De notre confrère decoder-eglises-chateaux.fr
Chaussez vos bottes de sept lieues. Je vous emmène à la découverte d’une dizaine de châteaux peu connus. Leur architecture bizarre, leur audacieux site d’implantation ou leur histoire orageuse les rendent uniques.
Au programme, vous rencontrerez des forteresses semi-troglodytes, intégrées dans la roche, des ruines nichées au cœur d’une nature luxuriante, en passant par des points fortifiés suspendus à flanc de falaise. Peut-être ajouterez-vous quelques destinations à votre liste de visites futures.
Le château de Fleckenstein (Bas-Rhin)
À la limite de la frontière allemande, ce château édifié au XIIe siècle par les empereurs Hohenstaufen domine la forêt vosgienne. Sa particularité est d’être semi-troglodyte : il est aménagé en partie dans une barre rocheuse. Une garantie de solidité inébranlable.
Le château de Lastours (Aude)
Dans ce département, les touristes se précipitent à Carcassonne pour voir la puissante cité fortifiée. Mais poussez 18 km plein nord et vous tomberez sur ces 4 châteaux qui n’en forment en réalité qu’un. Au milieu du XIIIe siècle, saint Louis fait construire cet ensemble fortifié sur ce site qui fut un haut lieu du catharisme, et un foyer de rébellion à son autorité. Par là même, le roi contrôle une voie de communication importante et les mines de fer à proximité.
Les tours de Merle (Corrèze)
Il est surprenant de découvrir ces ruines fortifiées au milieu de la nature. Ce site du Limousin est densément fortifié, moins à cause de son importance stratégique que son mode de gestion. Plusieurs seigneurs codirigeaient le territoire, chacun disposant de son logis ou de sa tour.
Les châteaux de l’Ortembourg et de Ramstein (Bas-Rhin)
Ces deux châteaux alsaciens voisinent à un jet d’arbalète, mais, à la différence de Lastours ou de Merle, se menaçaient l’un l’autre. Pendant longtemps, les historiens pensaient Ramstein comme un contre-château : dans sa volonté de prendre le château de l’Ortembourg, Otto IV d’Ochsenstein auraient construit en 1293 un château en contrebas, Ramstein. Aujourd’hui ces circonstances sont moins assurées, mais il n’empêche que les deux châteaux étaient bien hostiles. Étant donné leur proximité, j’imagine les garnisons s’échanger oralement quelques amabilités.
Les châteaux de Bruniquel (Tarn-et-Garonne)
Là encore deux châteaux se font face, non plus à un jet d’arbalète, mais à un jet de postillons : le « château vieux » du XIIIe siècle et le « château neuf » de la fin du XVe siècle. Deux cousins ennemis se partageaient la vicomté de Bruniquel et donc les châteaux. Rivalité qu’exacerbèrent les guerres de religion, l’un des vicomtes étant protestant, l’autre catholique. Mais en 1780, le maître du château vieux rachète le château neuf, éteignant définitivement les tensions. Le lieu est aujourd’hui connu pour avoir servi de décor au Le Vieux Fusil , film de Robert Enrico, avec Philippe Noiret et Romy Schneider.
Le château de Brézé (Maine-et-Loire)
Vous avez sûrement déjà fait quelques châteaux de la Loire. Allez, je vous en ajoute un sur la liste de vos futures visites. Nicolas Faucherre, castellologue, le surnomme « le château fort invisible ». Car sous le château Renaissance, se cache une forteresse souterraine du XIIe siècle creusée dans le tuffeau. Au total 4 km de galeries. Elles servaient à la défense et à accueillir la population en cas de siège. Plus tard, on aménagea d’autres pièces souterraines dont une salle des pressoirs et une boulangerie équipée de deux fours à pain. Au moins le boulanger travaillait au frais.
Le château de Fère-en-Tardenois (Aisne)
À l’origine, ce château était une forteresse sur motte. La Renaissance le transforma : Anne de Montmorency, connétable de France (oui, c’est un homme malgré son prénom), recouvrit la motte d’une maçonnerie puis jeta un pont couvert pour y accéder. Une sorte de Chenonceaux, mais sans le Cher.
Le château de La Ferté-Milon (Aisne)
C’est un rêve inachevé. Louis d’Orléans, frère du roi Charles VI, fait raser l’ancien château pour construire une demeure de plaisance. Son assassinat en 1407 arrête soudainement le projet. Les bâtisseurs n’ont eu le temps que de construire la façade. Le visiteur a l’impression d’être face à un décor de théâtre. Un décor long de 102 m tout de même.
Le donjon de Septmonts (Aisne)
Vous allez croire cet article sponsorisé par le département de l’Aisne. Car voici encore un troisième château du même secteur que les deux précédents. Avec ses cylindres emboîtés, la forme de ce donjon — XIVe siècle — m’a toujours intrigué. Il appartenait à un château, résidence des évêques de Soissons. Comme quoi, même un homme d’Église pouvait s’inquiéter pour sa défense.
Les châteaux de falaise
« Parents pauvres de l’architecture défensive médiévale », ces châteaux insolites passent inaperçus. Et pourtant on en compte par centaines en France selon l’archéologue Florence Guillot. De préférence dans les montagnes calcaires où se forment facilement des grottes, des vires (paliers) et des porches. Leur position perchée, à flanc de falaise, permettait de surveiller les environs et les rendait difficilement accessibles. La maîtrise de l’escalade est aujourd’hui nécessaire pour les approcher. Autrefois, on utilisait sûrement des échelles et des planchers suspendus de bois. Voici quelques exemples : la Roque d’Autoire (Lot), le château-grotte de Gars (Alpes-Maritimes) ou la Roque de Brengues (Lot).
Le château d’Hesdin (Pas-de-Calais)
À côté du château, les comtes d’Artois puis les ducs de Bourgogne développent un parc qui fut sans doute le premier « parc d’attractions conçu pour amuser et surprendre en même temps que pour plaire à ceux qui recherchaient l’agrément d’une nature domestiquée par l’homme » selon Danielle Queruel, professeure de littérature médiévale
On y venait pour chasser. Mais à l’intérieur de la forêt, se trouvait un zoo dont la composition variait selon les époques : au temps du duc de Bourgogne Philippe le Hardi, les sources mentionnent un chameau et un buffle. Quelques décennies auparavant, on cite des animaux locaux : un castor, un ours, un loup et un chat sauvage.
Le visiteur pouvait aussi se perdre dans la « maison Dédalus », un labyrinthe dont les vignes composaient les allées.
Le plus étonnant était les automates de bois et métal que le personnel animait à l’aide de cordages et de rouages. Certains faisaient jaillir de l’eau.
Malheureusement, il ne reste rien de ça. Seuls les textes nous révèlent l’existence de « parc d’attractions » pour nobles.
L’AUTEUR : Laurent Ridel
Ancien guide et historien, il vous aide à travers son blog à décoder les églises, les châteaux forts et le Moyen Âge.
Sa recette : de la pédagogie, beaucoup d’illustrations et un brin d’humour.