mar 17 septembre 2024 - 08:09

La carte postale ancienne (CPA) maçonnique du dimanche 28 juillet 2024

L’analyse de cette carte postale ancienne, appartenant à une loge maçonnique baptisée « Petit Orient de France » et intitulée « Loge de la Casserole – Vigilante », dévoile un ensemble de symboles et de figures à décoder avec minutie. L’iconographie, empreinte de mystère et d’ironie, s’attaque visiblement à des personnalités influentes de l’époque, tout en jouant avec les codes maçonniques traditionnels.

La dénomination « Loge de la Casserole – Vigilante »

Elle se déploie avec une ironie mordante et acérée, dévoilant une intention clairement antimaçonnique. L’emploi du terme « Casserole » n’est pas anodin (cf. Le « jeu de la casserole », jeu de l’oie antimaçonnique en 33 cases qui fut mis en vente dès 1905, un titre s’inspirant de « l’affaire des casseroles » ou « affaire des fiches » au début du XXe siècle).

En effet, dans l’imaginaire collectif, la casserole évoque à la fois le bruit, le désordre et les scandales. Elle est l’ustensile des déboires domestiques, le symbole des affaires embarrassantes que l’on traîne comme un boulet. En nommant ainsi cette loge fictive, les auteurs de cette carte postale font preuve d’une malice raffinée, transformant la grandeur de la franc-maçonnerie en une farce domestique et triviale.

Et le qualificatif « Vigilante »

Le qualificatif « Vigilante », quant à lui, ajoute une couche supplémentaire de sarcasme. Il suggère une posture de surveillance, une prétention à la moralité et à l’intégrité, alors même que les membres de cette loge, représentés dans des casseroles, sont tournés en ridicule. Ces casseroles suspendues, avec leurs portraits caricaturés, incarnent une métaphore puissante : celles des figures politiques et sociales “cuits” sous le feu de la critique publique, jugés et moqués par leurs adversaires.

La combinaison des deux termes crée une image de gardiens hypocrites, des vigiles qui prétendent observer les autres tout en étant eux-mêmes la risée. « Loge de la Casserole – Vigilante » sonne comme une moquerie cinglante de ceux qui se voient comme des gardiens de l’ordre moral et social, mais qui, aux yeux des satiristes, ne sont que des acteurs maladroits d’une comédie humaine.

L’ensemble de la carte postale est une parodie mordante, chaque détail étant soigneusement choisi pour dénigrer et discréditer. Les questions intrusives posées dans la section « Fiche de M » ne sont pas de simples interrogations, mais des insinuations perfides, des dards empoisonnés visant à exposer les vices cachés, les failles intimes des maçons. Ces questions dévoilent une suspicion systématique, une volonté de révéler l’hypocrisie perçue des membres de cette société secrète.


Le cachet « Petit Orient de France » (PODF) achève de réduire l’aura de grandeur du « Grand Orient de France » (GODF). Il miniaturise et moque cette vénérable institution, en jouant sur la réduction de sa dénomination officielle. Les symboles sacrés de la franc-maçonnerie, comme le triangle et l’œil omniscient, sont détournés de leur contexte solennel pour servir une satire féroce. Ils deviennent des emblèmes de clairvoyance prétentieuse et de justice biaisée, dénaturés par le sarcasme des auteurs.

Une CPA, fruit d’un antimaçonisme primaire et viscéral

Ainsi, « Loge de la Casserole – Vigilante » se révèle être une création littéraire riche en symbolisme et en critique sociale. Elle est le produit d’une époque où l’antimaçonisme trouvait des expressions variées, allant des pamphlets acerbes aux caricatures mordantes. Cette carte postale incarne une opposition viscérale à l’influence maçonnique, utilisant l’humour et l’ironie pour saper la dignité et l’autorité des figures maçonniques et politiques de la Troisième République. C’est une pièce maîtresse de satire, où chaque élément est conçu pour exposer, critiquer et ridiculiser, dans un style à la fois érudit et populaire.

En haut et à gauche…

En haut et à gauche de cette composition se trouve un triangle, emblème universel de la maçonnerie, contenant un œil omniscient, souvent interprété comme l’Œil de la Providence ou de l’omniscience. Ce symbole est entouré de rayons lumineux, renforçant son caractère divin et révélateur. Autour de ce triangle, des balances sont inscrites avec des termes cryptiques comme « Ptit Aride » et « Va d’écart en écart », qui semblent évoquer des comportements fluctuants ou instables, en contraste avec l’idéal d’équilibre et de justice généralement associé à la balance maçonnique.

Sous le triangle…

Sous le triangle, un ruban arbore la mention « J’en ai un œil !. » suivie, dans un cercle façon ouroboros,  de « F .˙. Pas quet (d’ordures) », ce qui semble être une phrase sarcastique, peut-être visant à ridiculiser une prétendue clairvoyance ou compétence des figures en question. Le cachet « Petit Orient de France » estampille l’authenticité de ce document.

Demandes sans réponse…

En dessous, la section intitulée « Fiche de M » propose une série de questions intrusives et potentiellement compromettantes, destinées à évaluer un individu mystérieux nommé M. Ces questions, telles que « Age et lieu de naissance ? », « Enfant naturel… ou artificiel ? », et « Relations conjugales… et extra conjugales ? », sont autant d’indices d’une enquête approfondie et indiscrète, typique des critiques acerbes ou des satires politiques et sociales.

La galerie de portraits

La partie inférieure de la carte montre une galerie de portraits intitulée « Nos Vénérables », avec une série de figures masculines insérées dans des casseroles, renforçant l’idée de les « faire cuire » ou de les exposer à une sorte de jugement public. Les personnages sont identifiés comme André (affaire des fiches), Henri Brisson, président du Conseil des ministres à deux reprises et connu pour être un franc-maçon actif, Émile Combes, également président du Conseil des ministres et, lui aussi, connu pour son engagement dans la franc-maçonnerie. Ces noms, souvent associés à des figures politiques et sociales de la Troisième République en France, sont ici caricaturés, leur stature déformée par l’iconographie satirique.

Des hommes politiques de la IIIe République

Ces personnages, principalement issus de la Troisième République, témoignent de l’influence notable de la franc-maçonnerie dans la sphère politique de l’époque. Les figures étaient particulièrement marquantes, non seulement pour leurs contributions politiques mais aussi pour leur engagement maçonnique. Ici caricaturés, leur stature est volontairement déformée par l’iconographie satirique.

La mise en scène globale

La mise en scène globale de cette carte postale est à la fois une moquerie et une dénonciation, utilisant des symboles maçonniques familiers pour critiquer et ridiculiser les personnalités éminentes de l’époque. Elle reflète un esprit frondeur, un mélange de symbolisme ésotérique et de satire politique, typique de certaines publications clandestines ou pamphlets qui circulaient à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Chaque détail, des expressions faciales des figures aux jeux de mots et symboles, est conçu pour offrir une critique mordante et ironique des mœurs et des personnalités contemporaines, dans un style à la fois érudit et populaire.

Cette carte postale utilise des éléments visuels et textuels typiques de la franc-maçonnerie mais les détourne de manière à les tourner en dérision. Le but semble être de critiquer et de dénigrer les figures maçonniques ou celles associées au mouvement maçonnique, ce qui est une caractéristique classique de la littérature ou des pamphlets antimaçonniques de l’époque.

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti, directeur de la rédaction de 450.fm, est chroniqueur littéraire, membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France, médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu'il a initiées.

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