De notre confrère lagazettedemontpellier.fr – Par Jacques Molénat
Le “parrain”, comme le surnommaient affectueusement ses amis, est mort samedi 28 décembre, à l’âge de 87 ans. Ses obsèques se dérouleront ce lundi 6 janvier à 10h au parc des expositions de Pérols, où plusieurs centaines de personnes sont attendues. Puis Michel Fromont sera inhumé, dans l’intimité, au cimetière de Pérols, commune où il résidait. À toute sa famille, nos plus sincères condoléances. Lire ci-dessous son portrait, que nous avons confié à Jacques Molénat, un journaliste qui l’a beaucoup fréquenté.
Aimé, consulté, redouté
Dans la classe dirigeante montpelliéraine Michel Fromont incarnait la figure du Parrain. Il avait occupé de hautes fonctions : président de la Fédération des travaux publics, président de la Chambre de commerce, président du Tribunal de commerce. Dans son ombre, se profilaient la franc-maçonnerie et ses fantasmes. Avec lui, disparaît l’homme de réseaux numéro un de la ville. Il était aimé, consulté, redouté.
Affable
Apprenti plombier à 15 ans, ce débrouillard n’avait pas eu besoin d’études pour comprendre comment le monde tourne et comment se frayer un chemin vers les sommets. Son arme ? La cordialité. Il fallait le voir en société. D’un pair à l’autre, tel Corleone, il embrassait, étreignait, ne laissant personne indifférent. Cette aimable disposition n’allait pas sans ruse. Il le savait d’expérience : la serviabilité désarme. “Et puis”, professait-il, “un service ça se renvoie.”
Il est arrivé à Montpellier en 1965. D’emblée, sa petite entreprise de plomberie s’engouffre dans l’essor de la ville : Antigone, Hôtel du Département, Maison des syndicats… En même temps, porté par son entregent et son naturel affable, le plombier se glisse dans toutes les instances de gestion à sa portée : l’aéroport, le MEDEF, la Banque de France, le CHU, la médecine du travail et même, une fierté pour ce pur autodidacte, l’université Montpellier I.
La franc-maçonnerie est au cœur de son pouvoir. Il passe sous le bandeau dans une loge du Grand-Orient, Ère Nouvelle. “J’ai été initié avec un jeune, un petit ouvrier qui travaillait à la piscine de Montpellier. Il était cégétiste et communiste. Nous sommes devenus très amis. Ça me servait bien. Dans les manifestations il disait à ses camarades : ‘Michel c’est mon ami, c’est un bon patron.’”
Le frère Fromont quitte rapidement cette “loge de gauchos”. Il lui préfère Fidélité et Travail, la loge huppée de la ville où se retrouve le gratin des affaires et de la politique. Il ne lambine pas au bas de l’échelle. Il vise les hauts grades et parvient au sommet, le 33e degré. Il entre au Club 50, “la fraternelle des puissants”, une nomenklatura locale qui réunit des dignitaires de la GLNF, de la Grande Loge de France et du Grand-Orient.
Cicéron
Avec les maîtres de la Ville, les relations sont au zénith. Il est membre de l’UMP mais vote Frêche, entraînant derrière lui une bonne partie du patronat. Il apprécie dans l’Imperator l’homme qui bouscule et développe sa ville. Il arrive à Fromont de faire la leçon à Frêche : “Vous vous méfiez de tout le monde. Moi je fais confiance. On ne peut pas vivre dans une société où l’on ne se fait pas confiance.” Le monarque surdiplômé salua cet éclair de sagesse : “Vous raisonnez comme Cicéron.”
Après avoir vendu son entreprise au groupe Vinci, le Parrain ne disparaît pas de la scène publique. Il a sous la main une petite société personnelle, MF Consulting.
Profanes
En 2009, avec son ami le cancérologue Bernard Serrou, l’actif retraité crée une nouvelle instance, le Cercle Mozart. Le but : réunir dans la convivialité les manitous du cru. La structure est hybride : les responsables sont francs-maçons, les adhérents se répartissent moitié-moitié entre initiés et profanes.
Neuf ans plus tard, le 29 octobre 2018, éclate l’affaire Zemmour. Ce soir-là, Michel Fromont et son successeur désigné, Jean-Marc Maillot, ont chaperonné une conférence d’Éric Zemmour. L’intellectuel médiatique de la droite dure, condamné pour “incitation à la haine religieuse”, se montre fidèle à ses hantises : “L’islam, c’est l’islamisme. Entre l’islam et la chrétienté, la lutte est millénaire.”
L’émoi est grand à Fidélité et Travail, la loge de Fromont, et dans les six autres loges montpelliéraines du Grand-Orient. Pour ces francs-maçons, les propos de Zemmour bafouent les valeurs affichées de leur obédience. Ils saisissent la Cour suprême de la justice maçonnique. Un mois plus tard, les juges font connaître leur décision : un jugement de Salomon. D’un côté, les frères Fromont et Maillot sont sanctionnés d’un blâme en raison du “malaise” que leur initiative a causé dans l’opinion locale. De l’autre, le Cercle Mozart est lavé de l’accusation d’avoir encouragé “la haine et la discrimination raciale”.
Michel Fromont, qui avait démissionné, ne fait pas appel. Il ne frappera pas non plus à la porte d’une autre obédience. Après un demi-siècle de franc-maçonnerie, il part, dit-il, “le cœur lourd mais l’esprit léger”.
Pour rappel lisez l’article de Jean-Marc Aubert pour l’actu.fr ci-dessous
Cliquez sur l’image pour vous rendre sur l’article