ven 18 octobre 2024 - 12:10

La maison de Leonard de Vinci : Château du Clos Lucé

Le château du Clos Lucé, autrefois appelé le manoir du Cloux, est une demeure située en France, au cœur du Val de Loire, dans le centre-ville d’Amboise. Construit à l’origine en 1471 comme un ancien fief dépendant du château d’Amboise, il passe entre plusieurs propriétaires avant d’être acquis par Charles VIII, qui en fait une résidence d’été pour les rois de France. Cette fonction perdurera jusqu’en 1516, lorsque François Ier met le château à la disposition de Léonard de Vinci, qui y vivra pendant trois ans, jusqu’à sa mort le 2 mai 1519.

Façade du Clos Lucé – (Crédit photo : Franck Fouqueray)

En tant que dernière demeure de Léonard de Vinci, le château du Clos Lucé est classé monument historique depuis la liste de 1862 et figure au Journal officiel de la République française du 18 avril 1914.

Aujourd’hui, le château du Clos Lucé est un lieu d’interprétation, de découverte et de synthèse, dont la vocation est de faire découvrir au grand public l’univers de Léonard de Vinci.

Propriété de la famille Saint Bris depuis 1854, le château est actuellement dirigé par François Saint Bris, frère de l’écrivain Gonzague Saint Bris.

Du Moyen Âge à la Renaissance

Tapisserie d’Aubusson au Clos Lucé – (Crédit photo : Franck Fouqueray)

Le château de Cloux était un ancien fief relevant du château d’Amboise. La terre de Lucé avait été annexée au domaine dès le XIVe siècle. Par un acte du 26 octobre 1460, Pierre du Perche céda le lieu du Cloux à Marc Rabouin en échange de la Grange-aux-Lombards.

Peu de temps après, le domaine passe aux mains des religieuses du prieuré de Moncé, qui le vendent, par acte du 26 mai 1471, à Étienne Le Loup, maître d’hôtel et premier huissier d’armes, puis conseiller du roi Louis XI et bailli d’Amboise. Face à l’état de délabrement des bâtiments, c’est lui qui donna au Clos Lucé son aspect actuel, avec « sa tour carrée, sa guette, reliée à l’aile droite par une galerie couverte (…) et ses murs bientôt percés de fenêtres gothiques ».

Jardin au Clos Lucé. Vue sur le Château de François 1er à Amboise – (Crédit photo : Franck Fouqueray)

Le logis, construit sur des fondations gallo-romaines, s’articule autour d’une tour d’angle octogonale abritant un escalier à vis, entouré de deux bâtiments à deux étages disposés en équerre. La façade élégante, faite de briques roses et de pierre de tuffeau, reflète l’architecture du XVe siècle.

Le 2 juillet 1490, Charles VIII rachète le Clos Lucé à Étienne Le Loup pour la somme de 3 500 écus d’or. Charles VIII transforme alors la forteresse médiévale en un château d’agrément, qui devient la résidence d’été des rois de France pendant 200 ans. Charles VIII y fit également construire un oratoire pour son épouse, Anne de Bretagne, qui y vécut jusqu’à son départ pour le château royal de Blois.

Prière pour initiation dans la Chapelle au Clos Lucé – (Crédit photo : Franck Fouqueray)

En 1492, Charles VIII fait construire pour Anne de Bretagne une chapelle gothique en pierre de tuffeau, l’oratoire d’Anne de Bretagne. L’oratoire est orné de peintures murales réalisées par les disciples de Léonard de Vinci : une Annonciation, un Jugement dernier et une Vierge de lumière (Virgo Lucis), située au-dessus de la porte, qui aurait donné son nom au Clos Lucé.

Charles IV d’Alençon et Marguerite de Valois s’installent au Clos Lucé en 1509. En 1515, le duc d’Alençon vend le château à Louise de Savoie, mère de François Ier. Louise de Savoie, régente de France, y vécut et éleva ses deux enfants : le bouillant duc d’Angoulême, futur François Ier, et Marguerite de Navarre, femme de lettres et auteur de L’Heptaméron.

Léonard de Vinci au château du Clos Lucé

En 1516, à l’âge de 64 ans, Léonard de Vinci quitte Rome et traverse l’Italie, emportant avec lui, dans ses sacoches de cuir, tous ses carnets de dessins ainsi que trois de ses tableaux les plus célèbres : La Joconde, La Vierge, l’Enfant Jésus et sainte Anne, et Saint Jean Baptiste. Ces trois œuvres sont aujourd’hui conservées au musée du Louvre. Léonard est accompagné en France de ses disciples Francesco Melzi et Salai, ainsi que de son serviteur Batista de Vilanis. Selon Benvenuto Cellini, le roi François Ier lui accorde une pension de 700 écus d’or, en plus de la rémunération pour les œuvres qu’il achève, et lui offre le château du Clos Lucé pour y vivre. François Ier le nomme « Premier Peintre, Ingénieur et Architecte du Roi ».

Francesco Melzi – Portrait de Léonard de Vinci
attribué à Francesco Virgolini 

Installé au château du Clos Lucé, Léonard de Vinci se montre extrêmement prolifique. Il travaille sur de nombreux projets, organise les fêtes de la Cour à Amboise, conçoit les plans de la Cité idéale de Romorantin, ainsi que l’escalier à double révolution du château de Chambord. Il projette également un système de canaux pour relier le Val de Loire au Lyonnais. À cette époque, il est considéré comme l’un des meilleurs peintres de son temps.

Le 10 octobre 1517, Léonard de Vinci reçoit la visite du cardinal Louis d’Aragon. Son secrétaire, Antonio de Beatis, décrit cette rencontre dans son Itinerario.


« Messer Léonard de Vinci, âgé de plus de 70 ans, excellentissime peintre de notre époque, qui montra trois tableaux à Notre Seigneurie, un d’une Dame florentine, faite au naturel, à la demande de feu le Magnifique Julien II, un autre de saint Jean-Baptiste jeune, et une Vierge à l’Enfant, qui sont sur les genoux de sainte Anne ; les trois sont d’une rare perfection. Il est vrai qu’en raison d’une paralysie de la main droite, on ne peut plus attendre de chef-d’œuvre de sa part. »

Le 19 juin 1518, Léonard de Vinci organise une grande fête au château du Clos Lucé pour exprimer sa gratitude envers le roi François Ier. Cet événement reprend certaines idées que Léonard avait déjà mises en œuvre lors de la Fête du Paradis à Milan, le 13 janvier 1490 (la Festa del Paradisio, une pièce du poète Bernardo Bellincioni). Une machinerie y représentait la course des astres : un chapiteau fut installé, et une toile peinte en bleu figura la voûte céleste, avec les planètes, le soleil, la lune et les douze signes du zodiaque.

L’ambassadeur Galeazzo Visconti rapporta dans une lettre : « Le Roi Très-Chrétien fit banquet dans une fête admirable […]. Le lieu en était le Cloux, très beau et grand palais. La cour était recouverte de draps bleu-ciel, puis il y avait les principales planètes, le soleil d’un côté et la lune de l’autre […]. Il y avait 400 candélabres à deux branches, et tellement illuminés, qu’il semblait que la nuit fut chassée ».

Léonard de Vinci s’éteint dans sa chambre du château du Clos Lucé le 2 mai 1519, léguant ses manuscrits, carnets de dessins et croquis à son disciple bien-aimé, Francesco Melzi. La scène imaginée où Léonard meurt dans les bras de François Ier a inspiré de nombreuses œuvres, dont La Mort de Léonard de Vinci de Jean-Auguste-Dominique Ingres, tableau aujourd’hui conservé au Petit Palais.

Un château de plaisance souvent modifié

Vue de la Chambre de Marguerite de Navarre au Clos Lucé – (Crédit photo : Franck Fouqueray)

Après la mort de Léonard de Vinci, Louise de Savoie reprend possession du château du Clos Lucé. En 1523, Philibert Babou de La Bourdaisière et son épouse, surnommée la belle Babou, qui fut l’une des favorites de François Ier, s’y installent. Par la suite, en 1583, Michel de Gast, capitaine des Gardes du roi Henri III et impliqué dans l’assassinat du Cardinal de Guise, devient propriétaire du domaine.

En 1632, le château passe dans la famille d’Amboise par le mariage d’Antoine d’Amboise avec la petite-fille de Michel de Gast. Durant la Révolution française, le château échappe de peu au pillage grâce à l’intervention de Henri-Michel d’Amboise. Le domaine reste ensuite dans la famille d’Amboise jusqu’en 1832.

La plupart des pièces du château du Clos Lucé sont modifiées à plusieurs reprises au fil des siècles. Au XVIIIe siècle, les espaces sont réorganisés et redécorés avec l’ajout d’importantes boiseries et cheminées. Les jardins subissent également un réaménagement à cette époque.

Le château devient la propriété de la famille Saint Bris le 30 juillet 1855. Hubert Saint Bris décide de l’ouvrir au public en 1954, marquant un tournant dans l’histoire de la demeure.

Le Clos Lucé est classé au titre des monuments historiques par la liste de 1862. L’ouverture au public entraîne de nouvelles modifications des espaces afin de mieux accueillir un grand nombre de visiteurs. En 2017, les propriétaires décident de supprimer les salons du XVIIIe siècle, pourtant classés monuments historiques, pour recréer des décors supposés se rapprocher de ceux qui auraient existé à l’époque de Léonard de Vinci. Toutefois, aucune description précise des espaces occupés par Léonard, ni de mobilier d’origine, n’a été conservée. Cette intervention fait l’objet d’un signalement de la Direction régionale des Affaires culturelles auprès du procureur de la République.

Description du château aujourd’hui

Cheval de Leonard de Vinci au Clos Lucé – (Crédit photo : Franck Fouqueray)

Le château du Clos Lucé est situé au cœur d’un parc de 7 hectares, traversé par l’Amasse, un petit affluent de la Loire. Sa façade en briques roses et pierres blanches, pratiquement inchangée depuis la Renaissance, témoigne de son histoire. Un ancien chemin de ronde subsiste encore de cette époque. Certaines pièces du château ont été réaménagées aux XXe et XXIe siècles pour évoquer celles du XVIe siècle, telles qu’elles auraient pu être à l’époque de Léonard de Vinci, bien qu’aucune description précise ne soit disponible. Les visiteurs peuvent découvrir une chambre, une cuisine, un atelier imaginaire (où est exposée une reproduction de son cheval sculpté par un artiste contemporain), ainsi que la salle du Conseil, l’oratoire d’Anne de Bretagne et la chambre de Marguerite de Navarre.

Lit ou est mort Leornard de Vinci au Clos Lucé – (Crédit photo : Franck Fouqueray)

La chambre où Léonard de Vinci mourut, ainsi que celle de Marguerite de Navarre, ont été restaurées en 2011 et décorées avec des meubles et objets d’époque, provenant de diverses sources. Elles sont situées au premier étage du château.

Quarante maquettes, réalisées par IBM à partir des dessins de Léonard de Vinci, sont exposées dans quatre salles du sous-sol. Des animations en 3D permettent de comprendre le fonctionnement des inventions de Léonard et de les voir s’animer.

Le parc abrite un pigeonnier, construit au XVe siècle par Estienne Le Loup, bailli d’Amboise, qui comptait environ 1 000 niches pour pigeons. En 2003, Jean Saint Bris a mis en place un parcours culturel dans le parc, avec des bornes sonores et 20 machines géantes inspirées des croquis de Léonard. Un jardin met en avant les travaux de l’artiste sur les plantes, ainsi qu’un pont à deux niveaux, réalisé d’après l’un de ses croquis.

Chard de Guerre inventé par Leonard de Vinci au Clos Lucé – (Crédit photo : Franck Fouqueray)

En 2021, deux nouvelles galeries consacrées aux travaux de Léonard dans les domaines de l’architecture et de la peinture ont été ouvertes au public dans un ancien bâtiment industriel de 500 m², réhabilité pour l’occasion. Un nouvel espace multimédia expérimental permet aux visiteurs de « survoler » les machines volantes de Léonard au-dessus du Palais royal de Romorantin, reconstitué en 3D.

Dans la culture populaire

Dans la bande dessinée Le Guide ou le Secret de Léonard de Vinci (tome 18 de la série Les Aventures de Vick et Vicky) de Bruno Bertin (Éd. P’tit Louis, 2012), un ouvrier travaillant dans une chambre du Clos Lucé en 1954 découvre une petite boîte de métal dissimulée dans un mur. À notre époque, un groupe d’enfants venus en Touraine pour préparer un exposé tombe par hasard sur cette boîte. L’intrigue se déroule dans les lieux emblématiques d’Amboise, le château d’Amboise et le château du Clos Lucé, et sert de cadre à la découverte de Léonard de Vinci, de la ville d’Amboise et de son patrimoine historique. La bande dessinée a également été adaptée en roman jeunesse par Eve-Lyn Sol (Éd. P’tit Louis, 2013).

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Erwan Le Bihan
Erwan Le Bihan
Né à Quimper, Erwan Le Bihan, louveteau, a reçu la lumière à l’âge de 18 ans. Il maçonne au Rite Français selon le Régulateur du Maçon « 1801 ». Féru d’histoire, il s’intéresse notamment à l’étude des symboles et des rituels maçonniques.

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