Musica sum late doctrix artis variate.
(Je suis la musique et j’enseigne mon art à l’aide de divers instruments)

Les Anciens considéraient la musique comme la force qui sous-tend l’univers, musique de la vibration des sphères et des rapports entre elles qui régit le cours des astres. le son et la matière sont des manifestations de vibrations. Le son est créé par la vibration des molécules d’air, tandis que la matière est constituée d’atomes qui vibrent aussi. En ce sens, on pourrait soutenir que l’essence du son et de la matière est la même.
Si les mots sont le langage de l’esprit, la musique est le langage de l’âme.
«Il faut, en maçonnerie, rendre la vertu aimable par l’attrait des plaisirs innocents, d’une musique agréable, d’une joie pure, et d’une gaieté raisonnable» (Ramsay).
La musique est l’art de combiner les sons d’une manière agréable à l’oreille. Les éléments essentiels de la musique sont la mélodie et le rythme, auxquels il faut joindre le timbre et l’accentuation, enfin l’harmonie qui fixe la simultanéité des sons.

Aristote consacre une bonne partie du dernier livre conservé de sa Politique (VIII, 5-7) à l’éducation musicale. La musique, selon lui, peut avoir une influence sur le comportement, sur le développement du caractère, sur les dispositions morales, ce que les Grecs appellent l’êthos, de même qu’elle peut avoir une action sur l’âme, la psyché (à partir de la p. 106, Exercices de mythologie par Philippe Borgeaud, éd. Labor Et fides, 2004). Cette idée fut reprise par Marcile Ficin à la Renaissance : «pour combattre l’épuisement de la vie sédentaire, la musique est un bon moyen. Le son musical, par le mouvement de l’air purifié excite le spiritus aérien, qui constitue le lien entre le corps et l’âme, au moyen de l’émotion il agit sur les sens et en même temps sur l’âme» (De sanitate studiosorum tuenda).

Pythagore, Platon donnaient au mot musique une acception beaucoup plus étendue que celle que nous lui donnons aujourd’hui. Ils distinguaient une musique théorique ou contemplative et une musique active ou pratique. À la première ils rapportaient l’astronomie (l’harmonie du monde), l’arithmétique (l’harmonie des nombres), l’harmonique (traitant des sons, des intervalles, des systèmes), la rythmique (traitant des mouvements), et la métrique (la prosodie). La deuxième comprenait la mélopée (art de créer des mélodies), la rythmopée (art de la mesure et de la poésie). La musique est un exercice arithmétique secret et toute personne qui s’y adonne ne réalise pas qu’il manipule des nombres (Leibniz, 1712).
Musikê était à la fois l’approche scientifique, physique et mathématique, des sons et l’art issu des Muses. Rappelons que la première demande que fit Pythagore au Sénat de Crotone, était de bâtir un Temple aux Muses, comme symboles de l’harmonie qui devait présider à tout groupe social.
Les Hébreux cultivèrent de bonne heure la musique et le chant, témoins les cantiques de Moïse, les trompettes de Jéricho, la harpe de David, etc. La musique était intimement liée à toutes leurs cérémonies religieuses.
Les Romains ne commencèrent à s’occuper de la composition musicale que sous le règne d’Auguste.

Les premiers Chrétiens imitèrent les Juifs sous ce rapport ; de là l’origine du plain-chant créé au IVe siècle par Saint Ambroise et qui est comme un reflet de la musique des Anciens. Jusqu’au XIe siècle il n’y eut guère d’autre musique écrite que les chants d’église. À cette époque, l’invention de la gamme, ou échelle musicale, due au bénédictin Gui d’Arezzo, et celle du contrepoint donnèrent naissance à la musique moderne. C’est avec la connaissance de la musique, c’est-à-dire l’harmonie des sons et la beauté des rythmes que le compagnon règle sa conduite afin de tendre vers la véritable sagesse. «S’il y a une portée, elle doit bien porter quelque chose et s’il y a des clefs, elles doivent bien ouvrir des portes.»

Parler de gamme chromatique c’est associer la musique aux couleurs comme en alchimie : Les couleurs sont une clef et la musique une serrure. Avec son sang, les couleurs du paon donnent la gamme chromatique. Salomon Trismosin, dans Splendor Solis, son traité alchimique, associe le paon à un concert sur une de ses gravures. (Patrick Burensteinas, Le voyage alchimique, Étape 1-La Grand’Place de Bruxelles)

Dans son ouvrage Atalante fugitive ou nouveaux emblèmes chymiques des secrets de la nature, Michel Maïer (qui inspira Monteverdi) explique le Grand Œuvre alchimique par un ensemble de fugues musicales, de gravures et de poèmes, bref un essai d’art total comme l’opéra dont la traduction est justement le mot œuvre.

Le triton ou quarte augmentée (par exemple do, fa dièse), intervalle dissonant de 3 tons entiers entre deux notes, a été considéré comme maléfique, le diabolus in musica, au Moyen Âge.
On a découvert que certains atomes exposés à des températures proches du zéro absolu commençaient à se comporter comme s’ils étaient un seul et unique atome, alors qu’ils sont des milliards livrés à une ronde synchronisée. Le comité du Nobel, qui décerna le prix Nobel de physique en 2001 à Cornell et Wieman, Ketterle pour cette découverte, a dit que les atomes chantaient à l’unisson (découvrant ainsi un nouvel état de la matière appelé condensat de Bose-Einstein) au rythme de la musique cosmique, qui n’est pas sans rappeler le rythme de la danse créatrice de Shiva.
Les vibrations des musiques sacrées ont des correspondances géométriques qui permettent de les représenter et de les rendre visibles
À l’instar de la musique liturgique et du chant sacré de l’église, la musique maçonnique a joué un rôle et des fonctions toujours plus importants dans les travaux et tenues de la loge. D’emblée, la communauté maçonnique a reconnu les effets exhausteurs exercés par la pratique musicale sur l’ambiance de la loge et les sentiments animant les frères (et sœurs).
Dans certaines Loges en Écosse, le rituel est chanté quasi intégralement quasi intégralement depuis des siècles.
La pratique de la musique et du chant en loge contribue essentiellement, jusqu’à ce jour, au maintien de la communion des esprits lors des travaux rituels, mais aussi, dans la mesure où elle est en adéquation avec le texte et la gestuelle, à marquer plus intensément la perception du déroulement du rituel. Dans son ensemble, la musique maçonnique peut se subdiviser en trois catégories :
1 – Chants et pièces instrumentales composés en vue des travaux rituels, loges de table, fêtes de St Jean et autres manifestations analogues, une musique de circonstance.
2- Compositions qui ne furent pas écrites expressément à des fins maçonniques, mais qui par leur caractère et leur contenu se prêtent parfaitement aux travaux en loge.
3- Œuvres originales d’inspiration maçonnique, telle, par exemple, la Maurerische Trauermusik (Musique funèbre maçonnique) de Mozart.
La troisième partie des Constitutions d’Anderson est consacrée à 4 chants maçonniques (le Chant du Maître ou l’Histoire de la Maçonnerie ; le Chant du Surveillant ou une autre Histoire de la Maçonnerie ; le Chant des Compagnons ; le Chant de l’Apprenti). L’édition suivante, en 1738, reprend (pour certains, dans une version abrégée) les quatre chants de l’édition de 1723, mais y ajoute sept chants supplémentaires : Chant du Député Grand Maître ; Chant du Grand Surveillant ; Chant du Trésorier ; Chant du Secrétaire ; Chant du Porte-épée ; Ode aux Francs-maçons ; Ode à la Maçonnerie. Les éditions suivantes des Constitutions, celles de 1746, 1756, 1767 et 1784 continueront à ajouter et à soustraire des chansons.

Dans les Constitutions de Dermott, Ahiman Rezon, on trouve (1-4) les quatre chansons originales des Constitutions d’Anderson de 1723 (on notera que le Chant du Maître, déjà ramené de 244 à 52 vers en 1738, n’en contient cette fois plus que 12) ; (5-8) les quatre premières des sept ajoutées dans l’édition de 1738 ; (9-68) 60 autres chansons ; divers prologues et épilogues ; l’oratorio Solomon’s Temple.
Pour une histoire musicale de la Franc-maçonnerie et l’écoute de musiques de loge
Albert G. Mackey rapporte que le frère W. Clegg, membre de la Loge d’Harmonie, n° 279, Boston, Lincolnshire, est l’auteur des hymnes Hail Eternal et Now the Evening Shadows Falling, qui sont fréquemment utilisés à l’ouverture et la fermeture de nombreuses Loges.
N’hésitez pas à lire le texte de Christian Tourn, La musique maçonnique : <taosophie.free.fr/recueil/la_musique_maconnique.pdf>.
La colonne d’harmonie est un terme qui désigne à la fois l’officier et l’office chargé de la musique accompagnant les cérémonies maçonniques rituelles. Elle est dite vivante lorsque des groupes de musiciens y participent. La «colonne d’harmonie» désigne à son origine un ensemble d’instruments à vent qui, lors de la tenue, ponctue le rituel et les agapes, mais n’apparaît qu’au XIXe siècle. Le responsable de la musique dans les rituels anglo-saxons est généralement appelé organiste, même s’il n’a ni orgue ni harmonium à jouer. Dans les loges en Écosse, la musique a une telle importance que, non seulement l’ensemble des frères chante une grande partie du rituel, mais on recourt souvent à un barde (pour les chants a capella et pour donner le ton), à un organiste qui tient réellement un orgue ou un harmonium, parfois à un «pompiste» pour faire l’air à l’instrument s’il est vieux, et à un ou plusieurs cornemuseurs et tambours.
Les loges RSE/RÉÉ essaient parfois d’étoffer la musique plus que dans d’autres rites. La musique n’existe pas, en principe, en loge RER, car les fondateurs du rite prônaient l’écoute du silence intérieur.
L’harmonie musicale est un prestige dans nombre de grandes loges dans le monde, curieusement très peu en France. Il n’est pas rare de voir des frères organistes professionnels, chevronnés et virtuoses, accompagner les tenues aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou en Suède. Jan Sibelius, le célèbre compositeur de la Valse Triste, fut pendant des décennies le grand organiste de la Grande Loge de Finlande.
La musique comme la danse conduit à une philosophie de l’évanescent, la note entendue, les gestes disparaissent après leurs exécutions dans leur précarité.
Les notes de musique
Les noms des notes, Do, Ré, Mi, Fa, Sol, La, Si, Do sont issus d’une poésie religieuse chantée, l’Hymne à Saint Jean-Baptiste, écrite vers 770 après J.C. par le bénédictin lombard Paul Diacre.

C’est le musicien italien Guido d’Arezzo, qui en constatant que l’hymne s’élevait à chaque vers fit ressortir les premières syllabes et celles qui suivent l’hémistiche (moitié du vers) et leur attribua leurs noms et un son de plus en plus haut. Le texte en latin : Ut queant laxis/ Resonare fibris/ Mira gestorum/ Famuli tuorum/ Solve polluti/ Labii reatum/ Sancte Iohannes donne en français : Pour que tes serviteurs fassent résonner les prodiges de tes hauts faits par leurs cordes vocales bien souples, efface le péché de leur lèvre souillée Saint Jean. Afin de mieux établir les variations d’un chant, il créa une modulation pour la note B à laquelle il ajouta le «B molle» et le «B quadratum». De là se généralisa à toutes les notes l’appellation «bémol» et «bécarre».

La note Ut est la seule commençant par une voyelle. Par commodité du chant, qui se faisait sur la tonalité de ces syllabes, le «ut» fut remplacé par «do» au XVIème siècle par les religieux italiens. Une autre version affirme qu’en 1673, le UT a été renommé Do, plus doux à l’oreille, par le compositeur Giovanni Maria Bononcini.
Do étant la première syllabe de Domine (Seigneur en latin). La note Si est obtenue par les initiales de Sancte Iohannes à qui était destiné le poème. Les notes Ré, Sol, Ut constituent le mot «résolution» ; la note Sol rayonne au milieu du mot résolution. Il s’agit du soleil. Le suffixe io se trouve dans Iohannes.
Les notes Fa et La peuvent se lire en verticale et forment ainsi une croix latine. La note Mi représente la plus grande et la plus petite valeur numérologique : mille et unum. Elle décline ainsi l’idée de l’infiniment grand et de l’infiniment petit. Pour une compréhension du cryptogramme carolingien du christ-soleil dans ce texte lire l’article de Jacques Viret : Un cryptogramme carolingien du Christ–Soleil.
La notation anglophone, appelée batave, héritée de la Grèce antique, utilise des lettres de l’alphabet.

Dans cet ordre d’interprétation, l’échelle universelle, également appelée rayon de la création apparaît dans le nom des sept notes ; chaque niveau hiérarchique du rayon de la création correspond à un ciel. Dieu réside dans le septième ciel, par conséquent ce ciel le plus élevé est le paradis de du Créateur, le Dominion, abrégé en Do. Le sixième ciel est le cosmos ; le mot latin Siderus orbi, signifiant toutes les étoiles de l’univers, est abrégé en Si. Le cinquième ciel est la voie lactée ; l’expression latine Lacteus orbis est abrégé en La. Le quatrième ciel est le système solaire ; Hélios y est au centre ; il est le soleil, Sol en latin. Le troisième ciel est peuplé des planètes du système solaire ; l’astrologie montre comment les mouvements de ces planètes créent notre destin, Fatum en latin, abrégé en Fa. Le deuxième ciel correspond à notre planète ; c’est le microcosme à l’intérieur du macrocosme de l’univers entier, en latin il s’agit du Microcosmus, ou du mixtus orbis (lieu où se mêlent le bien et le mal, la terre), abrégé en Mi. Le premier et le plus bas des Cieux, sous le microcosme, est le monde souterrain ; la lune en est la régente (ou la reine) ; le mot latin Regina astris est abrégé en Ré.
Ce qui correspond aussi au Tikoun de la Tradition Hébraïque de l’arbre de vie, la remontée du Zaïn ou la réparation.
Newton, qui n’était pas qu’un scientifique, mais aussi un alchimiste, fit une étude complète sur les correspondances des sons et des lumières en rapport avec les 7 planètes de l’astrologie traditionnelle, qui correspondent aux 7 métaux alchimiques. La Tradition Hermétique nous donne ceci : Do = Lune, RE = Mercure, MI = Vénus, FA = Soleil, SOL = Mars, LA = Jupiter, SI = Saturne.
D’autres attribuent Do à Lune, Ré à Saturne, Mi à Jupiter, Fa à Mars, Sol à soleil, La à Vénus, Si à Mercure. (cf. La musique des sphères André Manoukian)

Dans le livre Le jeu des perles de verres, (1943), Hermann Hesse établit un lien entre les sept notes de la gamme musicale et les sept couleurs incluant le blanc auxquelles sont associées sept qualités précises : do, blanc, amour ; ré, jaune, joie ; mi, orange, humilité ; fa, rouge, maîtrise de soi ; sol, violet, honnêteté ; la, bleu, bonté ; si, vert, vérité ; non sans rappeler le poème Correspondances de Charles Baudelaire.
Qu’adviendrait-il si, un jour, la science, le sens du beau et celui du bien se fondaient en un concert harmonieux ? Qu’arriverait-il si cette synthèse devenait un merveilleux instrument de travail, une nouvelle algèbre, une chimie spirituelle qui permettrait de combiner, par exemple, des lois astronomiques avec une phrase de Bach et un verset de la Bible, pour en déduire de nouvelles notions qui serviraient à leur tour de tremplin à d’autres opérations de l’esprit ? »
Illustration de Michael Cheval
Très intéressant article ,merci à notre soeur Solange (Sol-Ange) de nous le faire découvrir.