De notre confrère bdzoom.com Par Philippe Tomblaine
D’où vient la franc-maçonnerie ? Qui en a été à l’initiateur ? Quels sont ses symboles et que représente-t-elle à notre époque ? Pour répondre à ces interrogations, Glénat lance cet automne une ambitieuse série conceptuelle, sous la direction de l’incontournable Didier Convard. Les deux premiers tomes, ancrés comme il se doit entre Histoire, ésotérisme et intrigues romanesques, guident les profanes vers la découverte des origines séculaires de cette institution créée à la toute fin du XVIe siècle.
Le principal objectif humaniste (remettre l’homme au centre de la société) guide de riches intrigues sans négliger les parts d’ombre associées aux francs-maçons : loges énigmatiques, culte du secret, adogmatisme, réseaux d’influences et internationalisme leurs valurent longtemps les foudres de l’Église, et aujourd’hui encore le fait d’être d’une cible toute désignée pour de nombreuses théories du complot… Une série bienvenue et d’ores et déjà indispensable pour comprendre les mythes et réalités de la maçonnerie, des origines à nos jours.
Initialement prévue en avril, cette nouvelle collection Glénat a comme l’on s’en doute été retardée de quelques mois en raison de l’actuelle pandémie. Un mal pour un bien puisque la parution conjointe des deux premiers volumes (« L’Ombre d’Hiram » dessiné par Denis Falque ; « Les Bâtisseurs », dessiné par Olivier Pâques) sera complétée dès le 12 novembre prochain par un tome 3 (« Le Mot du maçon ») concocté par Pierre Boisserie et Vincent Wagner.
Alors que la franc-maçonnerie semble retrouver un regain d’intérêt ses dernières semaines, notamment avec les albums « Grand Orient » (par Jérôme Denis et Alexandre Franc, éd. Soleil, mai 2020) et « La Franc-maçonnerie dévoilée » (par Arnaud De La Croix et Philippe Bercovici, Le Lombard, octobre 2020), Didier Convard s’impose de nouveau comme l’ultime référence en la matière. Du « Triangle secret » (Glénat, à partir d’avril 2000) à « Sept frères » (Delcourt, 2016), en passant par la signature de la préface de titres comme « Fraternités » (Delcourt, 2013), l’homme n’a jamais caché son attachement au sujet. Né à Paris en 1950, Convard publie son premier album en 1972 et collabore au journal Tintin dans les années 1980. Initié par un ancien résistant dans la Grande Loge de France voici trente-cinq ans, le scénariste à succès n’aura ensuite de cesse de mettre en scène des histoires de « fraternités brisées qui cherchent à se retrouver, à se reconstruire soit par le pardon, la mansuétude ou par la punition, la vengeance divine ». Soit, au-delà des fantasmes et des rumeurs complotistes, la simple volonté de montrer l’absence de « barrières entre les différentes appartenances » (Sources : Libération, 2016. Interview de l’auteur par Christophe Forcari).
Telle que la couverture concoctée par Julien Delval pour « L’Ombre d’Hiram » le dévoile, l’intrigue du premier tome se focalise sur le célèbre Temple de Salomon. Selon la Bible hébraïque, ce dernier aurait été érigé sur le mont Moriah (actuel Rocher de la fondation) et détruit en 586 av. J.-C. lors du siège de Jérusalem par l’armée babylonienne de Nabuchodonosor II. Érigé par le fils du roi David avec l’aide d’un sage, un maître en architecture prénommé Hiram (devenu ainsi le légendaire fondateur de l’Ordre), le bâtiment avait pour mission principale d’abriter la célèbre Arche d’alliance, un coffre contenant les Tables de la loi (les « Dix commandements » ou « Décalogue ») jadis données à Moïse par Dieu.
Lors de la destruction du Temple, une pierre comportant trois symboles divins – une étoile, un croissant et une croix… – est brisée en trois parties et devient la source de puissants enjeux… Ayant également disparu des sources connues depuis la destruction du Temple, l’Arche d’alliance reste une énigme pour les archéologues contemporains, Indiana Jones mis à part (voir bien sûr « Les Aventuriers de l’arche perdue », S. Spielberg, 1981).
Pour cet album, Didier Convard retrouve au dessin son complice Denis Falque, rompu à l’exercice commun après avoir enchaîné ces vingt dernières années rien moins que cinq tomes du « Triangle secret » (2000 à 2002, avec Gine), cinq de « Hertz » (2006 à 2015, avec Gine), quatre de « INRI » (2004 à 2007, avec Pierre Wachs), cinq des « Gardiens du sang » (2009 à 2013, avec Jusseaume et Juillard) et six de « Lacrima Christi » entre 2015 et 2020) ! Dans la lignée de l’ensemble de ces titres, le trait de Falque est toujours aussi incisif, dynamique et parfaitement cinématographique, le seul reproche possible étant une trop grande ressemblance des visages.
Pour le tome suivant, « Les Bâtisseurs », les lecteurs se retrouveront à la période médiévale : plus précisément en 1187, peu après la prise de Jérusalem par l’armée du sultan Saladin. Dans la débâcle des Francs et Chrétiens survivants, une veuve s’adresse au tailleur de pierre prénommé Hughes et lui remet une pierre comportant une croix gravée. Ces descendants conserveront cette relique tout en participant à l’érection de grandes cathédrales comme celle de Cologne (représentée en couverture par Julien Delval et dont le chantier débute en 1248) et de l’abbaye de Westminster (XIIIe siècle). Ainsi se développèrent les origines puis la transition – en Angleterre et Écosse – de la franc-maçonnerie opérative vers la franc-maçonnerie spéculative (comprendre « plus théorique »), les Anciens Devoirs (racines des rituels modernes) étant par ailleurs décrits pour la première fois.
Passant du Grand Siècle (avec la série de Jacques Martin « Loïs », entre 2003 et 2015) au Moyen Âge, Olivier Pâques remplit très honnêtement son contrat avec des planches (sic) fluides et fourmillant cependant de détails. Dans le tome 3 (à paraître en novembre), William Schaw, un architecte écossais, assistera impuissant au massacre parisien de la Saint-Barthélémy (24 août 1572) avant de se voir attribuer – par une étrange veuve… – la mission de fédérer à travers l’Europe les maçons de son pays, en les plaçant sous le contrôle du roi. Gageons que ce troisième opus ne déméritera pas aux côtés des deux titres introductifs.
Le tome 4 (« Royal Society », en mars 2021) restera également dans le monde anglo-saxon, sous la houlette de ses architectes, Pierre Boisserie et Pierre Wachs. N’oublions pas les indispensables dossiers pédagogiques (8 pages illustrées) réalisés par Jean-Laurent Turbet et situés en fin de chaque ouvrage. Nul ne devrait donc rendre son tablier avant les voyages qui s’annoncent pour les profanes sous la bannière Glénat : 12 tomes sont en effet prévus. Bref, compagnons bédéphiles, préparez les agapes !
Philippe TOMBLAINE
« L’Épopée de la franc-maçonnerie T1 : L’Ombre d’Hiram » par Denis Falque et Didier Convard
Éditions Glénat (14,50 €) – EAN : 978-2-344-03043-1
« L’Épopée de la franc-maçonnerie T2 : Les Bâtisseurs » par Olivier Pâques, Jean-Christophe Camus et Didier Convard
Éditions Glénat (14,50 €) – EAN : 978-2-344-030615
« L’Épopée de la franc-maçonnerie T3 : Le Mot du maçon » par Vincent Wagner et Pierre Boisserie
Éditions Glénat (14,50 €) – EAN : 978-2-344-030622
… Un vieil article sorti du bois ? A rafraîchir ! Le tome 12 et dernier sort en mars !