mar 05 novembre 2024 - 05:11

Que s’est-il passé en Suisse il y a exactement 90 ans ? 

De notre confrère suisse nashagazeta.ch – Par Nadia Sikorski

Le Musée suisse de la franc-maçonnerie de Berne présente sa première exposition thématique consacrée à la façon dont la population du pays a rejeté l’initiative fasciste. Une histoire très instructive. Le Musée Maçonnique Suisse présente sa première exposition temporaire, consacrée à l’initiative antimaçonnique fasciste et son rejet par le peuple. Une histoire morale.

Les lecteurs de Notre Journal n’ont pas besoin d’être informés des liens de Benito Mussolini avec la Suisse, jusqu’à l’obtention, en 1937, d’un doctorat honorifique de l’Université de Lausanne. Et si quelqu’un n’est pas au courant, une sélection de nos documents d’archives est à son service.

Beaucoup moins connu est Arthur Fognallaz, fils de riches vignerons lausannois, qui a débuté avec succès sa carrière dans l’armée suisse. (Cependant, même le grade de colonel ne permet pas de le considérer comme un véritable homme.) Outre l’armée, il s’intéressait passionnément à la politique et, en 1932, il se rendit en Italie avec un groupe de camarades pour rencontrer Mussolini, dont fan passionné qu’il devient immédiatement.

Il n’est donc pas surprenant que ce soit à Rome, en 1933, qu’Arthur Fognallaz, avec le soutien du Duce, fonde la Fédération fasciste suisse. Certes, ses opinions politiques lui ont coûté un bon travail : après avoir commencé à enseigner l’histoire militaire à l’École polytechnique de Zurich un an plus tôt, il a perdu ce poste lorsque l’administration universitaire a appris sa participation active aux activités du Front national, financé par le ministère du Reich. de la Propagande. Ce parti d’extrême droite fut interdit par le Conseil fédéral en 1943, mais cela, comme on dit, était encore à venir.

Voici à quoi ressemble l’affiche de l’exposition au Musée de la Franc-Maçonnerie de Berne

En février 1934, au congrès fasciste de Berne, Fonyallaz proposa une initiative fédérale dont le but était d’introduire dans la Constitution un article qui interdirait en Suisse « les sociétés maçonniques, les loges maçonniques, la société philanthropique « Union » et connexes ou associations similaires. C’est une analogie exacte avec l’Italie fasciste, qui a interdit les francs-maçons afin d’obtenir le soutien de l’Église catholique. Parallèlement, Action Helvétique, un « groupe anti-occulte », est créé, fédérant les mouvements d’extrême droite pour organiser une campagne de signatures. Son quartier général était situé à Lutry, au lieu d’immatriculation de l’ancien colonel de l’époque.

L’histoire de cette initiative, qui fit alors grand bruit, fait l’objet d’une petite exposition, qui peut être visitée uniquement sur rendez-vous dans un bâtiment moderne de la périphérie de Berne, rue Jupiter. C’était là, sur une superficie de seulement 300 mètres carrés. mètres, est le Musée suisse de la franc-maçonnerie et le siège d’une organisation qui reste entourée de secret, malgré les tentatives de certains de la forcer à la transparence.

Affiches de propagande, documents de la Grande Loge Suisse d’Alpina , ses rapports et débats internes sur la stratégie à suivre, les positions prises par le Conseil fédéral et reproductions d’articles de la presse de l’époque composent une exposition qui nous plonge dans un un climat politique qui peut paraître lointain mais qui porte en réalité des échos aux événements politiques contemporains. Dominique FREYMOND, commissaire de l’exposition et membre de la Grande Loge alpine, principale organisation maçonnique faîtière de 85 loges à travers le pays, cite l’exemple d’affiches frontistes représentant un Helvète en sandales écartant un franc-maçon cagoulé sous le slogan « contre la tyrannie ». “, et l’affiche qui lui a servi de réponse Le Comité du Non, où une botte marron renverse une statue de Guillaume Tell. (Nous avons eu récemment des raisons de parler de l’évaluation ambiguë du principal héros national de la Suisse ).

Affiche du Front National : « Fils de Tell ! S’élever contre la tyrannie maçonnique : oui.” Auteur – Noël Fontane

Quoi qu’il en soit, la campagne s’avère efficace et déjà le 31 octobre 1934, Arthur Fognallaz, avec le soutien de Benito Mussolini, présente une initiative visant à interdire la franc-maçonnerie, soumettant son texte à la Chancellerie fédérale, qui recueille 57 238 signatures. Dominique FREYMOND estime que la collecte de signatures a été entachée de faux (plus d’un millier), notamment de femmes signant au nom de leur mari faute de droit de vote. Mais cela ne change rien au tableau d’ensemble.

Qu’est-ce qui n’a pas plu aux maçons ? Les documents de propagande du Front national recensent 12 critiques à leur encontre. Ils répètent des clichés antisémites et antiinternationalistes qui étaient en vogue à l’époque, notamment dans les milieux catholiques et parmi les conservateurs en général, et qui, hélas, ne peuvent encore être qualifiés ni de relique du passé ni de vieille chose bien oubliée. . Qualifiés de « juifs artificiels » (« francs-maçons juifs » selon nous) et de « bolcheviks déguisés », les francs-maçons étaient accusés d’avoir créé une secte secrète et mondialisée cherchant à s’emparer du pouvoir. Ils auraient menacé les idéaux patriotiques incarnés dans le Pacte de 1291, qui est devenu la base de la Confédération suisse.

La réponse des sociétés contre lesquelles étaient dirigées les accusations du Front national fut de s’unir en un Comité « enregistré » à Bâle et de récolter un demi-million de francs pour une campagne sous le nom court de « Non ». Le comité défendait les valeurs démocratiques inscrites dans la Constitution libérale de 1848. D’ailleurs, selon le Musée de Berne, le premier président de la Confédération, Jonas Furrer, était franc-maçon. Il convient de noter que, bien que les loges maçonniques se soient déclarées apolitiques, elles étaient souvent, surtout au XIXe siècle, proches du mouvement radical et de modernisation de l’État – on ne peut pas se cacher de la politique, même si l’on est franc-maçon.

Comment ça s’est terminé ? En fait, l’effondrement de l’initiative fasciste. A l’Assemblée fédérale, seuls deux membres du Conseil national de Zurich ont voté pour : Robert Tobler, frontiste, et, imaginez, Gottlieb Duttweiler, fondateur de l’Alliance des indépendants et du réseau Migros. Le Conseil fédéral a pour sa part recommandé que l’initiative soit rejetée sans contre-projet au motif que « rien ne prouve que la franc-maçonnerie et les sociétés […] soient illégales, dangereuses pour l’État ou contraires aux bonnes mœurs. En tout état de cause, les nombreux documents que nous avons pu obtenir ne nous ont pas apporté de preuve positive du contraire. Les auteurs de l’initiative ne les ont pas non plus fournis.»

Autrement dit, le gouvernement, pourrait-on dire, a soutenu les maçons. Les gens l’ont également soutenu. Lors d’un référendum le 28 novembre 1937, l’initiative fut rejetée par 68,7 % des votants : 515 327 voix contre et 234 980 voix pour, avec un taux de participation de 64,5 %. Seul le canton de Fribourg a voté pour. Il serait intéressant de comprendre pourquoi ?

Arthur Fognallaz décide de ne pas abandonner et crée immédiatement la Ligue anti-maçonnique suisse. Mais cela ne dure pas longtemps : en janvier 1940, Fonyallaz est arrêté au poste frontière de Schaffhouse alors qu’il tentait de pénétrer dans l’Allemagne nazie – il se dirigeait vers le sien. À l’issue du procès qui a suivi son arrestation, il a été reconnu coupable d’espionnage au profit de l’Allemagne et a passé deux ans en prison, après quoi il est décédé alors qu’il était déjà libre. À quel point les peines pour espionnage étaient-elles frivoles à l’époque, n’est-ce pas ?

Il semblerait que la victoire soit du côté des francs-maçons. Cependant, ils ont été tellement choqués par le fait même de ce premier et unique vote populaire au monde (!) en faveur de leur interdiction qu’ils ont décidé de reconsidérer radicalement leur propre stratégie.

Les “Frères” de la Grande Loge Suisse d’Alpina ont compris que l’affrontement fondé sur les valeurs, dans lequel les fascistes essayaient de les entraîner, leur était désavantageux. Ils ont donc décidé de se concentrer sur la protection du droit d’association –

une liberté fondamentale que ni la droite ni la gauche ne peuvent remettre en cause. « Le changement dans le discours maçonnique reflète la prise de conscience que la promotion de leurs idées humanistes et universalistes pourrait avoir un impact négatif sur la campagne. Renoncer à ce territoire est un choix stratégique qui s’explique par un contexte politique défavorable », cite Le Temps Antoine Legillon, auteur d’un mémoire de maîtrise en histoire économique internationale à l’Université de Genève sur l’idéologie fasciste en Suisse. Selon le chercheur, le contexte idéologique de l’époque était “largement défavorable aux valeurs maçonniques énoncées ou attribuées – libéralisme, attachement à la démocratie et universalisme”. C’est dans de telles conditions, rappelons-le, que Benito Mussolini s’est vu décerner le titre de docteur honoris causa de l’Université de Lausanne, dont il n’est toujours pas privé !

Et il est difficile de parler de l’échec complet de cette initiative honteuse si l’on sait qu’en 1935 il y avait environ 5 000 francs-maçons en Suisse, et qu’en 1945 il n’y en avait que la moitié.

Sur le socle du monument à Guillaume Tell, qui repousse la botte des frontistes, figure une inscription en romanche : « Gardons intacts les droits fondamentaux de la démocratie. Non à l’initiative du Front.» Auteur – Hugo Laubi  

Aujourd’hui, le pays a presque retrouvé son chiffre d’avant-guerre : on compte environ 4 600 francs-maçons, dont plusieurs loges féminines ou mixtes. Mais! Quatre-vingt-dix ans plus tard, malgré l’abondance de la littérature sur le sujet et les efforts déployés par les francs-maçons pour diffuser l’information, notamment à travers le musée de Berne, “les mêmes fantasmes” circulent encore sur leurs activités, constate Dominique FREYMOND. Le climat s’est dégradé ces dernières années, notamment depuis l’épidémie de Covid et le retour de toutes sortes de théories complotistes propagées par les anti-vaccins et l’extrême droite.

 Il ne faut pas chercher bien loin des exemples, rappelle notre collègue suisse Frédéric Koller. À la mi-septembre dernier, à Genève, une conférence sur la franc-maçonnerie organisée par une association catholique traditionaliste et présidée par l’ancien homme politique de l’UDC Eric Bertin a été annulée à la dernière minute. Le propriétaire du lieu de la conférence, le Centre Social Protestant, a découvert que l’orateur, qui se décrit comme un ancien franc-maçon, affirmait avoir « servi Lucifer sans le savoir ». Il était hors de question d’être associé à un tel événement. Eric Bertina, cité par la Tribune de Genève, a condamné cette “manœuvre insidieuse”, expliquant que “la franc-maçonnerie a toujours été l’ennemie de l’Église catholique”. A noter que ces dernières années, le NPS du canton du Valais s’est chargé de faire de la publicité auprès des francs-maçons, après avoir reçu, en 2016, le soutien du parlement cantonal. Cependant, les propositions des autorités visant à créer un cadre juridique pour une telle « exposition » n’ont pas encore été formulées.

Dominique FREYMOND déplore le débat politique de plus en plus polarisé et l’affaiblissement des valeurs démocratiques dans la société, et établit des parallèles entre les événements d’il y a quatre-vingt-dix ans et ceux d’aujourd’hui. « En 1937, 234 980 citoyens ont voté pour une initiative ouvertement fasciste. Combien y en aurait-il aujourd’hui ? D’accord, cela mérite réflexion. La visite du musée vous aidera dans votre réflexion , dont une exposition temporaire sera ouverte le samedi jusqu’à fin décembre.

3 Commentaires

  1. Ou cet article a été écrit par une main aventureuse qui n’a pas pris le temps de se relire ou elle est le produit navrant de la traduction automatique ou de l’IA.
    S’en suit une succession de phrases douteuses ou approximatives comme celle-ci:
    “À quel point les peines pour espionnage étaient-elles frivoles à l’époque, n’est-ce pas ?”
    Depuis quelque temps, j’ai constaté que ce phénomène se multipliait rendant certains articles difficilement compréhensibles voire comiques à l’insu de leurs auteurs.

  2. L’article est intéressant. Toutefois, essayez d’écrire correctement les noms! Vous l’avez sur l’affiche : FONJALLAZ et non toutes les variantes écrites. De même pour d’autres noms souvent estropiés.

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Charles-Albert Delatour
Charles-Albert Delatour
Ancien consultant dans le domaine de la santé, Charles-Albert Delatour, reconnu pour sa bienveillance et son dévouement envers les autres, exerce aujourd’hui en tant que cadre de santé au sein d'un grand hôpital régional. Passionné par l'histoire des organisations secrètes, il est juriste de formation et titulaire d’un Master en droit de l'Université de Bordeaux. Il a été initié dans une grande obédience il y a plus de trente ans et maçonne aujourd'hui au Rite Français philosophique, dernier Rite Français né au Grand Orient de France.

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