De notre confrère universalfreemasonry.org – Par Albert Mackey
Les sectes gnostiques des premiers chrétiens présentent des similitudes frappantes avec les pratiques de la franc-maçonnerie moderne. Est-il possible que la Franc-maçonnerie puisse faire remonter ses origines à ces écoles religieuses secrètes ?
L’hypothèse qui cherche à établir un lien entre le gnosticisme et la franc-maçonnerie, et peut-être même une origine de cette dernière à partir du premier, a été avancée à maintes reprises et mérite donc d’être prise en considération. Le dernier exemple en date se trouve dans un ouvrage de M. C.W. King, publié en 1864 sous le titre The Gnostics and their Remains, Ancient and Medieval.
M. Hughan a très justement qualifié cet ouvrage de King, en ce qui concerne ses théories maçonniques, de « caractère non maçonnique et non historique ». Mais il faut reconnaître que King n’a pas été le premier écrivain à chercher à faire remonter la Franc-Maçonnerie à une origine gnostique.
Dans une brochure publiée en 1725, dont une copie a été conservée à la Bibliothèque Bodléienne, parmi les manuscrits du Dr Rawlinson, et qui porte le titre de Deux lettres à un ami.
Le premier concerne la Société des Francs-Maçons. Le second donne un compte rendu du plus ancien ordre des Gormogons, etc.
Nous trouvons, dans la première lettre, sur les francs-maçons, le passage suivant :
Mais maintenant, Monsieur, pour en venir à une conclusion et donner sérieusement mon opinion sur ces prodigieux virtuoses, je crois que s’ils appartiennent à une dénomination quelconque ou à une secte d’hommes qui est apparue jusqu’ici dans le monde, ils peuvent être classés parmi les gnostiques, qui ont pris leur origine de Simon le Magicien ; c’était un groupe d’hommes qui ridiculisaient non seulement le christianisme, mais même la morale rationnelle, enseignant qu’ils devraient être sauvés par leur vaste connaissance et leur compréhension d’aucun mortel ne pourrait dire quoi.
Ils parlaient d’une étonnante intelligence qu’ils tenaient on ne sait d’où. Ils amusaient et intriguaient la foule écervelée et imprudente avec des interprétations superstitieuses de caractères talismaniques extravagants et des significations absconses de mots cabalistiques peu communs ; ce qui concorde exactement avec les procédés de nos francs-maçons modernes.
Bien que la valeur intrinsèque de cette brochure n’ait pas été telle qu’elle aurait pu la préserver du tombeau littéraire qui l’aurait vouée à l’oubli, si le zèle d’un antiquaire n’en avait conservé qu’un seul exemplaire comme relique, l’idée d’une relation quelconque entre la franc-maçonnerie et le gnosticisme n’a pas été complètement abandonnée dans les années suivantes. Hutchinson dit que :
… dans le cadre de notre profession actuelle de franc-maçonnerie, nous prétendons que notre moralité a été déduite à l’origine de l’école de Pythagore, et que le système religieux basilidien nous a fourni certains principes et hiéroglyphes.[i]
Basilide, le fondateur de la secte qui porte son nom, était le plus éminent des gnostiques égyptiens. A l’époque de la fabrication des Hauts Grades sur le continent européen, diverses opinions sur l’origine de la Maçonnerie – dont beaucoup étaient absurdes – surgirent parmi les érudits maçonniques. Parmi ces théoriciens, nombreux furent ceux qui remontèrent l’origine de l’Ordre aux premiers chrétiens, parce qu’ils le supposaient trouvé parmi les gnostiques, et surtout sa secte la plus importante, les Basilidiens.
Certains auteurs allemands et français ont également soutenu l’hypothèse d’un lien plus ou moins intime entre les gnostiques et les francs-maçons. Je ne connais aucun auteur allemand qui ait affirmé positivement l’existence de ce lien. Mais il a été fait allusion à cette doctrine à plusieurs reprises sans que l’on nie absolument sa véracité.
Ainsi, Carl Michaeler, auteur d’un Traité sur les mystères phéniciens, a écrit quelques observations sur ce sujet dans un article publié par lui en 1784 dans le Journale für Freimaurer de Vienne, sur l’analogie entre le christianisme des premiers temps et la franc-maçonnerie. Dans cet essai, il fait allusion à la théorie de l’origine gnostique de la franc-maçonnerie.
Il est cependant très prudent dans ses déductions et dit sous réserve que, s’il existe un lien entre les deux, il doit être rattaché au gnosticisme de Clément d’Alexandrie, sur lequel il peut simplement avoir été fondé en tant qu’école de philosophie et d’histoire, tandis que les différences qui existent actuellement entre les deux doivent être attribuées aux changements de conception humaine survenus au cours des siècles intermédiaires. Mais, en fait, le gnosticisme de Clément était quelque chose d’entièrement différent de celui de Basilide, à qui Hutchinson et King attribuent l’origine de nos symboles et auquel Clément s’est vigoureusement opposé dans ses ouvrages.
C’était ce qu’il appelle lui-même « une véritable philosophie gnostique ou chrétienne fondée sur la foi ». C’était cette connaissance supérieure, ou cet état plus parfait de la foi chrétienne, auquel saint Paul est censé faire allusion lorsqu’il dit, dans sa première épître aux Corinthiens, qu’il a fait connaître à ceux qui étaient parfaits une sagesse supérieure. Reghellini parle de manière plus positive et dit que les symboles et les doctrines des Ophites, qui étaient une secte gnostique, sont passés en Europe, après avoir été adaptés par les Croisés, les Rosicruciens et les Templiers, et ont finalement atteint les Francs-Maçons[ii].
Enfin, je puis me référer au manuscrit Leland, dont l’auteur a clairement fait connaître cette doctrine au public, en affirmant que les francs-maçons connaissaient les « facultés d’Abrac », expression par laquelle il fait allusion au plus important et au plus distinctif des symboles gnostiques.
Mais avant de pouvoir aborder cette importante question, il convient, pour le bien du lecteur, de dire quelques mots sur les gnostiques et sur le système philosophique et religieux qu’ils professaient. Je me propose donc de répondre très brièvement aux questions suivantes : Qu’est-ce que le gnosticisme ? Qui étaient les gnostiques ?
A peine la lumière du christianisme avait-elle brillé sur le monde qu’une multitude d’hérésies surgirent pour troubler la nouvelle religion.
Parmi ces sectes, le gnosticisme occupe la position la plus importante. Le titre de la secte dérive du mot grec Gnosis, « sagesse ou connaissance », et a été adopté dans un esprit d’ostentation, pour indiquer que les disciples de la secte étaient en possession d’un degré de sagesse spirituelle plus élevé que celui auquel pouvaient prétendre ceux qui n’avaient pas été initiés à leurs mystères.
L’hérésie du gnosticisme est apparue si tôt dans l’Église chrétienne que nous trouvons l’apôtre Paul avertissant les convertis à la nouvelle foi des innovations sur la pure doctrine du Christ, et disant à son disciple Timothée d’éviter « les bavardages profanes et vains, et les oppositions de la science, faussement appelée ainsi ».
Les traducteurs de la version autorisée ont traduit le passage ainsi. Mais, étant donné la plus grande lumière qui a été jetée depuis leur époque sur l’histoire et l’esprit religieux de l’époque apostolique, et la nature réelle de l’élément gnostique qui l’a perturbé, nous pouvons mieux préserver le vrai sens du grec original en le rendant par « oppositions de la fausse gnose ».
Il y avait alors deux espèces de Gnose, ou gnosticisme, la vraie et la fausse, distinction que saint Paul lui-même fait dans un passage de son Épître aux Corinthiens, où il parle de la sagesse qu’il communiquait aux parfaits, en opposition à la sagesse du monde.
La fausse Gnose à laquelle l’Apôtre fait allusion est le Gnosticisme qui fait l’objet de notre présente enquête.
A l’époque où Jean-Baptiste prêchait dans le désert, et depuis quelque temps déjà, il existait de nombreux systèmes philosophiques et religieux anciens qui, émanant de l’Orient, participaient tous du caractère mystique propre à l’esprit oriental. Ces divers systèmes, par suite des communications accrues entre les différentes nations qui suivirent les conquêtes d’Alexandre de Macédoine, commencèrent donc à se rapprocher les uns des autres. Les disciples de Platon acquéraient quelques-unes des doctrines des mages orientaux, et ceux-ci s’imprégnaient à leur tour plus ou moins de la philosophie grecque.
Les traditions de l’Inde, de la Perse, de l’Égypte, de la Chaldée, de la Judée, de la Grèce et de Rome se mélangeaient en une seule masse, et formaient à partir de ce conglomérat une philosophie et une religion mystiques qui participaient des éléments de tous les ingrédients dont elles étaient composées et contenaient pourtant en leur sein un mysticisme qui lui était propre.
Ce nouveau système était le gnosticisme, qui tirait ses principales doctrines de Platon, du Zend-Avesta, de la Kabbale, des Védas et des hiéroglyphes d’Égypte. Il enseignait comme articles de foi l’existence d’un Être suprême, invisible, inaccessible et incompréhensible, créateur d’un monde spirituel composé d’intelligences divines appelées éons, émanant de lui, et d’une matière éternelle, source du mal et antagoniste de l’Être suprême. L’un de ces éons, le plus bas de tous, appelé le Démiurge, créa le monde à partir de la matière, qui, bien qu’éternelle, était inerte et sans forme.
Le Père Suprême, ou Premier Principe de toutes choses, demeurait de toute éternité dans un plérôme ou plénitude de lumière inaccessible, et c’est pourquoi on l’appelait Bythos, ou l’Abîme, pour désigner la nature insondable de ses perfections. Le Dr Burton, dans son exposé éclairé du système gnostique dans les conférences de Bampton, déclare :
Cet Être, par une opération purement mentale ou agissant sur lui-même, produisit deux autres êtres de sexes différents, desquels, par une série de descendances plus ou moins nombreuses suivant les différents schémas, se formèrent plusieurs couples d’êtres, qu’on appela Éons, d’après les périodes de leur existence antérieure au temps, ou émanations, d’après le mode de leur production. Ces Éons ou émanations successifs paraissent avoir été inférieurs les uns aux autres ; et leur existence était indispensable au schéma gnostique, pour rendre compte de la création du monde, sans faire de Dieu l’auteur du mal.
Ces Eons vécurent d’innombrables siècles auprès de leur premier Père. Mais le système des émanations semble avoir ressemblé à celui des cercles concentriques, et ils se détériorèrent peu à peu à mesure qu’ils s’approchaient de plus en plus de l’extrémité du Plérôme.
Au-delà de ce Plérôme se trouvait la matière, inerte et impuissante, quoique coéternelle avec le Dieu suprême et comme lui sans commencement. Enfin, l’un des Éons (le Démiurge) franchit les limites du Plérôme et, rencontrant la matière, créa le monde d’après la forme et le modèle d’un monde idéal qui existait dans le Plérôme ou l’esprit du Dieu suprême.
Il n’est pas nécessaire d’entrer dans une récapitulation minutieuse des autres points de doctrine qui découlèrent de ces trois doctrines. Il suffit de dire que l’ancien gnosticisme n’était pas un système original, mais une cosmogonie, une religion et une philosophie constituées de parties des anciens systèmes grecs et orientaux, y compris le platonisme des Grecs, le parsisme des Perses et la cabale des Juifs.
L’avènement du christianisme a vu l’essor de ce vieux gnosticisme en Asie et en Egypte. Certains de ses disciples se convertirent à la nouvelle religion, mais ils y apportèrent avec eux de nombreuses vues mystiques de leur philosophie gnostique et cherchèrent à les appliquer aux doctrines pures et simples de l’Evangile.
Ainsi, le nom de gnosticisme fut appliqué à une grande variété d’écoles, qui différaient les unes des autres dans leurs interprétations de la foi chrétienne, mais qui avaient cependant un principe commun d’unité : elles se plaçaient en opposition avec les conceptions du christianisme telles qu’elles étaient généralement reçues par ses disciples. Et cela parce qu’elles le jugeaient insuffisant pour fournir des germes de vérité absolue, et c’est pourquoi elles prétendaient posséder une somme de connaissances supérieure à celle des croyants ordinaires.
Le révérend Dr Wing déclare :
Ils prétendaient rarement démontrer les principes sur lesquels reposaient leurs systèmes par des preuves historiques ou des raisonnements logiques, car ils se vantaient plutôt d’avoir découvert ces principes grâce aux facultés intuitives d’esprits plus doués que les leurs, et que les matériaux ainsi obtenus, soit par la foi, soit par la révélation divine, étaient ensuite élaborés sous une forme scientifique, selon les capacités naturelles et la culture de chacun. Leur but était de construire, non seulement une théorie de la rédemption, mais celle de l’univers, une cosmogonie.
Aucun sujet n’échappait à leurs recherches. Tout ce que Dieu pouvait révéler à l’intellect fini leur semblait à leur portée. Ce qui pour d’autres n’était que des idées spéculatives était hypostasiée ou personnifiée par eux en êtres réels ou en faits historiques. C’est ainsi qu’ils élaborèrent des systèmes de spéculation sur des sujets entièrement hors de portée de la connaissance humaine, qui nous étonnent par leur audace et leur apparente conscience de la réalité.
Tel fut le gnosticisme dont les diverses sectes s’introduisirent dans l’Eglise avec leurs notions mystiques et leurs interprétations allégoriques, avant que le christianisme ne soit bien établi. Bien que dénoncées par saint Paul comme de “vains bavards”, elles se multiplièrent et donnèrent naissance à de nombreuses hérésies qui durèrent jusqu’au IVe siècle.
La plus importante de ces sectes, et celle dont les modernes ont tiré la plupart de leurs conceptions sur ce qu’est le gnosticisme chrétien, fut fondée au IIe siècle par Basilide, le chef des gnostiques égyptiens. La doctrine de Basilide et des Basilidiens était un développement ultérieur du système gnostique originel. Elle se distinguait plus particulièrement par l’adoption de la doctrine des nombres de Pythagore et par l’utilisation et l’interprétation du mot « Abraxas » – ce mot dont la signification, selon le manuscrit Leland, intrigua tant le savant M. Locke.
Dans le système de Basilide, le Dieu suprême était incompréhensible, inexistant et ineffable. De sa perfection se développaient sept attributs ou pouvoirs personnifiés, à savoir :
1. Esprit,
2. Raison,
3. Pensée,
4. Sagesse,
5. Puissance,
6. La sainteté et
7. Paix.
Sept était un nombre sacré, et ces sept pouvoirs se rapportaient aux sept jours de la semaine. Basilide supposait aussi qu’il y avait sept êtres semblables dans chaque étape ou région du monde spirituel, et que ces régions étaient au nombre de trois cent soixante-cinq, correspondant ainsi aux jours de l’année solaire. Ces trois cent soixante-cinq régions étaient autant de demeures célestes entre la Terre et l’Empyrée, et il supposait l’existence d’un nombre égal d’anges.
Le nombre trois cent soixante-cinq était dans le système basilidien un nombre sacré. C’est pourquoi il inventa le mot “ABRAXAS”, car les lettres grecques qui le composent ont une valeur numérique, une fois additionnées, d’exactement trois cent soixante-cinq.
Le savant théologien allemand Bellerman pense avoir trouvé la dérivation dans le Captu, ou ancienne langue égyptienne, où les mots « Abrah », signifiant « parole », et « Sadsch », signifiant « béni », « saint » ou « adorable ».
Par conséquent, « Abrahsadsch » hellénisé en « Abraxas » dénoterait « le Verbe saint, béni ou adorable », se rapprochant ainsi de l’esprit des kabbalistes juifs dans leur utilisation similaire d’un nom sacré. On ne sait pas si le mot a été ainsi dérivé ou s’il a été inventé par Basilide en raison de la valeur numérique de ses lettres.
Il l’appliqua cependant dans son système comme le nom du Dieu suprême. Ce mot Abraxas, comme le Tétragramme des Juifs, devint d’une grande importance pour la secte des Basilidiens. Leur vénération pour lui donna naissance à ce qu’on appelle les « pierres précieuses abraxas ». Ce sont des pierres précieuses, des plaques ou des tablettes de métal, qui ont été découvertes principalement en Égypte, mais aussi en France et en Espagne. Elles portent l’inscription du mot Abraxas et d’une image censée désigner le dieu basilidien. Certaines d’entre elles portent des mots juifs, tels que Jéhovah ou Adonaï, et d’autres contiennent des symboles persans, égyptiens ou grecs.
Montfaucon, qui a traité le sujet des « Gemmes d’Abraxas » de manière élaborée, les divise en sept classes.
1. Ceux sur lesquels est inscrite la tête d’un coq, symbole du soleil.
2. Ceux qui ont une tête de lion, pour désigner la chaleur du soleil, et le mot Mithra.
3. Ceux qui ont l’image du dieu égyptien Sérapis.
4. Ceux qui ont des images de sphinx, de singes et d’autres animaux.
5. Ceux qui ont des figures humaines avec les mots Iao, Sabaoth, Adonaï, etc.
6. Ceux qui ont des inscriptions sans figures.
7. Ceux qui ont des formes monstrueuses.
De ces joyaux nous avons tiré notre connaissance des symboles gnostiques ou basilidiens, qui auraient fourni des idées aux constructeurs du moyen âge dans leur art décoratif. M. King et quelques autres écrivains ont supposé qu’ils avaient été transmis aux francs-maçons. Le principal de ces symboles gnostiques est celui du Dieu suprême, Abraxas. Celui-ci est représenté sous la forme d’une figure humaine à tête de coq, les jambes étant deux serpents. Il brandit une épée dans une main, parfois un fouet, et un bouclier dans l’autre.
Le serpent est également un symbole très courant, ayant parfois la tête d’un coq et parfois celle d’un lion ou d’un faucon.
D’autres symboles, dont on sait qu’ils sont d’origine purement gnostique ou plutôt basilidienne, d’après l’inscription qui l’accompagne, Abraxas, ou Iao, ou les deux, sont Horus, ou le Soleil, assis sur une fleur de lotus, qui est soutenue par une double lampe, composée de deux images phalliques jointes à leurs bases. Le chien, le corbeau et la croix de bronze surmontée d’une tête humaine.
Le dieu égyptien Anubis et le père Nil, dans une posture courbée et tenant dans sa main la double lampe phallique d’Horus. Ce dernier symbole est curieux parce que le mot Heilos, comme Mithra, qui est aussi un symbole gnostique, et Abraxas, exprime, dans la valeur des lettres grecques dont il est composé, le nombre trois cent soixante-cinq.
Tous ces symboles, on le voit, font allusion au soleil, à l’éther, comme représentant du Dieu suprême ou comme source de lumière. On pourrait supposer que dans le gnosticisme ultérieur, comme dans les mystères mithraïques, il y avait une allusion au culte du soleil, qui était l’une des religions primitives les plus anciennes et les plus largement diffusées.
Il est évident que le soleil joue un rôle très important dans le symbolisme gnostique comme dans le symbolisme mithraïque. Bien que les architectes ou les constructeurs du Moyen Âge aient pu emprunter et aient probablement emprunté certaines suggestions des gnostiques pour mettre en œuvre le symbolisme de leur art, il n’est pas probable, compte tenu de leur organisation ecclésiastique et de leur caractère religieux, qu’elles aient été plus que de simples suggestions. Elles n’auraient certainement pas été acceptées par ces chrétiens orthodoxes avec quoi que ce soit de leur véritable interprétation gnostique.
On peut appliquer à l’emploi des symboles gnostiques par les architectes médiévaux les remarques faites par M. Paley au sujet de l’adoption de certains symboles païens par les mêmes constructeurs. Leur origine gnostique n’était qu’un simple accident. Ils n’étaient pas employés comme symbole d’une quelconque doctrine gnostique, mais dans l’esprit du christianisme, et « l’Église, en perfectionnant leur développement, leur a donné un caractère plus pur et plus sublime »[iv].
Il est vrai que les francs-maçons ont manifesté très tôt une tendance à la doctrine des nombres sacrés, qui s’est depuis largement développée dans la franc-maçonnerie des Hauts Degrés modernes, mais ce symbolisme est directement dérivé des enseignements de Pythagore, que connaissaient bien les fondateurs des rituels primitifs. Il est également vrai que le soleil et la lune sont brièvement mentionnés dans nos rituels et peuvent être considérés comme des symboles maçonniques, mais l’utilisation qui est faite de ce symbolisme et son interprétation prouvent très clairement qu’il n’est pas issu d’une source gnostique.