jeu 12 septembre 2024 - 18:09

Universalisme : valeur en péril ?

Les conflits en cours nous montrent que l’universalisme marque le pas face aux tentations impérialistes de certains pays, dont ceux mus par une animosité envers l’occident. L’histoire n’est pas linéaire.

Ce n’est plus une nouveauté, et pour personne : les pays occidentaux font l’objet d’une hostilité de la part de tous les autres pays. Et ce, qu’ils aient été colonisateurs ou non. Les pays occidentaux ont tous été à un moment ou l’autre des promoteurs de notre modèle démocratique / libéral. Cette démocratie, nous la croyions en voie de généralisation tout autour de notre globe : universelle. Les philosophes des Lumières avaient bien vu la longue liste de points communs que partagent tous les humains. Parmi ces points communs on retrouve pas mal de valeurs telles que la liberté, l’égalité en droits, la fraternité.

Tiens, cela nous mène aux francs-maçons, qui ont aussi pris leur essor au 18e siècle. La franc-maçonnerie dite de tradition s’intéresse d’abord à l’individu. Constatant la difficulté qu’il y a à vouloir s’améliorer personnellement, et qu’il y a des cas « désespérés », elle ne se veut pas comme convenant à tous. Elle annonce néanmoins en conclusion viser le perfectionnement de l’Humanité tout entière (ex : règle 4 sur GLNF.fr). Il s’agit donc bien de visées universelles.

La maçonnerie libérale/adogmatique, elle, affiche plus directement encore ses ambitions universalistes.

À côté de ses travaux symboliques et tournés vers la connaissance/amélioration de soi, la réflexion et l’action sociétale abordent les dynamiques collectives et civilisationnelles. Le perfectionnement intellectuel et social de l’Humanité apparaît dès le premier article de la constitution du GODF.

Mais revenons à cette animosité envers les pays dits occidentaux. Elle est analysée par Amin Maalouf dans son « Labyrinthe des égarés ». Le cheminement historique est différent pour chaque pays, mais on détecte des similitudes. Presque toujours on rencontre des médailles à deux faces. D’un côté on a certes les avantages et bénéfices de la modernité associée à la démocratie et à la technologie apportés par l’occident. Mais une lecture plus lucide révèle côté pile des arrangements plus discrets et dissymétriques, qui laisseront un goût amer chez les « émergents ». Encore plus destructeurs, les épisodes du type deux poids deux mesures, dans lesquels la violence unilatérale s’est invitée, en contradiction des discours lénifiants tenus par nos chancelleries.

Alain Bauer relate cela également dans son « Au commencement était la guerre ». Il indique de plus que notre torpeur qui a suivi la chute de l’URSS était un aveuglement. L’appeler « dividendes de la paix » montrait que le pouvoir était passé chez nous aux mains des comptables. Difficile de ne pas voir de similitude avec la période d’avant la seconde guerre mondiale, où nous avions laissé Hitler avancer trop loin.

A la chute du Mur nous avons fait d’intenses efforts pour ne pas écouter ce que terroristes et dictateurs avaient à nous dire.

À présent la fin de la récréation a sonné et il est grand temps de « s’y remettre ». Alain relève que parmi les pays qui nous font actuellement souci il en est un nombre important qui autrefois ont eu un empire. Le fantasme de la puissance peut hanter longtemps tout un peuple. Et même s’il n’y a pas eu d’empire, la motivation reste un élément capital influençant l’issue des conflits. 

Mais nous avons une presque « bonne nouvelle ». Plusieurs régimes autoritaires se découvrent moins efficaces qu’ils ne le pensaient, et des régimes démocratiques moins faibles qu’ils ne le craignaient.

En effet, les régimes dictatoriaux reposent sur peu de dirigeants, souvent un seul, ce qui entraîne presque mécaniquement une bien faible qualité décisionnelle, avec une faible motivation de la population générale. A contrario, les pays démocratiques peuvent se révéler forts, à condition que leurs ennemis intérieurs ne leur mettent pas le moral à zéro. À ce propos, il faut observer les groupes politiques, mais aussi les médias ( sont-ils systématiquement négatifs ?), les groupes religieux ( et les francs-maçons ? ), et les influences étrangères ( trolls, bots, fermes à fake news ). Ces derniers temps, chaque élection se joue sur le fil entre vote protestataire et abstention massive.

Il ne faut pas oublier que dans notre monde actuel, la guerre ne se déclare plus.

On dit qu’elle est hybride car mélangeant le dur et le soft, l’officiel et le crypté, l’intense et le feutré. Désormais une guerre démarre bien avant que la démocratie ne détecte les dégâts déjà occasionnés : attaques informatiques et autres sabotages. Et on constate qu’apporter des preuves de l’identité des agresseurs est souvent malaisé. Rien n’est plus pousse-au-crime !

Sur le plan psychologique, puisque les années passées à soigner son petit moi vont devoir se terminer, au profit d’une action plus collective, Alain conclut : « le tout-à-l’ego ne fait plus loi, le nous se reconstitue, sourdine sur le moi-je ». Nos années de diastole « laisser faire, laisser dire » se terminent, voici venir les années systole « serrer les poings et les rangs, sans compter les dents ».

Pour paraphraser notre pote l’Ecclésiaste : « il y a un temps pour tout : pour la paix que l’Occident a crue acquise, pour cette démocratie qu’il a crue irréversible, et même pour ce libéralisme qu’il a cru universel, mais aussi pour tous les contraires ».

Nous nous en doutions, mais il est encore démontré que l’histoire est tout sauf linéaire, et que les retours en arrière peuvent être longs et douloureux.

Universel : nous avions démarré sur cette valeur.

Elle est provisoirement bien malmenée, prise dans la gigantesque bataille culturelle permanente qui agite la planète. Cette bataille dresse l’un contre l’autre le groupe des similitudes humaines contre celui des différences. Face à l’universalisme on voit le mur des identités. Le mur identitaire peut de plus être clivé/multiplié par les wokismes, racismes et autres -ismes toxiques. On oppose le genre au sexe, on répond communautarisme à ceux qui clament république, on dit droit des minorités en réponse à la légalité/légitimité de la majorité. Bref la dualité du pavé mosaïque est en fait la reine des cœurs…où est la tête ?

Faisons en sorte qu’elle reste froide, sur nos épaules, avec les yeux et les oreilles bien ouverts. Néanmoins n’oublions jamais nos valeurs maçonniques telles que la bienveillance. Bernanos concluait : « Au commencement était la guerre, espérons finir en paix ».

7 Commentaires

  1. L’universalisme est une de nos valeurs ; nous la partageons avec d’autres courants de pensée !
    Faut-il assimiler la Paix à l’universalisme ? Personnellement je ne le crois pas ! Il s’agit de deux approches bien différentes !
    L’universalisme n’existe pas actuellement ; comme d’autres valeurs, il s’agit d’un souhait !
    Comme la franc-maçonnerie n’a pas une approche politique des relations sociales, il est normal que nous n’ayons rien à dire sur les conflits d’intérêts qui agitent les nations !
    Ce qui est dommage, c’est que ce désir d’universalisme n’est pas vraiment mis en pratique par les obédiences françaises pour ne parler que de celles qui nous sont proches. Les obédiences se comportent comme un vulgaire groupement d’intérêt ! Les associations inter-obédientielles sont plutôt formelles !
    Les jumelages de loges ont une existence difficile !
    Une question simple et pratique : sachant que pour faciliter l’universalisme, un langage commun faciliterait bien les relations, pourquoi ne pas imaginer l’anglais comme le langage universel ?
    Fraternité et merci à notre Frère Patrick d’avoir abordé ce sujet !

  2. Les propos de Merlin en réponse au commentaire de Patrick VD m’enchantent … je n’ajoute rien sauf à proposer d’y réfléchir profondément, à défaut de quoi beaucoup resteront aveugles à vie 🤗

  3. Cet article démontre bien la cécité béate de son auteur.
    Il ne voit pas que « l’universalisme » dont il se gargarisme est souvent le cache sexe d’un impérialisme américain et du suivisme européen.
    La plupart des guerres de ces 80 dernières années ont été menées par l’Occident impérialiste au nom de ses intérêts.
    Les guerres coloniales, la guerre du Vietnam, les guerres d’Amérique latines…
    En Europe, la guerre de Yougoslavie où nous avons cautionné une agression US contre la Serbie.
    Le fameux « devoir d’ingérence » qui a détruit l’équilibre de la Libye ou de la Syrie.
    Et enfin le conflit en Ukraine préfiguré par le coup d’état de Maidan piloté par la CIA et le refus de l’OTAN de prendre en considération le besoin de sécurité de la Russie avec une Ukraine démilitarisée.
    Bref cet universalisme de pacotille ramené à la defense des interêt occidentaux à fait plus de dégât qu’une simple non-ingérence dans les affaires du monde.

    • Cher Merlin75,
      Vous évoquez l’Ukraine. Côté maçonnique, avez-vous des nouvelles de la GLNF qui a coconsacré la Grande Loge d’Ukraine en 2005 avec celle d’Auriche, me semble-t-il, et a consacré la Grande Loge de Russie en 1995 ? La GLNF oeuvre-t-elle intelligemment pour favoriser un retour à la paix ?

      • Mon cher Anatoliy
        Je n’ai pas d’informations particulières sur l’action de la GLNF dans cette affaire.
        Mais il me semble que le devoir d’un FM c’est d’oeuvrer pour la paix. Et donc de ne pas pousser l’Ukraine à l’intransigeance mais plutôt de la pousser à négocier avec la Russie.
        Bref tout le contraire de l’action des occidentaux qui encouragent l’Ukraine à continuer cette guerre.
        Et tant pis si l’Ukraine perds quelques territoires russophones dans la négociation. Cela économisera bien des vies, tant du côté ukrainien que du côté russe.
        Si la France avait refusé un armistice avec l’Allemagne en 1870, en refusant de perdre l’Alsace et la Lorraine, il y aurait eu encore des centaines de milliers de morts sans plus de résultats.

    • Cécité béate ? Que nenni ! Juste une tentative d’échapper à l’insupportable propagande manichéenne au profit de la voie du milieu, comme l’ont fait les deux auteurs cités dans l’article. Mais c’est trop demander à certains.

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Patrick Van Denhove
Patrick Van Denhovehttps://www.lebandeau.net
Après une carrière bien remplie d'ingénieur dans le secteur de l'énergie, je peux enfin me consacrer aux sciences humaines ! Heureux en franc-maçonnerie, mon moteur est la curiosité, et le doute mon garde-fou.

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