mer 23 octobre 2024 - 17:10

Les adieux de Burns aux francs-maçons

De notre confrère universalfreemasonry.org – Par Rob Morris

Robert Burns était-il le barde de la franc-maçonnerie ?

C’est dans la dernière partie de la sombre année 1786 que Robert Burns, le poète et le franc-maçon, rassembla ses pensées. Il n’avait pas grand-chose d’autre à rassembler, en prévision de son départ définitif de l’Écosse. Pour toujours ! Terrible mot pour l’expatrié, terrible pour le pauvre exilé qui se tourne vers son pays comme les Juifs se tournaient trois fois par jour pour prier, le visage tourné vers Jérusalem.

C’était terrible au plus haut point pour un homme comme Burns, qui, au plus haut patriotisme, ajoutait le plus vif goût pour les joies du foyer et les plaisirs en société. La déception avait laissé sa marque sur Robert Burns. L’indulgence envers les passions qui faisaient rage en lui comme les feux refoulés font rage sous le cratère scellé du volcan, avait entraîné pour lui ses conséquences légitimes : les réprimandes de conscience, la perte de l’amitié et, pire que tout, la perte du respect de soi.

Les contraintes de la Franc-Maçonnerie avaient été négligées, tandis que ses joies sociales étaient savourées avec ardeur ; en d’autres termes, nos principes avaient été fidèlement soutenus, tandis que nos vertus cardinales avaient été négligées. L’usage du Compas n’avait jamais été une bénédiction pour lui. Le génie subtil, les dons inégalés qui ont permis à Robert Burns de concevoir et d’exécuter The Cotter’s Saturday Night, ne pouvaient le confiner dans les voies ordinaires de la prudence, et même alors, il était un homme condamné.  

Il avait accumulé de lourdes dettes, telles que dans ce pays aride et peu entreprenant, il n’avait guère de chances de pouvoir les annuler. Il avait été sommé de trouver des garanties pour l’entretien de deux enfants, dont il lui était interdit de légitimer par un mariage légal. Comme il dédaignait de demander ou essayait en vain de trouver une aide pécuniaire en cette heure de besoin, il n’avait d’autre choix que la prison écossaise ou la fuite hors d’Écosse. Il avait choisi la deuxième solution. Après bien des ennuis, un de ses rares amis lui avait trouvé un poste d’assistant surveillant dans un domaine de la Jamaïque. Dans son propre langage amer :

Il vit le froid du nord-ouest du malheur,  Lang, rassembler un vent amer ;  un coup de couteau brisa enfin son cœur  . Qu’elle soit malheureuse !  Ainsi, il prit naissance devant le mâtd’une mer agitée.

Il avait dit adieu à tous ses amis, ils n’étaient pas nombreux, et aux scènes très nombreuses et très chères à leur cœur de poète. Il le fit en se cachant d’un endroit à l’autre sous toutes les terreurs d’une prison écossaise. Son coffre était sur la route de Greenock. Il avait composé la dernière chanson qu’il devait jamais jouer en Calédonie. Elle est chargée de pensées et de paroles solennelles, comme le lecteur le verra :  

La nuit sombre s’installe rapidement,  Le vent sauvage et inconstant rugit bruyamment,  Toi, nuage trouble, tu es souillé par la pluie,Je le vois se propager sur la plaine ;  Le chasseur a maintenant quitté la lande,  Les volées dispersées se rencontrent en sécurité,  Tandis qu’ici j’erre, vigilant avec précaution,  Le long des rives solitaires de l’Ayr.  

L’automne pleure son blé mûr,  déchiré par les ravages du début de l’hiver ;  à travers son ciel azur placide,  elle voit voler la tempête menaçante :  mon sang est glacé de l’entendre délirer,  je pense sur la vague orageuse,  où je dois affronter bien des dangers,  loin des belles rives d’Ayr.  

Ce n’est pas le rugissement des vagues déferlantes,  ce n’est pas ce rivage mortel et fatal ;  bien que la mort apparaisse sous toutes ses formes,  les misérables n’ont plus rien à craindre :  mais autour de mon cœur sont liés des liens,  ce cœur transpercé de bien des blessures ;  ceux-ci saignent à nouveau, ces liens que je déchire,  pour quitter les belles rives d’Ayr.  

Adieu les collines et les vallées de la vieille Coila,  ses landes bruyères et ses vallées sinueuses,  le lieu où vagabonde une imagination misérable,  poursuivant les amours passées et malheureuses !  Adieu mes amis, adieu mes ennemis,  ma paix avec ceux-ci, mon amour avec ceux-là ;  les larmes éclatantes que déclare mon cœur ;  adieu les belles rives d’Ayr.

Or, tous les autres sujets dont il se souvient ayant été marqués par les larmes du poète, le poète lui-même étant en route vers le port de Greenock pour rejoindre le navire qui devait être témoin de son dernier regard sur sa terre natale, son cœur se tourna amoureusement, mais involontairement, vers la franc-maçonnerie, car Robert Burns était un franc-maçon, préparé d’abord dans son cœur. Dans aucun des vastes folios, où se trouve le vaste catalogue de nos frères, anciens ou modernes, n’y a-t-il un personnage plus véritablement façonné par l’habileté maçonnique que le sien ? Nulle part, dans le langage expressif des Anciennes Constitutions, personne n’aurait « apporté du secours aux affligés, partagé le pain avec les pauvres travailleurs et mis le voyageur égaré sur la bonne voie » plus joyeusement que Burns.  

Il a très bien compris :

que quiconque, par amour de la connaissance, par intérêt ou par curiosité, désire être franc-maçon, doit savoir que, comme fondement et grande pierre angulaire, il doit croire fermement au Dieu éternel et rendre le culte qui lui est dû en tant que grand architecte et gouverneur de l’univers.

Robert Burns se conduisit donc en conséquence. Les livres des Loges d’Ecosse contiennent de nombreux documents qui mettent en valeur ses vertus maçonniques, et dans la Loge supérieure, la Grande Loge du Ciel, nous avons des raisons d’espérer que les livres du Grand Secrétaire portent également son nom. Personne ne déplore plus que ses frères les faiblesses de son caractère, mais quels que soient le nombre et l’étendue de ces défauts, ses frères protestent au nom de leur commune humanité contre les jugements inhumains qui ont été prononcés contre lui.

Si la dignité royale, la partialité divine, la sagesse illimitée de Salomon, premier grand maître de la maçonnerie spéculative, n’ont pu préserver ce prince de la paix des erreurs des passions, qui osera juger trop cruellement le fils d’un fermier de l’Ayrshire, élevé dans la misère et privé des plus ordinaires détentes de son âge ? « Que celui qui croit être debout prenne garde de tomber. »  

Le cœur du frère Burns se tourna alors vers la franc-maçonnerie. Les heures heureuses, les amis honnêtes, les leçons instructives, les désirs élevés ! Que le frère qui lit ce croquis s’efforce de se mettre à la place du pauvre exilé, expatrié de lui-même et presque sans amis, et il comprendra l’acuité de ses angoisses ! Il lui revint alors une vision de sa dernière nuit maçonnique.

La présence du Grand Maître et de son noble adjoint, d’un groupe de gentilshommes courageux, les plus éminents de tout le pays, et lui-même avec le premier parmi les égaux de ceux qui « se rencontrent sur le niveau » pour « se séparer sur la place » – voilà le signal – c’était suffisant – assis au bord de la route, il griffonna au dos d’une vieille lettre ses adieux maçonniques. Combien de souvenirs de Grandes Loges et de Loges Subordonnées et de réunions sociales entre Francs-Maçons sont attachés à ces lignes bien connues :  

Adieu ! un adieu chaleureux et affectueux !  Chers frères du lien mystique !  Vous, favorisés, vous, quelques-uns des éclairés,  compagnons de ma joie sociale !  Même si je dois me rendre dans des pays étrangers  à la poursuite du sillage glissant de la fortune,  avec un cœur fondant et des yeux pleins de larmes,  je penserai toujours à vous, même si je suis loin.  

Souvent j’ai rencontré votre bande sociale  Et passé la joyeuse nuit de fête;  Souvent honoré d’un commandement suprême  Présidant sur les fils de lumière;  Et par ce hiéroglyphe brillant,  Que seuls les artisans ont jamais vu!  Un fort souvenir dans mon cœur écrira.  Ces scènes heureuses bien que lointaines!  

Que la liberté, l’harmonie et l’amour  vous unissent dans le grand dessein  sous l’œil omniscient  du divin architecte !  Que vous puissiez maintenir la ligne infaillible  Toujours en s’élevant selon la loi du plomb  Jusqu’à ce que l’ordre brille complètement –  sera ma prière lorsque je serai au loin.  

Et vous, adieu ! dont les mérites méritent  à juste titre de porter le plus haut insigne !  Que le ciel bénisse votre nom honoré et noble,  cher à la Franc-maçonnerie et à l’Écosse !  Permettez-moi ici une dernière requête,  lorsque chaque année vous vous réunissez tous,  en rond, je la demande avec une larme,  à lui, le barde, qui est au loin !  

Il plut à Dieu, dans cette crise, de changer la destinée de Robert Burns et d’épargner à l’Écosse et au monde ce cœur affectueux. Par une suite de circonstances presque miraculeuses, certainement sans précédent, il fut porté de manière inattendue à l’attention des cercles littéraires d’Édimbourg, alors comme aujourd’hui les plus classiques et les plus critiques du monde, et de l’avis général, la société le plaça au premier rang des poètes de son pays.

La renommée et le profit coulaient alors chaque soir vers lui. Sa plume était constamment sollicitée, sa compagnie recherchée partout et ses talents étaient appréciés à leur juste valeur. L’Ordre maçonnique ajoutait son jugement à celui d’une nation qui l’approuvait. Le Très Vénérable Grand Maître Charters, accompagné de tous les membres de la Grande Loge d’Écosse, visitant une Loge dans laquelle Burns se trouvait par hasard, porta gracieusement un toast : « Calédonie et le barde de Calédonie, frère Burns ! » Ce toast retentit dans toute l’assemblée avec des honneurs multipliés et des acclamations répétées.  

Mais il est parti. Le 21 juillet 1796, Robert Burns mourut. Plus de dix mille personnes accompagnèrent sa dépouille jusqu’à la tombe, où un spectateur observa :

C’était un spectacle impressionnant et lugubre, de voir des hommes de tous rangs, de toutes convictions et de toutes opinions, se mêler comme des frères et marcher côte à côte dans les rues de Dumfries, avec les restes de celui qui avait chanté leurs amours, leurs joies et leurs affections domestiques, avec une vérité et une tendresse que personne n’a peut-être égalées depuis.

Il est parti, et ici, dans un pays lointain, un humble admirateur de son génie, adresse à sa mémoire les lignes suivantes :  

LES MAÇONS AMÉRICAINS À ROBERT BURNS

Et toi, très doux barde, quand nous enchâsserons nos pierres précieuses,  toi le joyau le plus brillant, le plus précieux, tu brilleras,  tu brilleras de l’est jusqu’au lointain ouest,  tandis que le matin nous appellera ou que le soir se reposera.

Le soleil se lève sur les collines lointaines de Scotia,  la journée de travail commence, le veut le Grand Maître,  mais les lumières des Loges brillent encore de gaieté,  loin à l’ouest où nous, les francs-maçons, nous sommes rencontrés.  

Il y a des chansons pour les mélodieux, des paroles gentilles pour les aimables,  il y a de la joie pour les sociables et de la lumière pour les aveugles :  mais quand nous nous soulevons, prépare-nous à partir,  d’un seul cœur et d’un seul sentiment, nous chanterons ton adieu.  

Un adieu émouvant, aux favorisés et aux brillants,  Une pensée douloureuse, pour le soleil couché dans la nuit,  Une tournée au barde sur qui les malheurs sont arrivés, Une prière pour que ton esprit puisse demeurer avec les francs-maçons.  

Quand la liberté et l’harmonie béniront notre dessein,  nous penserons à toi, frère, qui aimais chaque ligne :  et quand des nuages ​​sombres entoureront notre temple,  ton cœur courageux nous encouragera là où les vertus ont été trouvées.  

Au-delà du vaste océan, deux mains s’uniront,  Colombie, Écosse, le symbole est lumineux !  Le monde, une seule Grande Loge, et le ciel au-dessus.  Seront témoins du triomphe de la Foi, de l’Espérance et de l’Amour,  

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Erwan Le Bihan
Erwan Le Bihan
Né à Quimper, Erwan Le Bihan, louveteau, a reçu la lumière à l’âge de 18 ans. Il maçonne au Rite Français selon le Régulateur du Maçon « 1801 ». Féru d’histoire, il s’intéresse notamment à l’étude des symboles et des rituels maçonniques.

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