plan maçonnique, après avoir servi le Grand Orient de France pendant plus de 50 ans, il participe à un groupe de réflexion sur les évolutions obédientielles dans les 50 dernières années dont les travaux devraient paraître en 2026

Gynécologue-obstétricien en exerce à 77 ans à Épinal, le Dr Oréfice avoue : « Mon rêve est de consulter encore à 100 ans »

À la retraite depuis 2016, le docteur Jacques Oréfice, gynécologue-obstétricien, n’a pas cessé pour autant son activité. Le spécialiste de 77 ans souhaite continuer à rendre service à ses clientes pour combler la pénurie de médecins qui sévit en France. Le septuagénaire espère encore exercer durant plus de deux décennies.

Le docteur Jacques Oréfice continue d’exercer dans son cabinet au centre médical Juno à Épinal. Photo Jérôme Humbrecht

Il a pris sa retraite en 2016, à 69 ans. Et pourtant, il n’a jamais souhaité arrêter son activité. Le docteur Jacques Oréfice, spécialiste en gynécologie obstétrique continue ses consultations auprès de ses patientes.

« Mon 1er accouchement, c‘était le 1er juillet 1971 »

se souvient-il. Après avoir arrêté d’exercer dans les Vosges, entre 2016 et 2021, à cause d’une clause de non-concurrence souhaitée par ses anciens associés de la clinique Arc-en-ciel , le gynécologue a repris du service en 2021. « Je me suis réinstallé à l’issue de la durée de cette clause avec un de mes anciens associés, le docteur Cristinelli , à l’espace Juno. » Pour lui, il était inenvisageable de se retirer définitivement. « Je n’avais jamais eu l’intention d’arrêter, je voulais passer à mi-temps puis à un quart de temps. Mon rêve est de consulter encore à 100 ans. »

A. « Je ne me sens pas disposé à arrêter »

Pour autant, le travail n’est pas une obsession pour lui. « J’adore être chez moi mais je ne me vois pas passer toute ma vie à la maison. Ce n’est pas parce que je ne m’y plais pas en tout cas. Je travaille parce que je ne me sens pas disposé à arrêter. » Malgré cinq années d’arrêt forcé dans les Vosges, Jacques Oréfice n’a pas stoppé son engagement médical. Il a notamment mené le projet d’installer des espaces d’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans un centre médical à Paris, qui n’a finalement pas abouti et renforcé les centres de vaccinations lors du Covid.

Il a également suivi une formation et obtenu un diplôme en médecine du don à l’Établissement français du sang (EFS). À la suite de cette parenthèse, le spécialiste savait déjà qu’il allait se réinstaller sur le territoire vosgien.

B. Le souhait d’être « utile »

Si le spécialiste poursuit ses consultations c’est parce qu’il se sent utile et capable de travailler. « Je ne travaille plus comme autrefois, mais je suis encore tout à fait capable de le faire », reconnaît le docteur Oréfice. « À 77 ans, on n’a pas les mêmes réflexes, ni la même dextérité. Je ne pratique que ce je suis sûr de pouvoir réaliser, sans aucun risque pour mes patientes. » Avec la pénurie de médecins en France et particulièrement dans les zones rurales , il est essentiel, selon lui, de pouvoir « rendre un véritable service » à celles qui en ont besoin. « Ce n’est pas parce qu’on est vieux qu’on n’est pas utiles et pas capables de travailler », ajoute-t-il. Le docteur maintient son rythme de travail avec douze heures par jour à raison de deux jours par semaine les jeudi et samedi. Une façon de permettre des consultations dans un délai « normal ».

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