Hannah Arendt, philosophe et théoricienne politique du 20e siècle, est souvent citée pour ses analyses profondes sur la nature humaine, la politique et la condition moderne. Si ses écrits ne font pas explicitement référence à la Franc-maçonnerie, il existe des convergences remarquables entre sa pensée et certains principes maçonniques, particulièrement en ce qui concerne la notion de l’homme comme “animal politique” qu’elle reprend à Aristote et les dynamiques de la vie en société. Cet article explore ces liens, en s’appuyant sur des sources historiques et contemporaines pour dessiner un portrait fascinant de l’intersection entre deux mondes a priori distincts.
L’Animal Politique et la Pluralité
Arendt, dans son œuvre majeure “La Condition de l’Homme Moderne” (1958), décrit l’être humain comme un “animal politique“, une créature qui ne peut se réaliser pleinement que dans l’espace public, à travers l’action et la parole. Elle insiste sur la “pluralité” comme condition fondamentale de la politique, où l’identité de chaque individu émerge et se définit en relation avec autrui.
La Franc-maçonnerie, avec son modèle de loges comme espaces de rencontre et de délibération, reflète cette vision. Les loges sont conçues comme des lieux où les “frères” se réunissent pour discuter, apprendre et agir ensemble, promouvant ainsi une forme de pluralité où chaque membre est à la fois indépendant et interdépendants des autres. Cette structure rappelle l’importance arendtienne de la “vita activa” où l’action politique est une manifestation de liberté et de créativité humaine.
Liberté de Pensée et de Conscience
Un autre point de convergence réside dans la liberté de pensée, une valeur centrale dans la philosophie d’Arendt et dans la pratique maçonnique. Arendt critique sévèrement la mentalité de conformité qui mène à la banalité du mal, décrite dans son analyse du procès d’Eichmann. Elle souligne l’importance de la pensée critique et de la responsabilité individuelle. De même, la franc-maçonnerie encourage le libre examen et la recherche personnelle de la vérité, loin des dogmes et des préjugés, ce qui est évident dans les rituels et les discours maçonniques où le développement de la conscience morale et intellectuelle est central.
Le Rôle de la Communauté et la Fraternité
Arendt estime que la politique n’est pas seulement une affaire de pouvoir ou de domination, mais bien de création d’un monde commun où les individus peuvent agir et vivre ensemble. Sa vision de la politique comme un espace de naissance et de renouveau est proche des idéaux maçonniques de fraternité et de construction d’une société plus juste et éclairée. La Franc-maçonnerie, avec son engagement dans l’éducation, la charité et l’amélioration sociale, reflète cette conception de la communauté comme un lieu de transformation positive et de développement éthique.
Critique de la Modernité et de la Bureaucratie
Arendt critique la modernité pour sa tendance à réduire l’homme à une fonction administrative, perdant ainsi le sens de l’action politique authentique. Elle analyse comment la bureaucratie peut mener à des atrocités par simple conformité, un thème qu’elle explore dans « Les Origines du Totalitarisme ». Bien que la franc-maçonnerie ne critique pas directement la modernité de la même manière, elle a souvent servi de contre-pouvoir à des systèmes autoritaires, en particulier lors de périodes où la liberté était menacée, offrant ainsi un espace où la pensée critique et l’engagement civique pouvaient fleurir.
En conclusion
Bien que Hannah Arendt, à ma connaissance n’ait jamais été affiliée à une loge maçonnique, ses réflexions sur l’action politique, la liberté de pensée, la pluralité et la communauté résonnent profondément avec certains des principes fondamentaux de notre organisation séculaire. Les deux courants de pensée partagent une foi en l’humain comme créateur de son destin à travers l’action collective, la recherche de la vérité et le respect de l’altérité. Cette convergence montre comment des idées philosophiques peuvent trouver des échos dans des pratiques sociales et rituelles, enrichissant notre compréhension de l’engagement citoyen et de la vie politique dans la cité.
Sources Utilisées :
- Arendt, Hannah. La Condition de l’Homme Moderne, Paris, Gallimard, 1983.
- Cairn.info. “La Franc-maçonnerie : une certaine idée du politique”.
- Cairn.info. “Franc-maçonnerie et politique : attirance et répulsion”.
- Arendt, Hannah. Les Origines du totalitarisme, Paris, Le Seuil, 1972.
- Presses de l’Université de Bruxelles. Franc-maçonnerie et histoire : bilan et perspectives.
- Raison Publique. “Absence de pensée et responsabilité chez Hannah Arendt”.
Cet article vise non seulement à éclairer les lecteurs sur des parallèles peu explorés, mais aussi à inviter à une réflexion plus profonde sur la manière dont la philosophie et les pratiques sociales peuvent s’interpénétrer pour enrichir notre compréhension maçonnique de la vie politique et de l’engagement civique.
NB : j’ajoute, sans commentaires nécessaires, que, après jugement, Adolf Eichmann fut pendu le31 mai 1962.
Les faits attestés et documentés sont têtus : Hannah Arendt a été la “compagne de route privilégiée”, avant, pendant et après la dernière guerre d’un Martin Heidegger, philosophe éminent et membre actif du parti nazi “catastrophé par “l’enjuivement de la culture allemande” selon ses propres écrits – lequel, curieusement, n’a jamais été inquiété. Il a même été reçu ” avec honneur par Jacques Lacan et Jean-Paul Sartre après la Libération! Moralité : La chair est faible d’une part et le désir de notoriété très fort de l’autre !
Quant à Adolf Eichmann, serviteur zélé d’Hitler, et entre autres abominations, organisateur de convois de déportés en direction des chambres à gaz du Reich, l’intellectuelle précitée n’a vu en lui qu’un banal fonctionnaire ( Commandant SS tout de même!) obéissant sans réfléchir aux ordres funestes supérieurs! Soit-disant, Heidegger pensait, Eichmann lui ne pensait pas!
J’étais un gamin à l’époque de ces atrocités et les larmes yeux, j’ai vu en 1944, des résistants du dernier jour tondre des pauvres femmes, encordées les unes aux autres sur la place de ma ville ( Boulogne-Billancourt) et tondues pour avoir eu une relation avec l’occupant. Une humiliation à laquelle a échappé Hannah Harendt!
Je fus ce jour un “fanatique”, oui, à la fois triste mais enthousiaste, de cette liberté enfin retrouvée après 4 ans de privations de toutes sortes! Alors de grâce, à mon âge avancé – j’ai dû faire des erreurs comme tout le monde – mais que me soit épargnées les savantes leçons de “moraline” de comptoir! Vous feriez du témoin le fautif! GG
Qui n’a jamais commis d’erreurs dans son existence? L’itinéraire de Anna Harendt montre combien elle a souffert du nazisme en tant que femme d’origine juive. En Allemagne , victime de l’antisémitisme, elle est passée à l’action en recensant, pour une organisation juive, les thèmes de la propagande antisémite. Exilée en France, elle s’est faite arrêtée par le gouvernement Français et envoyée au camp de Gurs avec quantité d’autres “apatrides”. Il est vrai qu’elle est tombée amoureuse de Heidegger; mais est-ce une raison pour la dévaloriser? Ce célèbre philosophe a été très estimé dans la sphère des philosophes influencés par la phénoménologie de E. Husserl. Tout le monde sait qu’il a masqué son adhésion au nazisme. Le procès Eichmann effectivement, a fait polémique. Mais c’est son propos qui, tout au moins, à mes yeux, et à ceux de beaucoup d’autres, a été interprété d’un point de vue quelque peu rigide et implacable, parfaitement compréhensible. Ses écrits, à la fois politiques et philosophiques continuent à être lus et étudiés… Mais pour ma part, je n’irai pas jusqu’à considérer que A.H. est une franc-maçonne sans tablier malgré les points communs discernés par Alice Dubois.
Je suis tout-à-fait d’accord avec votre/ton analyse … cet article est classé en Philosophie alors que Hannah Arendt ne se considérait pas comme appartenant au “cercle des philosophes” et qu’elle s’occupait de “théorie politique”, chose qu’en maçonnerie, si j’ai bien compris, on éloigne les sujets politiques et religieux.
Je considère sa liaison avec Heidegger (elle 18 ans, lui 35 ans) à placer sur un plan strictement personnel. C’est la même chose pour leur amitié qui a survécu au nazisme.
“Les chiens aboient, la caravane passe.”
RIEN dans cet article sur les faits authentiques, à savoir :
-Pas une ligne sur la “complicité” d’Anna Arendt avec Heidegger, soutien notoire du nazisme, qui n’a jamais été inquiété, même après la seconde guerre mondiale, et dont elle a pourtant défendu les idées par tous les artifices de langage possible! L’amour est aveugle, dit-on avec raison!
-Pas un mot sur son livre “la banalité du mal” qui affirme qu’Eichmann n’était qu’un exécutant soumis aux ordres alors qu’il était parfaitement conscient de ses actes! Son procès l’a démontré.
C’est navrant de constater combien l’écriture ( mal informée?) peut parfois devenir une gomme à effacer l’Histoire et ses horreurs.
Le rapprochement de la pensée de cette “philosophe” avec la franc-maçonnerie est ainsi parfaitement déplacé! Nombre de francs-maçons clairvoyants ont payé de leur vie leur opposition à ce sinistre nazisme.
NB : la photo en tête de l’article ne semble pas être celle de l’intéressée!
Très Cher Gilbert,
Tu viens de m’inspirer une pensée de Winston Churchill que j’avais totalement oubliée :
« Un fanatique est quelqu’un qui ne veut pas changer d’avis et qui ne veut pas changer de sujet. »
Je t’invite à ce sujet à rédiger un article que nous nous ferons le plaisir de publier dès qu’il sera prêt. Le thème : « La Loi de Godwin ».
Pour répondre sur le fond de ton intervention, si nous retirons de nos bibliothèques, de nos musées et plus généralement de nos mémoires, tous les créateurs qui ont dans leurs placards des choses inavouables ou reprochables, je crains qu’il faille fermer assez rapidement plusieurs tours de la BNF.
Ainsi, oui, tu as raison, nous devrions faire systématiquement un devoir de mémoire pour chacun des personnages cités dans nos articles. J’ai peur toutefois que nous fatiguions assez rapidement notre lectorat, car les thèmes choisis sont sélectionnés pour nous permettre de nous enrichir de ce qu’ils ont de meilleur. Voltaire était antisémite, ne parlons pas de Céline… devons-nous allumer un feu pour brûler (tous) leurs livres ? Devons-nous fermer prochainement Emmaüs à travers le monde à cause de son fondateur ?
Ainsi, il me semble que la sagesse est de pouvoir désacraliser ce qui t’a touché, tant en bien qu’en mal. Si tu ne peux pas trouver de défauts à ton enfant ni de grâce à ton ennemi, ce n’est pas lui le problème, c’est toi. Du moins… c’est toi qui as un problème… avec lui (et tous les autres) et alors, il te sera très difficile de trouver la paix dans ton coeur.
Très Fraternellement
Franck
Chez moi on appelle ça “La politique de l’autruche” ou l’art de détourner pudiquement le regard de ce qui pourrait déranger le lectorat.
Pas très brillant comme réponse mon TCF.
Bel éclairage de la pensée d’Hannah Arendt source d’inspiration pour la maçonnerie en se gardant de pensées politiques politiciennes.