jeu 19 septembre 2024 - 17:09

Dans les coulisses de l’école de la République : Grande et petites histoires revisitées

Il est intéressant de noter que c’est Nicolas Penin, récemment élu grand maître du Grand Orient de France (GODF), qui nous a inspirés à entreprendre cette note de lecture.

Nicolas Penin – GODF

Conseiller Principal d’Éducation (CPE) et ancien responsable syndical à l’UNSA, Nicolas Penin a été élu à la tête de cette importante obédience maçonnique française le jeudi 22 août dernier, succédant à Guillaume Trichard. Né en 1975 dans la région Nord-Pas-de-Calais, Nicolas Penin, à 48 ans, incarne la continuité des valeurs républicaines de l’école publique et de la laïcité, dont il est un fervent défenseur. D’ailleurs, demain, dimanche 1er septembre, de 9h42 à 10h, « Divers aspects de la pensée contemporaine », émission de France Culture, recevra le nouveau grand maître du GODF.

Dans son discours d’élection, il a immédiatement mis en avant la nécessité de renforcer ces piliers fondamentaux, avertissant que toute faiblesse dans ces domaines pourrait ouvrir la porte à des risques de séparatisme et de ségrégation. Son parcours dans l’Éducation nationale, notamment en tant que secrétaire régional du syndicat Unsa-Éducation pour les Hauts-de-France, l’a profondément ancré dans les débats actuels sur l’éducation en France. C’est précisément cette passion pour l’école publique et la défense de ses valeurs républicaines qui nous a donné l’envie et l’idée de réaliser cette analyse approfondie de l’ouvrage Grande et petites histoires de l’école.

Ce livre du documentaire événement de France TV de Françoise Davisse et Carl Aderhold (Nathan, 2022) s’inscrit dans une longue tradition d’ouvrages explorant la thématique de l’éducation. L’école, en tant qu’institution, a suscité un intérêt constant au fil des décennies, donnant lieu à une multitude d’essais et de réflexions philosophiques.

Parmi ces ouvrages, citons notamment Pour une éducation humaniste de Noam Chomsky (2010), un essai qui interroge les fondements de l’éducation contemporaine. De même, Réflexions sur l’éducation d’Emmanuel Kant (date de publication originale en 1803) et De l’éducation de Jiddu Krishnamurti (éd. originelle 1959) offrent des perspectives philosophiques profondes sur le rôle de l’éducation dans la formation de l’individu.

D’autres auteurs ont abordé les enjeux contemporains de l’école, comme Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire dans La fin de l’école, l’ère du savoir-relation (2014), ou encore Edgar Morin dans ses multiples contributions, dont Enseigner à vivre (2014) et La tête bien faite (1999). Ces œuvres montrent l’évolution des réflexions sur l’éducation, qui s’étendent bien au-delà des frontières de l’école traditionnelle pour inclure les défis posés par la société moderne et le numérique, comme le souligne L’École, le numérique et la société qui vient de Denis Kambouchner, Philippe Meirieu et Bernard Stiegler (2012).

En somme, Grande et petites histoires de l’école s’ajoute à une vaste bibliothèque d’ouvrages dédiés à l’examen critique de l’éducation, contribuant à enrichir le débat sur l’avenir de l’école et son rôle dans la société.

Revenons à l’ouvrage

Ce livre signé par Françoise Davisse et Carl Aderhold est bien plus qu’une simple évocation de l’évolution de l’école en France. Il s’agit d’une plongée au cœur de ce qui constitue non seulement l’épine dorsale de la société française mais aussi le reflet des aspirations, des luttes et des espoirs qui ont façonné les différentes générations. Ce livre, en lien avec le documentaire événement de France Télévisions, prend le lecteur par la main et le guide à travers des décennies de transformations, parfois douloureuses, souvent nécessaires, de l’institution scolaire.

L’écriture de cet ouvrage se caractérise par une richesse narrative qui entremêle avec habileté anecdotes, faits historiques et réflexions sociopolitiques. Dès les premières pages, les auteurs établissent un lien fort entre l’école et la République, notion centrale et récurrente dans la pensée éducative française. L’école y est présentée non seulement comme un lieu d’apprentissage mais aussi comme un espace de socialisation où se forge l’idée même de citoyenneté. Cette vision est appuyée par une analyse minutieuse des différentes phases de l’évolution de l’école, depuis l’école pour tous, concept révolutionnaire pour son époque, jusqu’aux débats contemporains sur l’inclusivité et l’équité.

Françoise Davisse et Carl Aderhold choisissent de ne pas simplement retracer l’histoire linéaire de l’école mais plutôt d’en exposer les différentes facettes à travers des chapitres thématiques qui explorent des sujets variés tels que le mérite, la promotion sociale, le savoir, la laïcité et le rôle de l’école dans la République. Cette structure permet non seulement de mettre en lumière les enjeux spécifiques de chaque époque mais aussi de démontrer la complexité et la continuité des débats qui entourent l’institution scolaire.

L’école pour tous, telle que présentée dans le premier chapitre, est une idée qui, si elle paraît aujourd’hui évidente, fut à son origine une véritable révolution. Les auteurs rappellent avec pertinence que la démocratisation de l’accès à l’éducation a été un long combat, souvent marqué par des résistances fortes de la part des élites qui y voyaient une menace pour leur hégémonie sociale. Ils soulignent également les contradictions inhérentes à cette idée d’école pour tous, notamment lorsque celle-ci est confrontée à la réalité des inégalités sociales et économiques qui continuent de peser sur le système éducatif.

Les chapitres suivants approfondissent la réflexion en s’attardant sur la notion de mérite et sur la tension entre excellence et égalité des chances. L’idée que l’école doit être un lieu où chacun peut, par son travail, gravir les échelons sociaux est explorée à travers une analyse des politiques éducatives successives et des résultats contrastés qu’elles ont produits. Françoise Davisse et Carl Aderhold  ne manquent pas de souligner les échecs, parfois cuisants, de certaines réformes qui, en cherchant à promouvoir l’excellence, ont renforcé les inégalités au lieu de les atténuer.

Un des moments forts de l’ouvrage est sans doute la discussion autour de l’école laïque, pilier de la République française. Les auteurs montrent comment cette laïcité, souvent érigée en rempart contre les influences religieuses, a évolué pour devenir un point de crispation dans les débats contemporains sur l’identité nationale et le vivre-ensemble. Ils n’hésitent pas à aborder les controverses les plus récentes, notamment celles liées au port des signes religieux à l’école, en offrant une perspective historique qui éclaire les enjeux actuels.

L’analyse se poursuit avec un chapitre consacré à l’école de la République, où l’accent est mis sur le rôle fondamental de l’école dans la construction d’un sentiment d’appartenance nationale. Les auteurs explorent comment, à travers l’histoire, l’école a été utilisée comme un outil de propagation des valeurs républicaines, mais aussi comme un moyen de contrôle social. Cette dualité est présentée de manière nuancée, avec une attention particulière portée aux périodes où l’école a dû naviguer entre ces deux fonctions parfois contradictoires.

Enfin, l’ouvrage se termine sur une réflexion autour de la question brûlante de la séparation ou de l’unification des élèves selon leurs origines sociales et culturelles. Ce dernier chapitre est particulièrement percutant, car il soulève des questions fondamentales sur l’avenir de l’école en tant qu’institution capable de garantir à la fois l’égalité des chances et la cohésion sociale.

La biographie des auteurs

Françoise Davisse

Françoise Davisse est une réalisatrice et documentariste française reconnue pour ses travaux qui abordent des sujets de société avec une approche à la fois critique et engagée. Son expertise dans l’analyse des dynamiques sociales et éducatives lui confère une perspective unique, qu’elle partage dans cet ouvrage en collaboration avec Carl Aderhold.

Carl Aderhold

Carl Aderhold est un écrivain et historien français, auteur de plusieurs ouvrages qui explorent des thématiques variées allant de l’histoire à la littérature. Son approche rigoureuse et documentée permet de donner à l’ouvrage une profondeur historique et une richesse d’analyse qui complètent parfaitement la vision de Françoise Davisse.

Présentation de l’éditeur Nathan

Nathan est une maison d’édition française fondée en 1881, spécialisée dans la publication de livres scolaires, d’ouvrages parascolaires, de jeunesse et d’essais. Reconnue pour son engagement en faveur de l’éducation, Nathan s’est imposée comme une référence dans le domaine des publications pédagogiques. Avec Grande et petites histoires de l’école, Nathan continue de jouer un rôle clé dans la réflexion sur les enjeux éducatifs contemporains, en offrant une plateforme à des voix qui interrogent, analysent et proposent des solutions pour l’avenir de l’école.

Grande et petites histoires de l’école est un ouvrage incontournable pour quiconque s’intéresse à l’histoire de l’éducation en France et aux débats actuels qui façonnent l’avenir de cette institution fondamentale. Les auteurs, par leur approche rigoureuse et leur capacité à rendre accessible une matière complexe, offrent au lecteur une véritable immersion dans les méandres de l’histoire scolaire française, tout en l’invitant à réfléchir sur les défis qui se posent aujourd’hui.

Grande et petites histoires de l’école

Carl Aderhold – Françoise Davisse-Nathan, 2022, 240 pages, 16,95 €

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti, directeur de la rédaction de 450.fm, est chroniqueur littéraire, membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France, médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu'il a initiées.

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