jeu 31 octobre 2024 - 09:10

Le pavé mosaïque des fous

(Les « éditos » de Christian Roblin paraissent le 1er et le 15 de chaque mois.)

Dans un pays qui n’a plus de boussole, où il n’y a plus que des gyrophares et des sirènes hurlantes, les Jeux Olympiques se sont ouverts sous un ciel pluvieux. Je voudrais ici revenir brièvement sur la cérémonie qui a illustré à plaisir les multiples talents des artistes et des techniciens français, qui abreuvent, de longue date, sur des budgets publics, des courants culturels ne tombant pas, pour le moins, dans la soupière commune des programmes audiovisuels.

Cette soirée aura réuni beaucoup de Français, projetant à la face du monde une image ironique de leur pays que bien des peuples sans doute ont du mal à saisir, quoiqu’ils prêtent volontiers à l’esprit hexagonal de l’audace voire de la témérité poussant l’éclat jusqu’à la lisière de la caricature.

Bref, nous nous revendiquions universels, ce soir-là, je crains que nous soyons surtout apparus plus Français que jamais, sauf que probablement les Français, non plus, ne sont pas ainsi, même s’ils ont récemment montré dans les urnes que, contre un danger venant d’eux-mêmes, risquant de les isoler du monde, ils étaient prêts, sans conjurer tous leurs démons, à se mobiliser à cet instant critique, au-delà de leurs autres divisions, pour protéger toutes les minorités… sans pour autant, soulignons-le, les porter aux nues.

Ce dernier point ne saurait être négligé car nos concitoyens respirent encore à pleines narines tous les remugles de leur histoire. Néanmoins, force est de constater qu’ils voient avec faveur leurs couleurs triompher, dans les stades, grâce à des athlètes de toutes origines. Ils sont même prompts à les prendre alors en exemples, entonnant d’un seul cœur l’hymne national. Au fond, le principe d’universalité qu’ils prétendent encore porter sous leur drapeau  – et qui, regrettons-le, est de moins en moins un phare pour le monde –, va-t-il réellement bien au-delà de la fierté et de l’émotion ?

L’enfer, dit-on, est pavé de bonnes intentions. Il le serait aussi de bons sentiments. La situation générale que nous affrontons, y compris dans la parenthèse des Jeux, ne résout rien de nos scissions internes, des dualités que nous réputons insurmontables, rien des excitations violentes et spectaculaires dans lesquelles se complaît le débat public, rien donc de cette schizophrénie qui nous déphase des réalités, rien davantage non plus de cette hystérie qui électrise nos moindres réactions.

Je vous le dis, Mes Sœurs et Mes Frères – si l’humour est encore permis au pays de l’ironie –, il faudrait, au moins, rendre obligatoires des stages de franc-maçonnerie car, sans le secours du dialogue et de la raison, le pavé mosaïque des foules, opposant des passions brûlantes et ravageuses, tout recouvert qu’il soit, pendant quelques semaines, des rêves glorieux d’un olympisme lénifiant, le pavé mosaïque des foules risque de demeurer, pour trop longtemps encore, le pavé mosaïque des fous.

7 Commentaires

  1. Très cher,
    Avez-vous oublié l’audace.
    La France n’est-elle pas ça aux racines de son existence ?
    Je ne suis pas prompt à me faire traiter de fou.
    Il est contraignant que la critique empêche les plus courageux de bâtir.
    Si au moins la culture était dépositaire des professeurs.
    Nous n’aurions cette incompréhension des masses.
    Mais assoiffés de richesse et de pouvoirs les puissants ne partagent pas le savoir appartenant à tout le monde avec n’importe qui.
    Ne reproché pas aux petits gens d’être fou quand ces les loges égoïstes qui ont noyé la France sur une dette colossal.
    Une immigration incontrôlé la ruine de notre armée notre culture et notre savoir.
    Un peu de respect.
    Pour les gens qui vivent de leurs sueurs
    Cordialement

    • La folie est, en dernière analyse, dans notre incapacité à gérer nos contradictions. Elle ne vise aucunement, dans mon propos, une classe sociale en particulier. Elle relève de notre peuple, dans son ensemble.
      Quant à la franc-maçonnerie, elle n’a plus guère d’influence et ce, de longue date. On le voit, d’ailleurs, dans notre fracassante vie collective. Les groupes de pression sont organisés bien en dehors d’elle. Elle-même n’est pas unie sur les questions de société ni moins encore sur l’opportunité de ses interventions.
      Au reste, elle ne représente pas plus, en France, qu’un quart de centième de la population (environ 175 000 individus pour 70 millions d’habitants, soit 0,25 % de la population), autrement dit, à peine l’épaisseur du trait dans l’Histoire.
      Merci, en tous cas, de m’avoir lu et d’avoir exprimé votre point de vue.

  2. Ah, la grande complexité de la pensé universaliste ! Rentre-t-elle en conflit direct avec le besoin de vivre ensemble, le besoin de se retrouver sous une bannière commune ? Peut-on être fier d’être français et considérer tous les humains comme ses frères ? Il faut prendre un peu de recul et considérer que ses passions sont partagées par toute l’humanité. Elles sont ancrées dans notre nature. À nous de faire preuve de raison pour nous-mêmes et ,pour les autres, de ne pas trop juger notre prochain.

  3. Tout à fait de cet avis car, de cette ouverture des JO, manifestation sportive ô combien symbolique, que retiendra-t-on, outre, certes, la magnificence, sinon, à divers tableaux (trop à mon avis), une pantalonnade prétentieuse, malveillante pour un grand nombre, et…. quelque peu décadente. J’ai dit !

    • Bonjour,
      MonBAF:.
      Effectivement une très belle cérémonie, par contre je n’ai pas compris ou ne comprends pas, le mot décadence dans votre propos. Merci de m’éclairer sur ce point

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Christian Roblin
Christian Roblin
Christian Roblin est le directeur d'édition et l'éditorialiste de 450.fm. Il a exercé, pendant trente ans, des fonctions de direction générale dans le secteur culturel (édition, presse, galerie d’art). Après avoir bénévolement dirigé la rédaction du Journal de la Grande Loge de France pendant, au total, une quinzaine d'années, il est aujourd'hui président du Collège maçonnique, association culturelle regroupant les Académies maçonniques et l’Université maçonnique. Son activité au sein de 450.fm est strictement personnelle et indépendante de ses autres engagements.

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