mer 15 janvier 2025 - 00:01

Deux loges de Maurice claquent la porte de la GLM

De notre confrère l’Express.mu – Par Marie-Annick Savripène

L’exaspération et la colère ne sont pas nouvelles au sein de la franc-maçonnerie locale. Or, ces sentiments ont atteint leur paroxysme en ce début d’année au point de pousser à la démission, de la Grande Loge de Maurice (GLM), 14 membres de l’Alliance de St Jacques No 2. Et 15 membres de la loge Kilwinning No 23. Un membre fondateur de la GLM a également jeté l’éponge. Les démissionnaires sont, selon une source proche du dossier, «des membres actifs et à jour avec leur capitation.»

La première salve est venue de 15 membres de la loge Kilwinning No 23, qui ont envoyé une lettre datée du 8 janvier, au Grand Maître de la GLM, Bruno Dumazel, ainsi qu’aux membres du conseil d’administration de la GLM, y annonçant leur démission. Ils y évoquent quatre principales raisons, soit des actions récentes «perçues comme une ingérence dans la souveraineté de notre loge, compromettant ainsi le respect sacré de son autonomie et l’esprit de fraternité» qui les unit, le non-respect, en certaines occasions, du protocole de courtoisie «notamment à travers des démarches de frères pétitionnaires», ce qui a entraîné «un sentiment d’incompréhension et de déséquilibre au sein de notre loge», le fait qu’un frère de leur loge ait choisi, lors d’une fonction importante, tenue le 21 décembre dernier, de ne pas arborer l’étendard de la Kilwinning No 23 mais celle d’une autre loge, la No 24 «qui est encore en voie de consécration, ce qui a suscité un questionnement sur les principes d’unité et de loyauté maçonniques» et finalement, le fait que certains articles de presse récents «mettent à mal la réputation de la GLM, affectant la perception de notre institution et engendrant chez nous un profond malaise quant à l’éthique et à la dignité de notre engagement.»

Les démissionnaires précisent que cette décision collective n’a pas été prise à la légère mais est motivée par «notre profond attachement aux idéaux fondamentaux de la franc-maçonnerie – l’honneur, la dignité et l’intégrité – que nous souhaitons préserver dans toute leur pureté.»

Chez les démissionnaires de la loge l’Alliance de St Jacques No 2, quatre autres raisons sont mises en avant par voie de courrier daté du 9 janvier, pour expliquer leur geste. Il y a d’abord le fait que plusieurs de leurs demandes qu’ils estiment essentielles à l’épanouissement de leur loge sont restées lettre morte, comme par exemple celle de la mise en place d’une loge verte ou encore leur demande de jumelage avec la loge réunionnaise Les Chevaliers de l’Octan, «restées bloquées au niveau de la GLM». Ils se disent ensuite «profondément préoccupés par le manque de transparence et la gestion opaque au sein de la GLM», déplorant certaines pratiques allant «à l’encontre des principes maçonniques». Ils ajoutent à cet effet que les explications fournies au cours de plusieurs assemblées générales après parution d’articles de presse concernant des malversations dans le Trust de la GLM, de même que dans la construction du Grand Temple à Petit Camp (photo), «ne nous ont pas convaincus. Alors qu’une institution comme la nôtre est censée demeurer discrète, nous avons au contraire été exposés aux projecteurs des médias et de l’opinion publique, ce qui a entraîné davantage de stigmatisation et de médisance à l’encontre de notre ordre.» Ils précisent ne plus pouvoir «tolérer ni porter le poids d’une telle situation malsaine.»

Les démissionnaires citent aussi les agissements d’un de leurs frères qu’ils disent avoir dénoncé dans un rapport soumis le 13 octobre 2024 mais qu’aucune suite n’a été donnée à l’affaire. Finalement, ils parlent d’autres situations «trop nombreuses pour être énumérées» qui ont suscité chez eux des interrogations et une profonde indignation. «Face à cela, nous avons pris la décision de nous détacher de la GLM». Décision qui ne freine pas pour autant leur désir de poursuivre leur cheminement maçonnique «avec la même sincérité et les mêmes motivations qui nous animent depuis toujours. Nous aspirons à évoluer dans la sérénité, la sincérité et en toute liberté, conformément aux landmarks.»

Ras-le-bol

Celui qui vient enfoncer le clou est un membre fondateur de la GLM. Dans un e-mail envoyé jeudi, au Grand Maître, il livre l’essentiel de sa pensée, exprimant son ras-le-bol. Il y évoque notamment son éviction et celle d’un autre frère du Good Living Mauritius Trust qu’ils ont fondé, et ce, au profit de «frères plus conciliants», le manque de communication envers les membres, citant notamment le fait qu’il ait à plusieurs reprises, lors de réunions, évoqué l’absence répétée du trésorier pour finalement apprendre que ce dernier a démissionné. Il fait aussi mention de critiques non-fondées formulées à son encontre par un «triste sbire frère F. concernant l’état du chantier prétendument laissé par moi…dans ses rêves», de même que l’attitude de «frères bien intentionnés» qui l’ont qualifié de «frère perturbateur» dans son dos.

«Nous en sommes là aujourd’hui, de par votre management, en privilégiant l’administratif au sacré», écrit-il encore. Il souligne que le prédécesseur du GM a légué à ce dernier «un bijou et vous l’avez converti en votre compagnie privée, ne créant pas de plan de succession, personne n’étant assez bon selon vous.» Il allègue que le GM aurait pratiqué «des passe-droits, et privilégié la cordonite, créant la frustration et l’incompréhension auprès des frères. De plus, vos affinités politico-affairistes font la une, et cela affecte les Frères dans leurs âmes… »

Il conseille au GM de se débarrasser de ses «chatwas. Ce sont ceux-là qui vont vous crucifier.» C’est ainsi qu’il dit clore «avec beaucoup de tristesse» un chapitre de sa vie maçonnique.

Démissions regrettables

L’express a contacté Bruno Dumazel sur son portable personnel pour obtenir un commentaire de lui. Son assistant a répondu à sa place, précisant que Bruno Dumazel n’est pas au pays actuellement, qu’il rentre la semaine prochaine mais que le message lui serait transmis. La cellule de communication de la GLM a pris contact et nous a fait parvenir la déclaration suivante : «Ces démissions bien que regrettables, s’inscrivent dans le cadre normal de la vie institutionnelle. Il est toutefois surprenant de constater que ces départs surviennent juste après l’inauguration de nos nouveaux locaux. Les ambitions démesurées de certains et des egos mal maîtrisés semblent être en cause. À l’évidence, le travail maçonnique sur certains frères n’est pas encore achevé. Une meilleure tolérance et davantage d’humilité de leur part s’avèrent nécessaires. Il est important de rappeler que la GLM demeure solidement ancrée dans ses valeurs et ses objectifs et que ces départs, bien qu’ils puissent soulever des interrogations, ne remettent aucunement en cause l’intégrité ni le fonctionnement de l’institution. Ces situations seront abordées avec sérénité et dans le respect des procédures prévues.»

La cellule de communication de la GLM nous a aussi fait parvenir un commentaire de Bruno Dumazel. «Nous restons sereins et comprenons que l’expansion de la GLM ait pu occasionner un certain vertige chez certains membres. L’équilibre de notre institution se maintient grâce au respect profond que nous portons aux différentes composantes de l’arc-en-ciel mauricien.» Il ajoute que la GLM sera toujours «très heureuse d’accueillir et d’ouvrir les portes de ses temples à ceux qui s’y intéressent, dans le respect de nos valeurs et de notre culture. Notre institution se réjouit de partager avec le monde ce que nous nous efforçons d’accomplir au sein de nos ateliers.»

Article de Marie-Annick Savripène

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