mar 17 septembre 2024 - 08:09

Ernesto Nathan, juif, gauchiste, anticlérical, maire de Rome… et franc-maçon !

erasmo, la revue mensuelle du Grand Orient d’Italie (GOI), s’affirme comme une pierre angulaire de la communication et de la culture maçonnique en Italie. Sous la direction de Stefano Bisi et avec la précieuse collaboration de Velia Iacovino, cette publication offre chaque mois un reflet fidèle de l’actualité, de l’histoire et des perspectives de la franc-maçonnerie italienne. Publiée par l’Association Grande Oriente d’Italia à Rome, et imprimée par Consorzio Grafico srl à Castel Madama, erasmo se distingue par la richesse et la diversité de son contenu.

Chaque édition débute par une allocution ou un éditorial signé par le grand maître ou d’autres dignitaires, apportant des réflexions éclairées sur les événements contemporains, les orientations de la franc-maçonnerie ou des rappels historiques marquants. Ce préambule sert de guide moral et intellectuel, orientant les lecteurs à travers les thèmes du numéro.

La revue plonge ensuite ses lecteurs dans des articles historiques détaillés, mettant en lumière des figures emblématiques de la franc-maçonnerie. Par exemple, le numéro dédié à Ernesto Nathan explore avec profondeur sa vie, son œuvre et ses contributions majeures en tant que maire de Rome et grand maître du GOI. Nathan, avec sa vision progressiste et ses actions déterminantes, incarne les idéaux maçonniques de liberté, d’égalité et de fraternité. Son héritage est minutieusement retracé, illustrant comment ses initiatives ont façonné la Rome moderne tout en soulignant les valeurs de la franc-maçonnerie.

Blason du GOI

erasmo se fait également l’écho des nouvelles de la grande loge, relatant avec précision les événements récents, les assemblées importantes, les commémorations et les visites officielles du Grand Maître, tant en Italie qu’à l’étranger. Chaque événement est décrit avec une attention particulière aux détails, offrant aux lecteurs une compréhension claire des activités et des initiatives en cours.

Stefano Bisi, directeur de publication

La revue offre également une rubrique intitulée « Rencontre avec l’auteur », où sont présentées des œuvres littéraires et leurs auteurs, souvent en lien avec la franc-maçonnerie. Cette section permet aux lecteurs de découvrir des publications pertinentes, enrichissant ainsi leur culture maçonnique et intellectuelle.

L’une des parties les plus captivantes d’erasmo est sans doute celle qui explore les relations complexes entre la franc-maçonnerie et les régimes politiques historiques, comme le fascisme en Italie. À travers des analyses critiques et des perspectives historiques, cette rubrique éclaire des aspects souvent méconnus ou mal compris de l’histoire maçonnique, offrant une profondeur de réflexion sur les défis et les résiliences de l’ordre maçonnique face aux bouleversements politiques.

La revue ne se limite pas aux sujets nationaux et historiques ; elle s’intéresse également aux initiatives locales et aux activités spécifiques à diverses régions d’Italie. Des articles sur les événements à Livourne, Bagheria, Maida et Trieste illustrent l’engagement régional de la franc-maçonnerie. Les projets locaux, les commémorations et les célébrations sont décrits avec une vivacité qui fait écho à l’esprit communautaire et solidaire de la franc-maçonnerie.

Dans chaque numéro, une section est consacrée aux critiques littéraires, aux nouvelles variées et aux annonces importantes pour la communauté maçonnique. Ces sections regroupent des informations pratiques, des mises à jour sur les activités de la Fondation Grande Oriente d’Italia ONLUS, et des perspectives géopolitiques, offrant ainsi une vue d’ensemble complète et cohérente des sujets d’intérêt pour les frères maçons.

Le numéro de juillet 2024, consacré à Ernesto Nathan, est emblématique de cette diversité et de cette richesse de contenu. La couverture met en avant un hommage à Nathan, avec un buste en bronze offert à la commune de Livourne, soulignant ainsi la continuité de son héritage. Les articles principaux détaillent ses réalisations et son impact, tandis que des événements commémoratifs et des discours du Grand Maître Antonio Seminario ajoutent une dimension vivante et actuelle à son souvenir.

erasmo n’est pas simplement une revue mensuelle ; c’est un lien vivant et vibrant entre les membres du Grand Orient d’Italie, un espace de partage de connaissances, de célébration de l’héritage maçonnique et de renforcement des liens fraternels. À travers ses pages, la franc-maçonnerie italienne se dévoile, se célèbre et se projette vers l’avenir, fidèle à ses idéaux et à son histoire.

D’ailleurs, certaines revues de grandes loges qui ne tirent bien souvent qu’une fois l’an et qu’à la seule gloire de leur « Lider maximo » ferait bien de s’en inspirer…

Ernesto Nathan, politicien et franc-maçon

Ernesto Nathan, figure éminente de la politique italienne et de la franc-maçonnerie, est né à Londres le 5 octobre 1845. Issu d’une famille juive nombreuse, il est le cinquième des douze enfants de Moses Nathan, un agent de change anglais d’origine allemande, et de Sara Levi Nathan, une fervente partisane des idéaux républicains de Giuseppe Mazzini. Son enfance est marquée par l’influence de Mazzini, ami intime de la famille lors de leur séjour à Londres. Cette influence façonne profondément ses convictions politiques et culturelles.

Ernesto Nathan

Après la mort de son père en 1859, Ernesto, alors âgé de 14 ans, quitte Londres pour l’Italie. Il passe son adolescence entre Florence, Milan, la Sardaigne et la Suisse, à Lugano. Ce périple à travers l’Italie et la Suisse, régions alors en plein essor révolutionnaire et culturel, enrichit sa formation intellectuelle et politique. En 1870, à 25 ans, il s’établit à Rome, où il devient administrateur du journal mazziniste La Roma del Popolo. Sa carrière politique débute alors véritablement, marquée par un engagement laïque et anticlérical fort.

En 1888, Nathan obtient la nationalité italienne, un jalon crucial dans sa carrière politique. Dès 1887, il est membre du Grand Orient d’Italie, une organisation maçonnique influente, et il en devient le grand maître en 1899, puis de nouveau en 1917. Son rôle au sein de la franc-maçonnerie est déterminant, il s’emploie à promouvoir les idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité.

Ernesto Nathan rejoint l’extrême gauche historique en 1879, puis le Parti radical historique en 1904. Son engagement politique le conduit à être élu conseiller municipal de Rome en 1898. En 1907, il devient maire de Rome, un poste qu’il occupe jusqu’en 1913. Il est le premier maire de Rome à ne pas être issu de la classe des propriétaires fonciers. Son élection, qui peut sembler surprenante pour l’époque, s’explique par sa réputation d’honnêteté stricte et de sens des affaires, qualités reconnues même par ses opposants.

Monument à Victor-Emmanuel II

Lors de ses mandats, Ernesto Nathan doit gérer une ville en pleine expansion. Rome, devenue capitale du Royaume d’Italie en 1870, voit sa population doubler, passant de 230 000 à plus de 500 000 habitants. Confronté à des défis urbains considérables, il s’attaque à la spéculation immobilière et lance une série de grands travaux publics. Parmi ses réalisations notables figurent le monument à Victor-Emmanuel II, le palais de justice, le Stade national (à l’emplacement de l’actuel stade Flaminio), ainsi que la promenade archéologique sur l’Aventin et le mont Cælius. Ces projets ambitieux suscitent des controverses, certains accusant Nathan de défigurer la ville historique de Rome.

Parallèlement, Nathan œuvre pour l’éducation. Il fait ouvrir 150 écoles maternelles, un chiffre impressionnant à l’époque, surtout dans une ville où l’éducation était traditionnellement sous la coupe de l’Église catholique. Il promeut une éducation laïque, ce qui provoque une vive opposition du Saint-Siège. Ernesto Nathan développe également la formation professionnelle, améliore les infrastructures de transport public et crée une compagnie de distribution de l’énergie.

En 1915, malgré son âge avancé, Nathan s’engage volontairement dans l’armée italienne à 70 ans, servant comme lieutenant d’infanterie. Cet acte de bravoure démontre une fois de plus son dévouement envers l’Italie. En 1917, il est réélu grand maître du Grand Orient d’Italie, une position qu’il occupe jusqu’en 1919. Durant cette période, il guide l’organisation à travers les tumultes de la Première Guerre mondiale.

Ernesto Nathan meurt à Rome le 9 avril 1921. Son décès marque la fin d’une carrière dédiée à la politique, à la franc-maçonnerie et à l’amélioration de la société italienne. Il est enterré au cimetière de Campo Verano, près du Panthéon des grands maîtres et des grands dignitaires du Grand Orient d’Italie. Son héritage perdure à travers ses nombreuses contributions à la ville de Rome et à la franc-maçonnerie italienne, symbolisé par la Casa Nathan, siège du Grand Orient d’Italie à Rome, qui porte son nom en hommage à ses réalisations et à ses idéaux.

L’héritage de Nathan est également célébré par le Grand Orient d’Italie à travers des commémorations et des honneurs posthumes. Le 19 juillet 2024, un buste en bronze de Nathan est offert à la ville de Livourne par le Grand Maître Honoraire Massimo Bianchi, marquant ainsi un hommage durable à son influence et à son rôle historique. La cérémonie de dévoilement du buste souligne les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité incarnées par Nathan tout au long de sa vie.

erasmo, disponible pour tous ICI.

Malgré la présence d’un gouvernement italien qualifié d’extrême droite, erasmo se présente comme une revue totalement décomplexée, accessible au grand public sans aucune forme de censure ou de secret. Les noms et prénoms des contributeurs et des figures mises en avant sont publiés sans réserve, en toute transparence, démontrant ainsi un engagement envers la liberté d’expression et un bel esprit d’ouverture.

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti, directeur de la rédaction de 450.fm, est chroniqueur littéraire, membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France, médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu'il a initiées.

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