A partir d’un texte paru dans la revue du Rite maçonnique de Misraïm sur la Tolérance maçonnique du Frère Orateur conférencier en date du 18 novembre 1897, nous avons réinterprété le texte de 1897 en y intégrant des réflexions contemporaines pour chaque partie, afin de démontrer son actualité et sa pertinence dans notre époque.
A cette époque, des voix s’élevaient pour annoncer la décadence de notre institution. Si l’ingratitude de la société moderne ne saurait justifier une telle crainte, le danger à cette époque provenaient non pas d’attaques extérieures, mais de leur propre imprudence. En négligeant la culture spirituelle et intellectuelle qui fonde la Maçonnerie, ils avaient laissé les passions profanes franchir les portes des temples, dévoyant l’idéal d’universelle tolérance.
Une crainte de décadence et ses origines
« La décadence d’une institution commence lorsque ses membres oublient ses principes fondamentaux. »
Texte original :
« Depuis quelque temps, les voix les plus autorisées s’élèvent l’une après l’autre pour annoncer tristement la prochaine décadence de notre institution. […] Ce n’est pas à la méchanceté des hommes, c’est à notre propre imprudence que nous le devons. »
Réflexion contemporaine :
Aujourd’hui, la crainte d’une perte de substance maçonnique reste d’actualité, mais se manifeste différemment. Les défis modernes incluent la dilution des rituels, l’influence croissante des préoccupations profanes, et le manque d’engagement dans l’étude des enseignements ésotériques. Dans une société où tout va vite, la lenteur et la profondeur nécessaires à l’initiation sont parfois négligées. La vigilance est donc essentielle pour préserver l’essence de l’Ordre face aux distractions contemporaines.
La tolérance comme fondement de l’universalité maçonnique
« Le vrai respect de la liberté morale consiste à permettre à chacun d’explorer son propre chemin vers la vérité. »
Albert Schweitzer
Texte original :
« C’est pourtant à un respect absolu de la liberté morale que notre ordre a dû ses plus beaux succès. […] Tous voulaient prendre part à ces travaux de haute philosophie qui devaient assurer un jour l’union des cœurs et des âmes. »
Réflexion contemporaine :
La liberté morale demeure une valeur centrale, mais elle est mise à l’épreuve par des débats sociétaux complexes, où des divergences profondes sur des questions politiques, éthiques ou religieuses peuvent diviser. Dans ce contexte, la Franc-Maçonnerie doit réaffirmer son rôle de sanctuaire où ces différences sont transcendées par l’étude, le respect et l’amour fraternel. Ce rappel de l’universalité maçonnique trouve un écho particulier dans un monde fracturé par les identités et les intérêts partisans.
L’éthique de la lutte et le triomphe du bien
« Ce que nous devons détruire, ce ne sont pas les hommes, mais leurs passions et leurs erreurs. »
Marc Aurèle
Texte original :
« Ce qu’il faut combattre, n’est-il pas vrai, ce ne sont pas des hommes, mais bien des passions dont ces hommes sont esclaves. […] Notre foi dans les destinées de l’humanité est inébranlable. »
Réflexion contemporaine :
Dans un monde polarisé où les attaques personnelles sont fréquentes, ce passage invite à élever le débat. Lutter contre des idées et non contre des individus est une leçon qui résonne fortement aujourd’hui, à l’ère des réseaux sociaux où les échanges manquent souvent de bienveillance. La foi dans le progrès spirituel de l’humanité doit être réaffirmée, en se souvenant que les transformations véritables prennent du temps et nécessitent persévérance et foi.
Les dérives de la tolérance et le relativisme moral
« La tolérance devient un crime lorsqu’elle s’applique au mal. »
Thomas Mann
Texte original :
« La mode est aujourd’hui fort répandue de rester impassible en face des crimes les mieux caractérisés […] mais de tels abus sont de tous les temps. »
Réflexion contemporaine :
Le relativisme moral et l’indifférence face aux injustices sont des défis actuels. La tolérance ne doit pas devenir une excuse pour justifier l’inaction ou le compromis sur les principes fondamentaux. La Franc-Maçonnerie, tout en prônant l’ouverture d’esprit, doit maintenir une éthique claire et un engagement à défendre la justice et la vérité, sans céder à la facilité du consensus vide de sens.
L’importance de la connaissance et de la méthode initiatique
« La méthode, dans la quête de la vérité, est aussi importante que la vérité elle-même. »
René Descartes
Texte original :
« Mais cette curiosité sympathique ne va pas sans une science profonde […] De là ce symbolisme merveilleux qui s’adresse à la fois aux sens, à l’entendement et à l’intelligence. »
Réflexion contemporaine :
Dans un monde saturé d’informations, la quête de connaissance initiatique reste essentielle. La méthode maçonnique, basée sur le symbolisme, l’introspection et l’expérience rituelle, offre une réponse à la superficialité contemporaine. Elle invite à développer une compréhension holistique du monde et de soi-même, reliant le visible à l’invisible, le profane au sacré.
L’orgueil et le dépassement de soi
« L’orgueil est souvent le dernier obstacle sur le chemin de la sagesse. »
Texte original :
« Plus tard, l’âme devenue maîtresse d’elle-même saura bien se débarrasser de cet orgueil désormais inutile et la tolérance trouvera dans le cœur du sage de moins compromettants défenseurs. »
Réflexion contemporaine :
L’orgueil spirituel reste une tentation pour ceux qui progressent sur le chemin initiatique. Cependant, dans un monde où l’égoïsme est amplifié par la culture individualiste, cet appel à l’humilité est une leçon précieuse. La véritable maîtrise n’est pas dans l’affirmation de soi, mais dans la capacité à se mettre au service des autres avec amour et simplicité.
La tolérance comme charité et justice
« La justice est l’amour appliqué à tout ce qui est en dehors de soi. »
Texte original :
« Telle est cette notion de solidarité absolue dont l’esprit de charité et l’esprit de justice découlent logiquement, et qui, bien comprise, fait voir dans l’intolérance une simple absurdité. »
Réflexion contemporaine :
La solidarité maçonnique, fondée sur la charité et la justice, est une réponse aux fractures sociales et aux inégalités de notre époque. La tolérance maçonnique, comprise comme un acte d’amour actif et éclairé, invite à dépasser les préjugés et à œuvrer pour une humanité plus unie et harmonieuse. Cette vision universelle est particulièrement pertinente face aux défis mondiaux actuels.
La synthèse des doctrines et l’universalité maçonnique
« Ce qui divise les hommes est moins profond que ce qui les unit. »
Teilhard de Chardin
Texte original :
« Dans chaque doctrine, il y a un peu de cette science que la Maçonnerie possède en entier et qu’elle saura répandre autour d’elle. »
Réflexion contemporaine :
Dans un monde où les doctrines religieuses et philosophiques semblent parfois irréconciliables, la Franc-Maçonnerie reste un espace unique de synthèse et de dialogue. Elle rappelle que derrière les différences de forme, une vérité universelle relie toutes les traditions, et que cette vérité doit être mise au service du progrès spirituel de l’humanité.
Conclusion : Une tolérance active et éclairée
« L’initié, éclairé par la lumière divine, trouve dans la tolérance le chemin de la fraternité universelle. »
Albert Pike
Texte original :
« Le chemin tracé par la sagesse antique conduit aux plus hautes vérités intelligibles. »
Réflexion contemporaine :
Aujourd’hui, plus que jamais, la Franc-Maçonnerie a un rôle à jouer pour réaffirmer une tolérance active et éclairée. Elle doit encourager chacun à explorer la sagesse ancienne tout en restant ancré dans les réalités contemporaines. La tolérance maçonnique n’est pas une simple acceptation des différences, mais un engagement actif à comprendre, à aimer et à servir l’humanité dans toute sa diversité et sa complexité.
Cette relecture actualisée montre que les idéaux exprimés en 1897 restent des phares pour la Maçonnerie contemporaine, rappelant l’importance de conjuguer tradition et modernité dans une quête constante de vérité, d’harmonie et de lumière.