mar 03 décembre 2024 - 18:12

Châteaux forts insolites en France (Par Laurent Ridel)

De notre confrère decoder-eglises-chateaux.fr

Chaussez vos bottes de sept lieues. Je vous emmène à la découverte d’une dizaine de châteaux peu connus. Leur architecture bizarre, leur audacieux site d’implantation ou leur histoire orageuse les rendent uniques.

Au programme, vous rencontrerez des forteresses semi-troglodytes, intégrées dans la roche, des ruines nichées au cœur d’une nature luxuriante, en passant par des points fortifiés suspendus à flanc de falaise. Peut-être ajouterez-vous quelques destinations à votre liste de visites futures.

Le château de Fleckenstein (Bas-Rhin)

Château de Fleckenstein, vu du Hohenburg
Dokape/Wikimedia Commons

À la limite de la frontière allemande, ce château édifié au XIIe siècle par les empereurs Hohenstaufen domine la forêt vosgienne. Sa particularité est d’être semi-troglodyte : il est aménagé en partie dans une barre rocheuse. Une garantie de solidité inébranlable.

Château du Fleckenstein (Bas-Rhin). Accès au petit rocher.
A Fleckenstein, tenez-vous aux barres ! Quoique, elles ne sont pas très rassurantes (Ji-Elle/Wikimedia Commons).

Le château de Lastours (Aude)

Château de Lastours
Sébastien Loubet/Flickr.com

Dans ce département, les touristes se précipitent à Carcassonne pour voir la puissante cité fortifiée. Mais poussez 18 km plein nord et vous tomberez sur ces 4 châteaux qui n’en forment en réalité qu’un. Au milieu du XIIIe siècle, saint Louis fait construire cet ensemble fortifié sur ce site qui fut un haut lieu du catharisme, et un foyer de rébellion à son autorité. Par là même, le roi contrôle une voie de communication importante et les mines de fer à proximité.

Les tours de Merle (Corrèze)

Les tours de Merle
StefanLD/Wikimedia Commons

Il est surprenant de découvrir ces ruines fortifiées au milieu de la nature. Ce site du Limousin est densément fortifié, moins à cause de son importance stratégique que son mode de gestion. Plusieurs seigneurs codirigeaient le territoire, chacun disposant de son logis ou de sa tour.

Les châteaux de l’Ortembourg et de Ramstein (Bas-Rhin)

Le château de l'Ortenbourg au premier plan et celui de Ramstein en contrebas.
Le château de l’Ortenbourg au premier plan et celui de Ramstein en contrebas (Remi Simonnin/Wikimedia Commons)

Ces deux châteaux alsaciens voisinent à un jet d’arbalète, mais, à la différence de Lastours ou de Merle, se menaçaient l’un l’autre. Pendant longtemps, les historiens pensaient Ramstein comme un contre-château : dans sa volonté de prendre le château de l’Ortembourg, Otto IV d’Ochsenstein auraient construit en 1293 un château en contrebas, Ramstein. Aujourd’hui ces circonstances sont moins assurées, mais il n’empêche que les deux châteaux étaient bien hostiles. Étant donné leur proximité, j’imagine les garnisons s’échanger oralement quelques amabilités.

Les châteaux de Bruniquel (Tarn-et-Garonne)

Les châteaux de Bruniquel
Thérèse Gaigé/Wikimedia commons

Là encore deux châteaux se font face, non plus à un jet d’arbalète, mais à un jet de postillons : le « château vieux » du XIIIe siècle et le « château neuf » de la fin du XVe siècle. Deux cousins ennemis se partageaient la vicomté de Bruniquel et donc les châteaux. Rivalité qu’exacerbèrent les guerres de religion, l’un des vicomtes étant protestant, l’autre catholique. Mais en 1780, le maître du château vieux rachète le château neuf, éteignant définitivement les tensions. Le lieu est aujourd’hui connu pour avoir servi de décor au Le Vieux Fusil , film de Robert Enrico, avec Philippe Noiret et Romy Schneider.

Le château de Brézé (Maine-et-Loire)

Château de Brézé
Manfred Heyde/Wikimedia Commons

Vous avez sûrement déjà fait quelques châteaux de la Loire. Allez, je vous en ajoute un sur la liste de vos futures visites. Nicolas Faucherre, castellologue, le surnomme « le château fort invisible ». Car sous le château Renaissance, se cache une forteresse souterraine du XIIe siècle creusée dans le tuffeau. Au total 4 km de galeries. Elles servaient à la défense et à accueillir la population en cas de siège. Plus tard, on aménagea d’autres pièces souterraines dont une salle des pressoirs et une boulangerie équipée de deux fours à pain. Au moins le boulanger travaillait au frais.

Château de Brézé (Maine-et-Loire, France) : galerie souterraine
Galerie souterraine du château de Brézé (Marc Ryckaert/Wikimedia Commons)

Le château de Fère-en-Tardenois (Aisne)

Le château fort de la Fère-en-Tardenois : motte, fossé, glacis et pont couvert.
Hugluc/Wikimedia Commons

À l’origine, ce château était une forteresse sur motte. La Renaissance le transforma : Anne de Montmorency, connétable de France (oui, c’est un homme malgré son prénom), recouvrit la motte d’une maçonnerie puis jeta un pont couvert pour y accéder. Une sorte de Chenonceaux, mais sans le Cher.

Le château de La Ferté-Milon (Aisne)

Façade du château de la Ferté-Milon
Chabe01/Wikimedia Commons

C’est un rêve inachevé. Louis d’Orléans, frère du roi Charles VI, fait raser l’ancien château pour construire une demeure de plaisance. Son assassinat en 1407 arrête soudainement le projet. Les bâtisseurs n’ont eu le temps que de construire la façade. Le visiteur a l’impression d’être face à un décor de théâtre. Un décor long de 102 m tout de même.

Le donjon de Septmonts (Aisne)

Vous allez croire cet article sponsorisé par le département de l’Aisne. Car voici encore un troisième château du même secteur que les deux précédents. Avec ses cylindres emboîtés, la forme de ce donjon — XIVe siècle — m’a toujours intrigué. Il appartenait à un château, résidence des évêques de Soissons. Comme quoi, même un homme d’Église pouvait s’inquiéter pour sa défense.

Donjon de Septmonts

Les châteaux de falaise

La Roque de Brengues
La Roque de Brengues (P. Danilo Royet/Wikimedia Commons)

« Parents pauvres de l’architecture défensive médiévale », ces châteaux insolites passent inaperçus. Et pourtant on en compte par centaines en France selon l’archéologue Florence Guillot. De préférence dans les montagnes calcaires où se forment facilement des grottes, des vires (paliers) et des porches. Leur position perchée, à flanc de falaise, permettait de surveiller les environs et les rendait difficilement accessibles. La maîtrise de l’escalade est aujourd’hui nécessaire pour les approcher. Autrefois, on utilisait sûrement des échelles et des planchers suspendus de bois. Voici quelques exemples : la Roque d’Autoire (Lot), le château-grotte de Gars (Alpes-Maritimes) ou la Roque de Brengues (Lot).

Le château d’Hesdin (Pas-de-Calais)

À côté du château, les comtes d’Artois puis les ducs de Bourgogne développent un parc qui fut sans doute le premier « parc d’attractions conçu pour amuser et surprendre en même temps que pour plaire à ceux qui recherchaient l’agrément d’une nature domestiquée par l’homme » selon Danielle Queruel, professeure de littérature médiévale

On y venait pour chasser. Mais à l’intérieur de la forêt, se trouvait un zoo dont la composition variait selon les époques : au temps du duc de Bourgogne Philippe le Hardi, les sources mentionnent un chameau et un buffle. Quelques décennies auparavant, on cite des animaux locaux : un castor, un ours, un loup et un chat sauvage.

Le visiteur pouvait aussi se perdre dans la « maison Dédalus », un labyrinthe dont les vignes composaient les allées.

Le plus étonnant était les automates de bois et métal que le personnel animait à l’aide de cordages et de rouages. Certains faisaient jaillir de l’eau.

Malheureusement, il ne reste rien de ça. Seuls les textes nous révèlent l’existence de « parc d’attractions » pour nobles.

L’AUTEUR : Laurent Ridel

Ancien guide et historien, il vous aide à travers son blog à décoder les églises, les châteaux forts et le Moyen Âge.

Sa recette : de la pédagogie, beaucoup d’illustrations et un brin d’humour.

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