« Rouge », titre du vingt-huitième volume de la collection des Essais Écossais, se présente comme une exploration profonde et symbolique de la couleur rouge dans le cadre des rituels maçonniques et au-delà.
Cette œuvre collective, réalisée sous l’égide du Chapitre Germain Hacquet, résume un travail de réflexion intense mené pendant trois ans par des contributeurs appartenant à la haute juridiction du Grand Collège des Rites Écossais – Suprême Conseil du 33e degré en France – Grand Orient de France. Le texte se distingue par son ambition de plonger au cœur de la symbolique du rouge, une couleur à la fois universelle et particulière, omniprésente dans l’histoire de l’humanité, et qui trouve un écho particulier dans les pratiques et les traditions maçonniques.
Dès la préface rédigée par Christian Confortini, Grand Commandeur du Grand Collège des Rites Écossais – Grand Orient de France – dont le rôle est de guider les travaux rituels et de promouvoir les valeurs de fraternité et d’universalité au sein du Rite Écossais –, le rouge est décrit comme la couleur de l’amour, de la fraternité, mais aussi de la lutte contre l’indifférence et l’inaction. Le rouge est ici présenté comme le fil conducteur de l’expérience humaine, un symbole qui transcende les cultures et les frontières, rappelant aux Chevaliers Rose Croix leur engagement à réunir « tous les Hommes d’un esprit éclairé ». Christian Confortini évoque la dualité du rouge, une couleur à la fois de vie et de mort, de lumière et de feu, symbolisant ainsi les extrêmes de l’existence humaine. Il souligne également la liberté que cette couleur incarne, une liberté qui éclaire le chemin de vie des maçons, les invitant à ne jamais perdre de vue la flamme de l’amour et de la fraternité qui doit brûler en chacun d’eux.
L’avant-propos d’Hervé Le Guern introduit l’ouvrage comme le fruit des réflexions du Chapitre Germain Hacquet, soulignant l’importance de ce travail dans le cadre des publications du Grand Orient de France. Il insiste sur la continuité de ce volume avec les précédents de la collection, Le Voile et Le Noir, réalisés par la loge de perfection, en rappelant que Rouge s’inscrit dans une tradition de travail en loge visant à partager des réflexions d’intérêt pour tous les lecteurs des publications maçonniques. Il précise que le rouge, couleur du Chapitre, est un symbole écossais par excellence, une image du Rite Écossais Ancien Accepté, et que cet ouvrage reflète la diversité des pensées au sein de la franc-maçonnerie, tout en restant fidèle à l’esprit de fraternité qui caractérise les travaux des ateliers Germain Hacquet.
L’ouvrage se compose de plusieurs essais qui explorent chacun un aspect particulier de la symbolique du rouge. Jean-Luc Le Bras ouvre la discussion avec un texte sur « Le symbolisme du sang dans les anciens rituels maçonniques », où il examine la place du sang, et par extension du rouge, dans les pratiques rituelles historiques, mettant en lumière sa dimension sacrée et universelle.
Lionel Pourtau, avec « Jupiter Capitolin empourpré ou le chemin des hommes faits Dieux », suit cette analyse en s’intéressant au rôle du rouge et du pourpre dans les mythes anciens, et notamment dans la représentation des dieux et des héros et plus particulièrement avec Jupiter, le roi des dieux dans la mythologie romaine. Cette exploration mythologique du rouge souligne son lien avec la divinité et le pouvoir, une association qui trouve encore un écho dans les rituels contemporains.
L’image de Jupiter Capitolin « empourpré » renvoyant aussi à l’idée de la divinisation des hommes à travers l’accès au pouvoir suprême, à l’immortalité, ou à l’élévation spirituelle. Le rouge, dans ce contexte, symbolise non seulement le pouvoir temporel et l’autorité divine, mais aussi le chemin initiatique que doivent emprunter les hommes pour s’élever au rang des dieux, pour atteindre une forme de transcendance. Ce processus initiatique, symbolisé par la couleur rouge – couleur du feu et du sang, représente à la fois la vie et la mort, la passion et la raison – peut être interprété comme une métaphore de la transformation intérieure que subissent les initiés au sein des rituels maçonniques.
Jean-Louis Bischoff poursuit avec « Rouge s/amour », un essai poétique qui explore la relation intime entre le rouge et l’amour, non seulement dans sa dimension charnelle mais aussi spirituelle. Cette exploration est suivie par l’analyse historique de Jean-Pierre Villain sur « Le symbolisme du rouge au XVIIIe siècle », qui replace la couleur dans le contexte de son époque, marquée par des révolutions et des bouleversements sociaux. Michel Barat contribue avec « Rouge : symbole écossais », un texte qui approfondit la relation spécifique entre le rouge et le Rite Écossais, soulignant la manière dont cette couleur incarne les valeurs et les idéaux du rite.
Frank Jamet, avec « Le coup de rouge : une voie pour le Chevalier Rose Croix », explore la signification du rouge pour le Chevalier Rose Croix, en s’appuyant sur des éléments symboliques et rituels propres à ce degré de la franc-maçonnerie. Et de commencer par analyser les notions de « Coup de rouge » et l’expression « Mettre de l’eau dans son vin », tout en étudiant l’inverse, soit « Mettre du vin dans son eau »… Il nous entretient aussi, dans les religions, des cérémonies de purification (eau, sang ou huile). Marc Lebiez et Yves Leonard, avec leurs essais respectifs « La couleur rouge » et « Rouge comme un œillet d’avril », poursuivent cette exploration en analysant le rouge sous différentes perspectives symboliques et historiques. L’Œillet d’avril faisant bien évidemment référence à la Révolution des Œillets du 25 avril 1974 au Portugal, un coup d’État militaire pacifique qui a renversé la dictature de l’Estado Novo. Les soldats et les citoyens portaient des œillets rouges, symboles de liberté, dans les canons des fusils pour célébrer la fin de près de 50 ans de régime autoritaire et le début de la démocratie au Portugal.
Jacques Orefice clôt le recueil avec une réflexion sur « Le sang a-t-il un genre dans les rituels du 18e degré ? », une question qui ouvre sur des considérations profondes concernant la symbolique du sang et sa représentation dans les rites maçonniques.
Les différents contributeurs, chacun avec leur approche unique, apportent une richesse de perspectives qui rendent cet ouvrage indispensable pour ceux qui s’intéressent à la symbolique du rouge dans la franc-maçonnerie. Les essais sont autant de facettes d’une même pierre précieuse, un prisme à travers lequel la lumière du rouge se décompose en une multitude de significations. La couleur rouge, ici, n’est pas seulement une teinte, mais un concept vivant, vibrant, qui continue de résonner dans les rituels et les pratiques maçonniques modernes.
De plus, l’inclusion de « Débats » à la fin des textes enrichit considérablement la portée et la profondeur de l’œuvre en offrant plusieurs avantages clés. Cette confrontation d’idées éclaire les différentes perspectives et nuances autour de la symbolique du rouge, permettant aux lecteurs de voir comment une même couleur peut être interprétée et signifiée de multiples façons selon les contextes historiques, culturels, et philosophiques. Cela offre aux lecteurs une opportunité d’aller plus loin dans leur réflexion et d’acquérir une vision plus critique et nuancée du sujet.
Rouge est donc bien plus qu’un simple volume de la collection Essais Écossais. Il s’agit d’un véritable traité symbolique qui invite chacun à une exploration intérieure profonde à travers une couleur qui ne cesse de fasciner et de résonner dans les pratiques humaines depuis des millénaires. Ce livre s’adresse non seulement aux francs-maçons mais à tous ceux qui cherchent à comprendre les mystères de la symbolique des couleurs dans l’histoire et les rituels.
Les Essais Écossais – Rouge
Collectif – Grand Collège des Rites Écossais-REAA-GODF, Vol. 28, 2024,178 pages, 15 €. La librairie des rites écossais.