jeu 21 novembre 2024 - 10:11

Le prologue de Jean (Par Alain Graesel)

Εν αρχή ην ο λόγος = en arkhê en o logos
και ο λογος ην προς τον θεον = kai o logos en pros ton théon
και θεος ην ο λογος = kai théos en o logos

« Au commencement était le logos, et le logos était auprès de Dieu et le logos était Dieu ».

Le Prologue de Jean est ouvert sur l’autel des serments des loges de la Grande Loge de France qui travaillent toutes – à de très rares exceptions près – au Rite Ecossais Ancien et Accepté (REAA).

La réflexion sur ce texte est intéressante car la représentation que les Hommes se font du divin – qui est en question dans ces lignes – contribue à structurer de manière radicale la conception qu’ils peuvent avoir d’eux-mêmes, préoccupation qui traverse toute la démarche au REAA.

Le début du Prologue, écrit en grec (ci-dessous en alphabet latin) par Jean l’Évangéliste dit ceci :

Jean 1:1. In principio erat Verbum… sont les premiers mots en latin de l’Évangile selon Jean, Évangéliaire d’Æthelstan, folio 162 recto, v. Xe siècle.

1 En arkhè en o lógos, kaí o lógos en prós tón theón, kaí theós en o lógos.
Au commencement était le Logos, et le Logos était auprès de (ou tourné vers) Dieu, et le Logos était divin (ou le divin).

2 Oútos ín en arkhè prós tón theón.
Il était au commencement avec Dieu.

3 Pánta di’ aftoú egéneto, kaí chorís aftoú egéneto oudé én ó gégonen.
Toutes choses ont été faites par lui ; et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans lui.

4 En aftó zoí ín, kaí i zoí ín tó fós tón anthrópon,
En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes.

5 kaí tó fós en tí skotía faínei, kaí i skotía aftó ou katélaven.
Et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue.

[…….]

Que signifie cette entrée en matière de l’évangile ?
Quels problèmes nous pose-t-elle ?
Quelles perspectives ouvre-t-elle ?
Sur quel chemin nous emmène-t-elle ?

La dimension herméneutique et la difficulté des interprétations

Notre démarche initiatique est herméneutique.

Les textes peuvent être appréhendés à un premier niveau de sens littéral – tenant compte du contexte de leur apparition – mais aussi à un sens plus élaboré ouvrant sur leur éventuelle dimension métaphysique.

Jean 1:1, Évangéliaire d’Ostromir, avec le portrait de l’évangéliste, 1056-1057.

L’initiation nous invite à l’interprétation libre des symboles que nous rencontrons dans ces textes et cette liberté d’interprétation est pour nous essentielle.

Notre démarche est aussi métaphysique et à ce titre, sans tourner le dos à la rationalité de la science et de la technique, elle aborde des thèmes qui nous projettent au-delà de la seule approche rationnelle du réel, du monde et des hommes.

Le Prologue de Jean est un texte religieux classé par l’église romaine au rang des évangiles canoniques avec ceux de Marc, Mathieu et Luc. Il est assuré ainsi d’une autorité doctrinale. C’est un texte de référence interprété par les docteurs de la foi.

Mais c’est aussi un texte métaphysique qui peut être étudié et interprété dans un cadre initiatique hors de toute ascendance théologique particulière.

Les philosophes David Hume et Emmanuel Kant ont disqualifié la métaphysique en tant que mode de connaissance et de savoir objectif.

Mais si Kant dit que la métaphysique n’est pas légitime en tant que instrument de savoir objectif – car il n’est pas possible à l’homme de connaître les choses en soi qui sont au-delà de l’expérience telle qu’elle nous est donnée par nos sens – il souligne en même temps qu’elle reste nécessaire et incontournable, parce que l’homme est un ” animal métaphysique ” (selon la formule postérieure d’Arthur Schopenhauer) qui a posé, qui pose et continuera de poser des questions qui échappent au domaine de la rationalité.

Y a-t-il quelque chose de vrai dans ce Prologue ?

Jean 1:1, Les Grandes Heures d’Anne de Bretagne, XVIe siècle.

La question de savoir s’il y a quelque chose de vrai dans ce Prologue est une question sans intérêt, car au sens scientifique du terme rien de ce qui est écrit n’est démontré ni prouvé. Comme dit Jean un peu plus loin ” Dieu personne ne l’a jamais vu ” (1, 18) et c’est Jésus son Fils qui l’a fait connaître.

On se trouve donc devant un texte symbolique, à forte charge poétique, maniant les allégories et les paraboles, éminemment interprétable.

Et notre qualité de Franc-maçon nous invite à la lecture symbolique de ce langage qui attend de notre part l’exercice de l’intelligence initiatique. Car les symboles qui sont véhiculés dans ces textes, sous leur apparence fréquemment insolite – et un discours qui souvent ne dissimule que pour mieux dévoiler – nous servent en fait à voir plus clair dans la réalité, la nôtre et celle du monde. Il faut les prendre en entier sans les confronter à cette rationalité critique qui est la dimension d’excellence de tous les savoirs scientifiques, mais dont le déploiement, ici, risquerait de limiter la portée créatrice d’une œuvre qui n’a aucune visée de ce genre.

Les symboles ne veulent pas représenter la réalité, mais la forme métaphorique d’une vérité qui la traverse, et qui parfois l’engendre ; et ils exposent une idée ou une valeur sous une forme la plus souvent poétique dont l’intérêt renvoie à autre chose que leur simple présentation. Comme le dit Paul Ricœur dans son ouvrage La Métaphore Vive, les symboles sont des ” déviances créatives ” que l’on ne peut pas – et que l’on ne doit sans doute pas – traduire dans un langage de pure rationalité, car la vérité qu’elles visent ne peut tout simplement pas ” être dite ” autrement.

Et si le REAA fait renvoi à la culture judéo-chrétienne, c’est parce que les mythes et symboles de cette culture sont naturellement et facilement accessibles à notre imaginaire qui s’est fréquemment construit dans la relation – le cas échéant conflictuelle – à ces références culturelles et didactiques, quelle que soit par la suite la pratique – religieuse ou non religieuse – de chacun et de ses croyances en général. Il n’y a pas pour autant de confusion entre le REAA et les textes religieux qui peuvent lui servir de support.

Mais cette lecture symbolique peut aller plus loin encore.

Manuscrit grec du Nouveau Testament

L’herméneutique contemporaine argumente l’idée que c’est au lecteur qu’il revient de compléter l’œuvre à laquelle il se confronte, considérant qu’elle reste inachevée aussi longtemps qu’elle n’a pas rencontré une intelligence et une sensibilité soucieuse d’en tirer la richesse devant éventuellement permettre de la transformer en acte.

Avec l’herméneutique, nous passons ainsi de la ” lettre ” de première lecture, à ” l’esprit ” qui veut en dévoiler le sens caché. Le texte de référence n’est plus alors sollicité en tant que tel, mais comme une œuvre non achevée, projet à réaliser, dessein en voie d’accomplissement et qui va trouver une part de cet accomplissement dans sa mise en perspective existentielle, consciente et délibérément revendiquée.

Lorsqu’on s’attarde un peu sur les différentes traductions / interprétations du Prologue à partir du texte grec de Jean on se rend compte que leurs auteurs / exégètes ne se contentent pas de ” traduire ” littéralement le texte initial et lui donnent de fait un sens qui peut parfois s’écarter de celui d’origine. Ces interprétations peuvent même avoir un caractère polémique.

Louis Segond, théologien suisse protestant, en 1910 traduit “en arkhè en o logos” par “au commencement était la Parole”.

Les exégètes catholiques quant à eux privilégient généralement la traduction par “au commencement était le Verbe”.

Augustin Crampon est chanoine de la cathédrale d’Amiens

C’est le cas du chanoine de la cathédrale d’Amiens Augustin Crampon (édité post mortem en 1904), de la Bible de Jérusalem 1973 et de la Traduction œcuménique de la Bible (TOB) de 1987 qui font autorité dans leur famille spirituelle.

Or le Verbe évoqué dans les interprétations vaticanes et romaines – Au commencement était le Verbe – n’est évidemment pas un verbe qui désigne l’état ou l’action d’un sujet mais ce qu’il est pour la religion catholique c’est-à-dire la deuxième hypostase de La Trinité, Fils de Dieu, entre le Père et le Saint-Esprit, ce qui l’enferme dans une référence théologique déterminée non universelle, le terme hypostase signifiant ici l’accomplissement du divin par la réalisation de son essence.

Cette interprétation tire de fait l’original grec dans une direction particulière, conforme aux principes de la théologie catholique romaine.

Et en effet traduire ” logos ” par le ” Verbe ” – référence parfaitement légitime pour un croyant catholique – nous ouvre à une dimension religieuse, La Trinité et le Verbe étant des dogmes, comme l’Eucharistie ou la Transsubstantiation !

Et ces dogmes, en décalage par rapport aux principes du Rite Ecossais Ancien et Accepté, enferment donc le sens symbolique possible du texte et mettent fin à la recherche car alors tout a été découvert.

Je propose donc une interprétation qui ne doit pas être prise pour une vérité ou une certitude mais pour une question de recherche exploratoire.

Je propose de conserver au mot ” Logos ” le sens grec qui est le sien car il est largement assez riche de sens possibles.

“Au commencement était le Logos” vs “au commencement était le Verbe”.

Bible ancienne

L’interprétation ” en arkhê en o logos “, en grec par ” au commencement était le Logos ” me semble en effet intéressante.

Pourquoi ? Parce que le Logos en grec n’est pas seulement la Parole. Et surtout : il n’est pas le Verbe de l’interprétation catholique romaine.

Comment peut-on dès lors interpréter ce terme ?

On peut reprendre le sens que lui donne le grand helléniste Léon Robin spécialiste de la pensée platonicienne, dans son ouvrage “La pensée grecque et les origines de l’esprit scientifique” (1re éd. 1923). Il écrit : ” Le Logos c’est à la fois la pensée divine qui circule éternellement dans la nature et la pensée humaine mais en tant qu’elle participe à ce courant unique et éternel et perd ainsi son individualité “.

On peut souligner que les traductions usuelles du mot logos dans les textes grecs de cette période sont le plus souvent alignées sur cette ” pensée divine ” citée sous le vocable de Raison et de Parole.

Le respect du texte initial : “En arkhê en o logos” donnerait alors “Au commencement était le Logos – c’est-à-dire à la fois la Raison et la Parole -“.

Et ” kai o logos en pros ton theon ” donnerait ” et le logos était auprès de dieu ” ou ” tourné vers dieu “, les deux formules étant possibles, pour finir par ” kai theos en o logos ” traduit par ” et le logos était dieu ” ou ” était divin “.

En référence à Robin – le Logos est peut-être pour l’intelligence hellénisée de Jean, la Raison organisatrice et la Parole créatrice.

Je propose donc ici de conserver le mot ” logos ” et d’interpréter ” En arkhê en o logos ” par le sens qu’il a en grec de ” Raison organisatrice, Parole créatrice ” autrement dit ” Au commencement était le Logos à la fois Raison Parole ” et de poursuivre par ” et le logos était divin “.

Ce logos est donc symboliquement créateur et il a une dimension ontothéologique car : ” Toutes choses ont été faites par lui ; et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans lui. ” (V3).

Le logos Raison, Parole. Et Lumière.

Donc le Logos pourrait être symboliquement Raison et Parole.

Mais, point supplémentaire, il pourrait être également Lumière. Pourquoi ?

Dans un article de la ” Revue des sciences religieuses ” (84/4 2010), Françoise Dastur, Professeure des universités (Paris XII et Nice-Sophia Antipolis), rappelle que le mot ” Dieu ” renvoie à l’idée de lumière par sa racine indo-européenne deiwos qui signifie ” lumière du ciel ” ou ” lumière du jour “, racine qui elle-même renvoie au sanskrit devas, au grec theos, au latin deus et au français dieu.

Et cette ” Lumière ” est évoquée dans les versets suivants : ” En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes. ” (V4) et ” Et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue. ” (V5).

Idée intéressante pour les initiés que nous sommes car associer Raison, Parole et Lumière ne peut être que très stimulant pour la recherche au REAA.

D’autres développements seraient encore possibles mais la place manque ici pour en parler.

En conclusion.

Voilà donc, par l’effet du croisement d’une lecture initiatique et symbolique et de la racine étymologique indo-européenne d’un mot – Dieu – par ailleurs saturé de sens théologique, la possibilité de bâtir une interprétation qui s’affranchit de toute charge religieuse particulière – sans contester sa validité dans le champ de la foi – et qui ainsi interpelle par son ambition tous ceux qui veulent pratiquer une recherche spirituelle ouverte et libre.

Elle donne au logos de Jean une dimension à la fois métaphysique et spirituelle par la convergence dans le logos de la Raison organisatrice, de la Parole créatrice et de la Lumière qui illumine les hommes.

Peut-être comme le Delta qui est allumé au début de nos Tenues ?

13 Commentaires

  1. Il y a plus de deux traductions, mais j’en proposerai cinq et je reviendrai sur “Dans le principe”. Toutes ont leur importance par leur signification, et toutes peuvent faire l’objet de développement enrichissant.
    1 – la plus connue : “Au commencement” Bible de Segond, Bible de Jérusalem etc.).
    Les mots évoquent un début absolu, unique. Avant, il n’y avait rien, tout commence en cet instant. C’est une affirmation quant aux origines du cosmos tout entier.
    2 – Celle de la TOB : “Lorsque Dieu commença la création du ciel et de la terre”.
    Elle exclut toute spéculation sur les origines. Nous entrons dans l’histoire, lorsque Dieu décide d’entreprendre l’oeuvre de création, sans que nous puissions rien dire sur l’avant, ou l’existence même de l’avant.
    3 – la traduction d’Ozou : “Au commencement Dieu créa le monde : “En un commencement””
    Elle envisage qu’il puisse ne s’agir que d’un commencement parmi d’autres possibles, que nous ignorons. Pour les hommes, l’histoire ne peut commencer qu’avec l’acte créateur de Dieu.
    4 – Chouraqui et son “Entête”
    Cela laisse entendre que nous sommes au début d’une histoire. L’intérêt n’est pas l’origine, mais ce qui suit ensuite.
    5 – Targum Neofiti : “Dès le commencement, la parole du Seigneur, avec sagesse, créa et acheva les cieux et la terre”.
    Le premier mot de la Genèse n’est pas seulement traduit “dès le commencement”, mais aussi “avec sagesse, Dieu créa”, ce qui veut dire “avec la Torah”. En fait, tout ce que Dieu décide doit être écrit dans la Torah.
    Enfin, je reviens sur “avec le principe Dieu créa”. Or, le principe pour les Juifs, c’est la Loi, mais, pour les chrétiens, il n’y avait qu’un pas jusqu’à la traduction “avec le premier-né Dieu créa”.
    Cela affirme, dès le premier mot de la Bible, la préexistence du Fils, sa participation à toute la création.
    Or, le “Fils”, c’est l’esprit de l’homme et le “Père”, celui du créateur et non le fils biologique comme se plait à nous le faire comprendre les “gardiens” de l’Église.
    A méditer.

  2. Mon TCF Alain,

    J’ai lu avec intérêt ton article sur le “Prologue de Jean” et le Logos, même si je regrette que tu n’aies pas pu développer plus, limité par la place. Je connais également cette contrainte.
    J’ai aimé :
    – l’approche interdisciplinaire en croisant les perspectives issues de la philosophie grecque, de la théologie, de l’étymologie et de la symbolique maçonnique.
    – la nuance entre “Raison organisatrice” et “Parole créatrice” qui est pertinente pour saisir toute la richesse du concept.
    – j’ai en son temps fait comme toi, une approche du mot “dieu”, mais je préfère les noms que lui ont donné les hébreux, car le terme de “Dieu” pour nous occidentaux, est un fourre-tout et ne dit pas à quel titre il intervient.
    En revanche, quelques “remarques” :
    – En prônant une lecture “ouverte et libre” et en rejetant toute “charge religieuse particulière”, le texte pourrait être accusé de vider le Prologue de sa portée doctrinale chrétienne.
    – En faisant appel à des concepts comme la raison et la parole, mais en se rapprochant de la tradition initiatique, semble embrasser une démarche qui se situe au-delà de la rationalité.
    Cette tension pourrait poser problème à ceux qui cherchent une cohérence rationnelle. En effet, si l’on tente de concilier la science et la foi, il est nécessaire de garder une certaine rigueur intellectuelle, et une interprétation symbolique trop éloignée des faits pourrait susciter des critiques venant de penseurs plus rationnels (comme Kant ou Hume, cités dans le texte).
    – Pour les croyants, la vérité métaphysique du texte est fondée sur une révélation divine spécifique, et toute lecture qui se veut détachée de cela risque d’affaiblir le message fondamental de l’Évangile. La liberté interprétative, même si elle est valorisée dans un cadre initiatique, pourrait être perçue comme un danger de subjectivisme dans un texte sacré.
    Et surtout, il ne faut donc pas donner l’idée de relativiser le “sacré”, car sans sacré, point d’initiation possible et je suis d’accord avec René Guénon sur ce point. Or, la notion du “sacré” n’est quasiment plus jamais abordée dans la majorité des loges, pire elle est souvent critiquée dès qu’on en parle. En fait, aujourd’hui tout est fait pour contourner les difficultés. Si je m’en tiens à ce qu’a dit Saint Exupéry à savoir : “l’homme se découvre quand il se mesure à l’obstacle” . Or, s’il n’y a plus d’obstacles, il n’y aura plus rien à découvrir.
    Cependant, on persiste depuis quelques années dans l’erreur et on comble alors la vacuité initiatique des Frères par du sociétal à cent sous.
    J’aimerais bien que ton article soit présenté et débattu en loge selon la règle de prise de parole.
    Bref … je ne vais pas m’étendre plus avant sur ton article, sans te faire non plus l’injure de lire les deux numéros d’Entrelacs, dont j’ai appris que tu étais un fidèle lecteur, dans lesquels j’évoque l’approche philonienne (dans le numéro 50 paru en juin) et ensuite, je propose de parler de Yeshoua’ (Jésus) et d’Hiram, chacun logos, l’un pour les chrétiens, l’autre pour les francs-maçons (dans le numéro 51 paru début septembre). J’ose ainsi confronter mon niveau “élémentaire”, à la critique (positive ou négative) des Frères, mais … tu as la chance d’avoir des commentaires à ton article, ce que j’aurais souhaité pour tous ceux qui prennent la peine de fournir un travail de réflexion, quel que soit le support, sans imposer le dogme de la vérité à la sauce de ceux qui ne supportent pas qu’on ne pense pas comme eux, car c’est ainsi qu’on peut parler de Tolérance et de Fraternité initiatique. Le reste n’est que billevesée
    Il est certain que faire du psittacisme sur ce Prologue plutôt que d’y travailler est bien plus facile, sachant que ce thème est extrêmement important.
    Voilà quelques sujets (en les plaçant aux bons degrés) qui pourraient être étudiés.
    – Comment concilier l’idée d’un Logos divin et éternel avec l’incarnation du Christ ?
    – Quelle est la nature exacte de la relation entre le Logos et le monde créé ? Le Logos est-il simplement un principe ordonnant ou est-il également présent dans chaque créature ?
    – Comment le Logos se rapporte-t-il à la connaissance humaine ? Est-il accessible à tous ou seulement à ceux qui ont été initiés ?
    Enfin, nous connaissons la qualité de certaines traductions de grec à latin, de latin à français etc.
    Je suis en train de me pencher (et tu m’as fait ressortir de mes archives où il dormait, un début d’article sur le sujet) sur La phrase « Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous » qui provient de l’Évangile de Jean 1:14. En grec, ce passage se traduit par :
    Καὶ ὁ λόγος σὰρξ ἐγένετο καὶ ἐσκήνωσεν ἐν ἡμῖν (Kai ho logos sarx egeneto kai eskēnōsen en hēmin).
    Le terme clé ici est “ἐσκήνωσεν (eskēnōsen),” qui signifie littéralement « il a planté sa tente » ou « il a dressé sa tente ». C’est un mot qui évoque la notion de tabernacle ou de résidence temporaire, une image symbolique de la présence divine qui séjourne dans un lieu. Le verbe est associé à l’idée d’une habitation ou d’une demeure, mais sous une forme temporaire, comme un pèlerin ou quelqu’un qui établit un campement.
    ἐν ἡμῖν (en hēmin) signifie “parmi nous” ou “en nous”.
    Le préposition « ἐν » en grec peut effectivement se traduire par “dans” ou “parmi”, selon le contexte.
    Mon hypothèse de traduction : “habiter en nous” m’a obligé à revoir tout le texte.
    Cette proposition repose sur la traduction où on lit “habiter en nous” plutôt que “parmi nous”. Le choix de traduction par “parmi” s’explique par la lecture contextuelle traditionnelle qui voit Jésus comme étant physiquement présent parmi les hommes. On retrouve déjà la traduction de l’adverbe “entos” en grec dans Luc 17:21 “On ne dira pas : Le voici ou Le voilà. En effet, le Royaume de Dieu est parmi vous. », mais en fait on devrait lire “en dedans de nous”.
    Le grec « ἐσκήνωσεν ἐν ἡμῖν » est couramment traduit par « il a habité parmi nous », mais il est théologiquement possible, et intéressant, de réfléchir à une lecture intérieure, car ne sommes-pas à travailler pour “devenir christ ?”.
    Cette interprétation pourrait effectivement renforcer l’idée que Jésus, bien qu’un homme, est habité par le divin de la même manière que les hommes peuvent être habités par la présence divine, offrant ainsi une nouvelle perspective sur son humanité et sa relation avec le divin, mais aussi la mission qu’il s’est donnée. Mais voir ainsi, peut bouleverser la signification de bon nombre de textes théologiques et donner un sens un peu différent à l’Evangile de Jean et du même coup au Prologue.
    Bref …c’est trop long en quelques lignes à développer.

    NB : pour te situer qui je suis, rappelle-toi lors de ta 1ère réélection, une bande de séditieux (il n’y a pas qu’en politique) avaient coupé les micros et traficotés les boites de vote pour revenir voter le dimanche, sachant qu’une majorité des FF revenaient en province le samedi soir. Je me suis levé et j’ai demandé suffisamment fort, qu’on vote par bulletins secrets, ce qui fut accepté et mis fin au brouhaha et tu as été alors réélu.
    Aujourd’hui, la maladie, mais pas que, m’a fait quitter la loge, mais l’esprit maçonnique m’habite toujours.

  3. J’avoue quand à moi, revenir au début donc au Bereshit, citer les Elohims de la Gènese va déjà un peu dans ce sens. Et puis Prologue d’un coté assez cosmogonique, et Beréshit veut dire En-Tête qui précise les modes de la Création, ça résonne assez juste.
    Et donc une fois ce rapprochement fait, ce Logos, ce Verbe, pour moi s’efface devant le Ruah, le Souffle créateur, celui qui donne vie.

  4. Il est vrai que ce sujet si fondamental n’est pas facile à traiter dans le cadre limité d’un blog.
    Quelques questions ?
    – Pourquoi appelle-t-on le chapitre 1 de l’evangile de Jean “Prologue” ? Est-ce en rapport avec son sujet “Logos” ?
    – Peut on estimer qu’il s’agirait d’un condensé de la pensée de Philon d’Alexandrie et sa vision du Logos en rapport avec le demyurge platonicien ?
    – Si on considère l’hypothèse que Jean (le “disciple que Jesus aimait”) était en fait Marie de Magdala, n’aurait on pas là une ouverture plus complete vers les pensées des Astarté, Isis, Ishtar au travers des pouvoirs réputés de Marie de M ? (cf ev de Marie, reconnaissance d’un ressucité, onction) ?
    – Le Logos est-il identique aux elohim de la Genèse (même rôle créateur) ? (les elohims semblaient eux aussi s’être “faits chair” dès la Genèse …)
    Vaste champ de discussion … comme à l’epoque d’Alexandrie !

  5. Cher Alain, n’y aurait-il pas une différence entre LA ténèbre (avant la création) et LES ténèbres (après la séparation du Un en deux) ?
    Permettez-moi cet apport :
    Écrit sous cette forme Λ o Γ o ς on y voit le Tout, l’union du ciel et de la terre, de l’ÉQUERRE ET COMPAS !
    Du grec ancien λoγος, lógos. Littéralement ce qui «logue», réunit, contient tout. Ce conteneur universel, ce conteneur confondu ou réuni avec son contenu, le tout qui est aussi la forme à la fois primale et ultime du Un, les physiciens l’appellent le «bulk», le corps total des multiples dimensions de l’univers.
    Selon les Notions Philosophiques de Sylvain Aurox, logos est l’un des termes qui, dans la pensée grecque, a la plus grande polyvalence (comme dans la pensée juive avec le mot dabar דְבַר, parole) et qui voit très tôt ses emplois spéculatifs déborder son acceptation ordinaire.
    Dans un premier sens logos signifie parole (un mot, une mention, un bruit qui court, un entretien, un récit, une composition en prose, des belles-lettres, des sciences, des études, un sujet d’entretien, d’étude ou de discussion). Dans un second sens logos signifie raison, il est la faculté de raisonner, la raison l’intelligence, le bon sens, la raison intime d’une chose, le fondement, le motif, l’exercice de la raison, le compte-rendu d’une justification, l’opinion au sujet d’une chose à venir, la présomption, l’attente.
    Le logos est un concept qui apparaît au 6e siècle av JC et qui a été explicité par Héraclite d’Éphèse qui déplorait que «ce logos qui est toujours, les hommes sont incapables de le comprendre». C’est le code qui nous permet de mettre des idées et des images en relation et de les formuler pour les partager, et les transmettre. Le logos est à l’origine de la pensée humaine, il est la raison créatrice de sens : «par la parole l’homme parvient à se représenter la réalité, à lui donner un sens». La parole est la verbalisation de l’esprit. Ainsi, ce mot, dans l’usage des juifs de langue grecque, désignait couramment l’homélie synagogale qui, dans le rituel sabbatique, suivait la lecture publique de la Thora dans le but d’actualiser sa signification (Maurice Sachot, L’Invention du Christ. Genèse d’une religion, Éditions Odile Jacob 2011, p.31 et suivantes). Jésus fut un homéliaste.
    Dans un second sens logos signifie raison, il est la faculté de raisonner, la raison l’intelligence, le bon sens, la raison intime d’une chose, le fondement, le motif, l’exercice de la raison, le compte-rendu d’une justification, l’opinion au sujet d’une chose à venir, la présomption, l’attente.
    La raison et l’ordre, la proportion analogique, les Grecs l’appelleront «logos». Voici la grande conceptualisation grecque, pas celle du rapport simple a/b, mais celle qui intéresse en tant que médiété, celle qui va d’un rapport à un autre, tel a/b=c/d et par substitution peut passer de celui-ci à un troisième rapport et ainsi de suite. Il ne s’agit point de couper quelque chose en part, donc de partager ou de prélever, ce que chacun, généreux ou léonin, sait faire depuis les commencements, mais de construire, pas à pas, une chaîne, donc de trouver ce qui, sous-jacent, stable et glissant, transite le long de son enchaînement. Comme Platon et Aristote, les Stoïciens penseront que le logos pur est parole, intelligence, un accès direct et véritable aux choses, ce que les nombres et leurs rapports peuvent faire. Ainsi, pour Saint Augustin, le terme «verbe» traduit mieux le grec λόγος (logos) que le terme «raison» (ratio), car le verbe signifie le rapport entre Dieu et les créatures (Homélies sur l’Évangile de Jean).
    Platon s’inspire de la Thora en écrivant que le monde des idées, le logos, qui est invisible, est à l’origine de l’univers.
    La notion de logos est bien antérieure aux évangiles ; cette notion de parole ou verbe-démiurge se trouve déjà dans les spéculations égyptiennes et la traduction de la Bible en grec (la Septante) donne l’occasion de voir comment le logos de DIEU (le MEMAR) est utilisé dans l’Écriture juive, bien avant le temps des Apôtres (St Jean pose le postulat qu’il existe un principe premier et suprême reposant sur la parole et la lumière).

    Puisque DIEU est en quelque sorte intouchable, il est nécessaire de fournir un lien viable entre YHWH et sa création terrestre. L’un des liens importants considérés dans la pensée rabbinique antique était le Verbe (la parole, le mot) appelé memar en chaldéen et ma’amar en araméen. Le PIRKE AVOT utilise le mot au pluriel, assara ma’amaroth, pour qualifier les dix paroles par lesquelles fut créé le monde (ne pas confondre mais à rapprocher avec le décalogue, assereth hadibberoth (עֲשֶׂרֶת הַדִּבְּרוֹת), les 10 paroles que sont les 10 Commandements. Leur énoncé est précédé par un verset singulier, Exode 20.1, où il est dit ; «Alors D.ieu prononça toutes ces paroles», seul de tous les versets de la Torah, dont la structure 7 mots et 28 lettres, est identique à celle du 1er verset de la Torah ; «Au Commencement D.ieu créa les cieux et la terre ; Béréchit Bara Elokim Et HaShamayim VéEth HaAréts» (Genèse 1,1). Par cette structuration identique, nous apprenons que la Puissance mise par D.ieu dans Son Acte créateur, a été de la même intensité que celle mise dans Sa Révélation, Secrets de Kabbale Livre 1 : Béréchit par Eric Daniel El-Baze.)
    Pour la kabbale Memar (םאםר) montre le Aleph, l’Intemporel, projeté en un double modèle biologique dans l’univers séparant les eaux d’en haut des eaux d’en bas (les deux ם) avec le souffle/Esprit (rouakh le ר) ; c’est la liaison entre le matériel et le spirituel, simultanément le mot/création (le verbe) et l’univers créé.
    Les rabbins ont enseigné que le memar était l’agent du salut. Qu’il s’agisse d’un salut physique (tel que l’Exode à la sortie d’Égypte) ou d’un salut spirituel, Dieu a toujours sauvé par l’intermédiaire du memar, par Sa Parole. «C’est le Verbe en tant qu’Intelligence divine, qui est le lieu des possibles.» (René Guénon)
    La doctrine du LOGOS de St Jean, avec l’évocation du «memar», se trouve déjà, tout au long de la théologie juive du premier siècle, dans les targums, ces paraphrases rabbiniques et commentaires de l’Ancien Testament qui commencent à apparaître autour du temps des Apôtres :
    codj.fr/sites/default/files/2019-01/Contacts216_JudaismeEtFoiChretienne_LevGillet.pdf.

    Rapporté par Annie Besant (La Sagesse Antique, pp. 68-70.), voilà ce que les gardiens de la Sagesse antique nous ont enseigné sur l’origine des mondes manifestés : «à la même source, nous apprenons que le Logos se développe de lui-même en une triple forme : «Le premier Logos, source de l’Être. De lui procède le Deuxième Logos, manifestant un double aspect, vie et forme, principe de la dualité. Ce sont les deux pôles de la nature, entre lesquels sera tissée la trame de l’univers; vie-forme, -esprit-matière, positif-négatif, actif-réceptif, père-mère des mondes. Enfin le Troisième Logos, intelligence universelle, en qui existe l’archétype de toute chose, source des êtres, fontaine des énergies formatrices, trésor où sont entassées toutes les formes idéales qui vont être manifestées et élaborées dans la matière des plans inférieurs pendant l’évolution de l’univers. Ces archétypes sont les fruits des univers passés, transmis pour servir de germes à l’univers présent.»
    L’ensemble de la doctrine philonienne du Logos peut se résumer dans les traits suivants. «Le Logos de Philon est d’abord la raison pensante de Dieu concevant les idées types du monde sensible, l’ensemble de ces idées mêmes, la totalité des prototypes divins, et par conséquent l’idée la plus universelle, le type le plus générique à l’image duquel notre monde visible a été créé. Le Logos exprime ensuite l’activité de Dieu dans le monde, c’est-à-dire qu’il est l’organe au moyen duquel Dieu sort de sa transcendance, et à cet égard il est aussi considéré comme la parole qui manifeste la raison divine. Il est l’organe créateur en tant qu’il porte en lui les types et les forces qui s’impriment dans la matière, et en tant qu’il organise le Chaos en distinguant les éléments et en les répartissant avec ordre. Outre cette fonction qu’il remplit à l’égard de la matière, le Logos reste le conservateur du monde créé en sa qualité de force vitale qui pénètre toute chose, qui dirige tout, qui réunit en elle toutes les autres forces, qui est l’âme du grand tout, le lien indissoluble qui retient les éléments à leur place respective, la loi immuable selon laquelle les phénomènes de la nature se manifestent, en un mot, l’harmonie du monde entier, soit au point de vue physique soit au point de vue moral. C’est pourquoi le Logos n’est pas seulement une loi cosmique mais la loi universelle de l’ordre moral, la Providence ou, selon une conception modifiée, le destin» (Henri Soulier 1876, La doctrine du Logos chez Philon d’Alexandrie : theologica.fr/!_Patristique&Philosophes/Philon_Alexandrie/La doctrine du Logos chez Philon.pdf ).
    «C’est cette parole que les Philosophes Chaldéens de Babylone appellent la cause des causes, puisque c’est cette parole, qui produit les êtres, et même l’entendement agissant, qui n’est que le fécond d’après lui, & cela à cause de l’union de cette parole avec le premier Auteur, qui produit véritablement tous les êtres de l’univers. Le Verbe donc c’est l’image de Dieu». (Henri Corneille Agrippa, La philodsophie occulte : gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6315516b/f454).
    «Il est dit que le Logos, lorsque vint le moment de créer l’univers matériel, entra dans un état de méditation profonde, centralisant son pouvoir de pensée sur les sept centres floraux des sept mondes. Peu à peu sa force vitale descendit du cerveau (qui était le grand monde supérieur) et frappant ces fleurs l’une après l’autre ondula la naissance vers les mondes inférieurs. Quand enfin son feu spirituel frappa le centre le plus bas, le monde physique fut créé, et son feu était à la base de la colonne vertébrale. Lorsque le monde lui reviendra et qu’il redeviendra suprême dans la conscience, ce sera parce qu’il retirera la vie de ces sept centres, en commençant par le plus bas, et la renverra de nouveau au cerveau. Ainsi le chemin de l’évolution pour tous les êtres vivants est d’élever ce feu, dont la descente a rendu possible leur manifestation dans ces mondes inférieurs et dont l’élévation les ramène en harmonie avec les mondes supérieurs» (Manly P. Hall, The Occult Anatomy Of Man).
    La reconquête du sens originaire de logos suppose un travail archéologique sur la pensée des présocratiques notamment celles d’Anaximandre ou d’Héraclite qui pensent le logos comme ce qui constitue, éclaire et exprime l’ordre et le cours du monde. Il ne peut être saisi que si nous entrons en dialogue avec lui. Il fonde le discours et le dialogue, et anime la dialectique. Héraclite déplorait que les hommes soient incapables de comprendre la permanence du logos bien que celui-ci soit à l’origine de la pensée humaine. Dans l’antique philosophie grecque, le logos est en fait le principe qui gouverne le cosmos, la source de toute activité, de toute création et génération, notion assimilée aussi par les gnostiques.Cela permet de penser que le Prologue de Jean serait un texte gnostique.
    Heidegger conclut que logos n’aurait pas pour signification première «ce qui est de l’ordre de la parole mais, ce qui recueille le présent, le laisse étendu-ensemble devant et, ainsi, le préserve en l’abritant dans la présence». (Extraits du Dictionnaire vagabond en Franc-maçonnerie, éditions Le compas dans l’œil, 2024)
    Bien fraternellement.

    • Chère Solange, merci de vos observations très détaillées auxquelles je souscris volontiers. Je précise en revanche que je n’ai pas voulu passer en revue la totalité des conceptions du logos depuis les Grecs aux Chrétiens. Il s’agissait seulement pour moi de délester le logos de sa traduction par le “Verbe” qui me semble un abus de pouvoir théologique …. Et de montrer qu’une approche symbolique / initiatique peut renvoyer à autre chose que ce que nous en dit l’église romaine. Et puis, de toute façon, le “logos” que personne n’a jamais pu observer … LOL …. relève de la métaphysique et non du savoir scientifique. Il est pensable et non connaissable. Toutes les propositions sont intéressantes, à condition de n’être pas totalement déconnectées du principe du tiers exclu (voir Claudine Tiercelin, titulaire de la chaire de métaphysique au Collège de France). Encore merci. Frat ++ AG

  6. La suite, la suite ! La mise à l’écart de l’interprétation vaticane me paraît fondée.
    Je me permets de suggérer un éclairage spinoziste à partir de la célèbre définition : “Deux sive Natura”, Dieu, autrement dit la Nature. Pour Spinoza la Substance est une : nulle raison donc d’en faire un “panthéiste” saupoudrant Dieu dans ses oeuvres. Les matérialistes qui, à travers les siècles, se sont inspirés de sa pensée sont dans le vrai de celle-ci (comme le défendait son commentateur Robert Misrahi face au spiritualiste Frédéric Lenoir), Le Logos n’est alors rien d’autre que “les lois de la Nature”, ou si l’on préfère, le “conatus” du monde physique, le “principium” autonome qui l’anime depuis la singularité primitive (qu’on appelait autrefois le big bang) jusqu’à la matière vivante, puis consciente. Anthropomorphisme peut-être, mais la raison (logos) scientifique imagine les lois de la Nature accessibles à la raison. Comme disait Einstein “Le plus incompréhensible est que le monde soit compréhensible”. Bref, on peut parfaitement inverser l’interprétation, et retourner le Logos johannique comme projection de l’Homme, non dans l’invention de Dieu (“à l’image de l’homme”, voir la boutade de Prévert) mais dans le “principe des choses” (De Natura rerum, Lucrèce) qui fait que la Nature est animée (semble animée ?) d’un mouvement autonome que nous croyons pouvoir comprendre. Le passage sur les ténèbres, qui n’ont pas “compris” (katalambano, le verbe le plus commun pour traduire la compréhension, par exemple linguistique, avec un Grec) la lumière – alors même que sa vue s’impose forcément (lux in tenebris), s’interprèterait ainsi comme une invitation à aller au-delà du “phénomène” (ça brille) pour “comprendre” la “logique” qui l’anime -retrouver le Logos, que le logos humain ne cesse de poursuivre. Mais ce Logos existe-t-il ? Ou plus exactement, est-il accessible à notre propre logos, ou, s’il l’est, comment ? La physique quantique est venue perturber la raison cartésienne, et voilà le débat à nouveau relancé…

    • Cher Charles, merci de vos remarques.
      Oui le monisme spinoziste vs le dualisme augustinien. Et le texte de Jean n’est pas vraiment spinoziste LOL …
      Robert Misrahi que j’avais reçu à la GLDF était le meilleur pour nous l’expliquer.
      “Que nous croyons pouvoir comprendre” je dirais plutôt expliquer (au sens de Wilhelm Dilthey) même sans y parvenir car la compréhension veut aller au-delà de l’explication jusqu’à l’interprétation des fins dernières dans un système de déterminisme absolu type spinoziste justement.
      Comme je l’ai dit : nous sommes dans un champ métaphysique et dans un monde de symboles et non de concepts mesurable et vérifiables quant à leur pertinence (voir Paul Ricœur). De fait on a le droit et presque le devoir d’interpréter.
      Et le droit de tout dire. Mais pas de dire n’importe quoi. En préservant quelque chose comme la logique du tiers exclus aristotélicien (voir le discours inaugural de la chaire de métaphysique de Claudine Tiercelin au Collège de France). Les rituels ont cette fonction : nous donner à penser. Pas à connaître. Mais à penser. Merci pour ces pistes ouvertes à la réflexion. Frat ++ AG

  7. Bonjour
    Je suis toujours impressionné par la qualité intellectuelle des frères qui s’expriment sur des sujets aussi prégnants et profonds que celui dont il est question ici:
    Le Prologue en toute première annonce , ce qui précède le commencement de tout , le Commencement ensuite c’est à dire le début ,le point zéro, puis le Verbe , nécessaire pour porter la ( bonne) Parole c’est à dire à mon sens exprimer le sens du Logos , lequel est premier , mais qu’il convient aussi d’expliciter pour confirmer son sens et …son essence.
    Disons ,” peut être ” pour rester dans l’intime conviction, et donc en dehors du dogme et d’une vérité qui peut être destructrice car trop facilement exprimée, peut-être être que c’est le sens de l’ “Annonce” que propose le Prologue de Jean.
    Notre Frère, fort sagement par delà son érudition, nous propose un chemin que je cite: “L’herméneutique contemporaine argumente l’idée que c’est au lecteur qu’il revient de compléter l’œuvre”.
    C’est ce qui m’a incité à écrire ce commentaire.
    En effet ,Jean le Bien Aimé , s’inscrit, selon mon ressenti , dans la suite de l’Annonce faite par Jean le Précurseur. Le binôme des deux Jean sublime ainsi la force du Verbe , c’est à dire du Message.
    Quel est ce message ?
    C’est celui qui incite l’incrédule à ouvrir la porte et à “recevoir ” dans le sens le plus profond en esprit mais aussi le plus large dans la société des hommes.
    Car c’est cette réception qui permet de retransmettre le message à d’autres.
    Et ceci me semble être le véritable message du Prologue : recevoir pour redonner.
    Pour cela il me semble indispensable de lire et intégrer la suite du Prologue : …A tous ceux qui L’ont reçu Il a donné le pouvoir de devenir enfant de Dieu.
    Ceci me semble être le véritable ” prologue ” à ce qui est en définitive utile dans notre démarche de construction: la Paix ,
    cette Paix qui doit ” régner parmi les hommes” selon le rituel même du REAA dans ses dernières lignes.
    Car sinon à quoi serviraient le rituel et le rite , à quoi servirait la Maçonnerie, et à quoi servirait le Verbe?
    Michel d’Ariane

    • Cher Michel. Merci de vos observations. Je vous rejoins sur l’essentiel. Vous dites : Recevoir pour redonner. Je le formulerait ainsi : Recueillir et transmettre. Recueillir un legs d’intelligence et de spiritualité et le transmettre pour le faire fructifier. Devenir enfant de Dieu en revanche me semble un choix qui renvoie à une foi religieuse. Je ne la conteste en aucun cas mais c’est un choix que je n’ai pas fait. Mon choix c’est de partager avec tous les Hommes de bonne volonté et de volonté bonne, qu’ils soient croyants au sens d’une religion ou non croyants. Afin que la paix un jour règne sur la terre …. mais nous en sommes sans doute d’accord vous et moi : il y a du boulot …. cordialement AG

  8. Passionnant travail, cher Alain, comme d’habitude.
    Il y a un point sur lequel tu n’insistes pas (dans cet exposé) c’est la question du “Arké” traduit en general par “au commencement”. Cependant le sens est plus vaste qu’une notion uniquement temporelle (ce qui n’a d’ailleurs pas vraiment de sens dans l’environnement “divin” éternel , intemporel donc). Ca inclut aussi dans le principe, l’essence, la cause … Ce qui amène sur un autre terrain plus propice à notre FM. Car le Logos serait alors ce qui anime, éclaire, emancipe, libère … hier, aujourd’hui et demain.
    Et on pourrait alors voir l’appelation “dieu” comme simplement une locution pour “figer”, projeter cet indicible.
    Et on aurait là une reponse à cette epineuse et polémique question : “ce dieu, de quoi, qui s’agit-il ?” jamais repondue.
    Et notre approche maconnique, malgré toutes ces imperfections nous donne une modelisation maleable de ce concept etrange …
    A ton avis ?

    • Cher Jean-Luc. Merci de ton intérêt et de ton observation à laquelle je souscris. Tu as raison de le souligner. Mais ce texte est une petite partie d’une réflexion plus large (140.000 signes espaces compris) qui intègre Anaximandre et le concept d’arkhê comme principe.
      J’ai volontairement réduit pour rester dans le format usuel de 450 FM.
      J’ajoute cependant que la traduction latine et catholique dit “in principio erat verbum” le “in principio” étant systématiquement traduit par “au commencement” et non pas “dans le principe”. Quant à la réponse définitive sur la question de Dieu il n’y en aura je pense jamais. Car nous sommes dans la métaphysique. Alors que la physique elle-même – qui relève d’une approche rationnelle – ne sait pas toujours où elle en est ….. Frat ++

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Alain Graesel
Alain Graesel
Conseil en organisation industrielle et ex professeur des universités associé à l'École d'Ingénieurs des Mines de Nancy, Alain Graesel a été Grand Maître de la Grande Loge de France de 2006 à 2009. Il a été président de la Confédération internationale des Grandes Loges Unies de REAA de 2010 à 2020. Auteur de : "La Grande Loge de France" Éditions PUF "Que sais-je?" 3e édition 2014 Lien sur Google "Graesel Grande Loge PUF" : https://tinyurl.com/Graesel-GLDF - "L'initiation au 1er degré du REAA" avec Michel Gerhart, ancien Grand Expert de la GLDF, Éditions Numérilive 2023 Lien sur Google "Graesel Numérilivre" : https://tinyurl.com/Graesel-Numerilivre

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