Nombreux sont les frères et sœurs espagnols, mais pas seulement, qui, par leurs témoignages, ont révélé à notre rédaction que le franquisme persiste, encore et toujours, en terre ibérique. Depuis une décennie, la montée fulgurante de Vox, un parti politique fondé en 2013 sous la houlette de Santiago Abascal et classé à l’extrême droite, a aussi attiré notre attention.
Né en décembre 2013 des rangs d’anciens membres du Parti populaire – fondé en 1989 par Manuel Fraga, ancien ministre franquiste et chef de la droite conservatrice depuis le retour à la démocratie, en 1977 –, Vox demeure longtemps sans éclat électoral, jusqu’à l’année charnière de 2018. Cette année-là, lors des élections régionales en Andalousie, Vox fait une percée spectaculaire avec près de 11 % des voix, apportant son soutien à l’instauration d’un gouvernement de droite dans la communauté autonome.
Les élections anticipées de novembre 2019 offrent à Vox l’opportunité de plus que doubler son nombre de députés et d’accroître de moitié son pourcentage de voix. Aux élections municipales et régionales de 2023, le parti améliore encore ses résultats, intégrant l’exécutif de plusieurs municipalités et communautés autonomes. Vox participe désormais à l’exécutif de cinq communautés autonomes.
Cependant, les élections générales de juillet 2023 marquent un premier recul pour le parti, qui perd environ 3 % des voix et 19 sièges, réduisant ainsi sa représentation au Congrès à 33 sièges.
Connaître ses ennemis pour mieux les combattre : une leçon intemporelle
L’histoire regorge d’enseignements et l’un des plus puissants est sans doute celui qui affirme qu’il est essentiel de bien connaître ses ennemis pour mieux les combattre. Cette maxime, attribuée à des stratèges aussi divers que Sun Tzu – célèbre en tant qu’auteur de l’ouvrage de stratégie militaire le plus ancien connu L’Art de la guerre – et Machiavel – humaniste florentin de la Renaissance –, transcende les époques et les contextes, trouvant une résonance particulière dans les périodes de conflits et de résistances, comme celles étudiées par le Musée de la Résistance et de la Déportation de la Haute-Garonne.
Une compréhension profonde pour une stratégie efficace
Pour affronter efficacement un adversaire, il ne suffit pas de connaître ses forces militaires ou sa puissance économique. Une compréhension approfondie de ses motivations, de ses faiblesses et de ses stratégies est cruciale. Cela permet de prévoir ses actions et de contrer ses plans avec une précision chirurgicale. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Résistance française a démontré l’importance de l’espionnage et de la collecte d’informations pour affaiblir les forces d’occupation nazies. Les réseaux de résistants, en infiltrant les structures ennemies et en décryptant leurs communications, ont pu orchestrer des sabotages et des actions de guérilla qui ont considérablement entravé les opérations de l’occupant.
L’importance de l’éducation et de la mémoire historique
La connaissance des ennemis ne se limite pas aux seules confrontations militaires. Elle s’étend également aux idéologies et aux systèmes de pensée qui les sous-tendent. Par exemple, la dictature de Vichy et l’Occupation allemande ont été marquées par une propagande intense visant à remodeler les esprits et à imposer une vision totalitaire. Comprendre les mécanismes de cette propagande, les manipulations de l’information et les symboles utilisés par ces régimes est indispensable pour les combattre efficacement. Les expositions et les documents conservés au Musée de la Résistance et de la Déportation permettent de déchiffrer ces codes et d’éduquer les générations futures sur les dangers du totalitarisme et de la xénophobie.
Préserver la mémoire pour éviter la répétition des erreurs
Connaître ses ennemis, c’est aussi se souvenir de leurs actions passées pour éviter de répéter les mêmes erreurs. La mémoire historique joue ici un rôle fondamental. En se remémorant les atrocités commises par les régimes fascistes et en comprenant les contextes qui ont permis leur ascension, les sociétés modernes peuvent renforcer leurs défenses contre les résurgences de ces idéologies. Le buste de la Marianne noire, exposé au Musée, incarne cette résistance silencieuse mais déterminée contre l’oppression. En se souvenant des sacrifices des résistants, des déportés et de tous ceux qui ont souffert sous la dictature, nous honorons leur mémoire et nous nous armons contre les dangers futurs.
L’actualité d’une vigilance nécessaire
Aujourd’hui encore, la montée des extrémismes en Europe et ailleurs rappelle tragiquement que la vigilance est de mise. Les leçons du passé doivent être appliquées avec rigueur pour comprendre et contrer les nouvelles formes de menace. L’exposition “Anatomie du franquisme” est un exemple concret de cette démarche. En analysant les racines et les évolutions de la dictature franquiste, elle offre des clés pour comprendre les dynamiques actuelles de l’extrême droite et pour développer des stratégies de résistance efficaces.
Ainsi, connaître ses ennemis pour mieux les combattre n’est pas seulement une stratégie militaire, mais un impératif moral et intellectuel. En étudiant les forces obscures qui ont marqué notre histoire, en décryptant leurs tactiques et en préservant la mémoire des résistances, nous nous armons d’une sagesse précieuse pour affronter les défis de notre temps. Le Musée de la Résistance et de la Déportation de la Haute-Garonne, par son engagement éducatif et commémoratif, joue un rôle crucial dans cette mission de vigilance et de transmission.
« Anatomie du franquisme » au Musée départemental de la Résistance & de la Déportation
Le musée, en collaboration avec le laboratoire de recherche FRAMESPA de l’Université Toulouse Jean Jaurès, offre un éclairage inédit sur la dictature franquiste. Après un colloque tenu fin mars au Conseil départemental, l’exposition « Anatomie du franquisme » se dévoilera jusqu’au 22 septembre 2024 au Musée départemental de la Résistance & de la Déportation, soutenue par le Gouvernement espagnol.
Un cycle scientifique et commémoratif, une première en Europe
C’est une première en Europe : un cycle scientifique et commémoratif synthétisant les connaissances sur la dictature franquiste accumulées depuis la fin du XXe siècle. « Le franquisme est très peu connu en France, précise François Godicheau, historien et ancien directeur du laboratoire FRAMESPA, coordinateur du projet. Aucun ouvrage récent ne s’est penché sur cette dictature de quarante ans (1936-1977), la plus longue d’Europe occidentale après celle de Salazar au Portugal. L’enjeu est crucial. « Il s’agit de faire comprendre au public européen l’horreur du franquisme pour qu’il soit moins facile de s’en réclamer, ajoute l’expert. Le franquisme n’a jamais été condamné moralement de façon absolue, contrairement au nazisme et au fascisme. Cette ignorance est dangereuse car elle fait du franquisme une ressource culturelle et politique pour l’extrême droite. »
Un travail titanesque
Un travail titanesque a été accompli, mobilisant une équipe d’historiens spécialisés en partenariat avec le gouvernement espagnol. La première partie de l’exposition explore les fondations de la dictature, tandis que la deuxième, prévue pour 2025, analysera les transformations de la société espagnole. « L’objectif est d’expliquer comment cette dictature caméléon a pu perdurer quatre décennies en maintenant ses principes répressifs et sa violence intacts, explique Claire Leger, régisseuse de l’exposition. Deux-cent-dix-sept documents et œuvres seront présentés, provenant du Musée d’Histoire de Barcelone, du Musée Reina Sofia et de la Bibliothèque Nationale d’Espagne. »
De même, les deux colloques, le premier en mars 2024 et le second en 2025, approfondiront la connaissance des diverses facettes du franquisme, en présence des plus grands spécialistes du sujet, avec traduction simultanée.
Une exposition destinée à voyager
L’ancrage de ce projet en Haute-Garonne, profondément marquée par l’exil des républicains espagnols (La Retirada), n’est pas fortuit. Cependant, l’ambition est de faire voyager cette exposition. « L’exposition est conçue pour circuler, car il est nécessaire de construire l’imaginaire collectif autour du franquisme en France et en Europe, y compris en Espagne où cette période demeure taboue », explique Claire Leger. L’objectif est également d’ouvrir des débats plus larges. « Étudier cette dictature, née sous le signe du fascisme et du nazisme mais ayant su s’adapter au monde libéral après 1945, soulève des questions cruciales, observe François Godicheau. Dans un contexte de montée de l’extrême droite en Europe, une question se pose : que devient une dictature fasciste quand elle n’est pas vaincue par les armes ? »
Le Musée de la Résistance et de la Déportation de la Haute-Garonne
Situé au cœur de Toulouse, au 52 allée des Demoiselles, le Musée de la Résistance et de la Déportation de la Haute-Garonne est un lieu de mémoire et d’histoire, inauguré en 1994 pour célébrer le cinquantième anniversaire de la libération de Toulouse et de son département. En complément, le monument à la gloire de la Résistance se dresse fièrement sur l’esplanade Alain-Savary, allée Frédéric-Mistral.
Historique
Ce musée départemental trouve ses origines dans un modeste rassemblement de documents privés en 1974. Sa mission s’est étendue pour embrasser toute la période allant de la fin de la Première Guerre mondiale jusqu’à la Libération de la France, avec une attention particulière sur la dictature de Vichy et l’Occupation. Il s’attache à faire revivre cette époque troublée et à rendre hommage à ceux qui l’ont vécue.
Collections et expositions
Le musée s’articule sur deux étages : le second accueille les collections permanentes, tandis que le premier étage est réservé aux expositions temporaires. En outre, le musée abrite un centre documentaire, un vaste fonds d’archives et un auditorium, offrant ainsi un espace de réflexion et de connaissance.
L’exposition permanente retrace le fil des événements, depuis la montée du fascisme jusqu’à la Libération et la reconstruction de la France. Une seconde section poignante est dédiée à la Déportation, mettant en lumière les souffrances et les résistances de ceux qui ont traversé ces épreuves.
La Marianne noire, à ne manquer sous aucun prétexte
Parmi les trésors du musée, le buste de la Marianne noire se distingue par son histoire singulière. Ce symbole puissant, don de la franc-maçonnerie toulousaine en 1977, fut commandé en 1848, année marquant la seconde abolition de l’esclavage. Attribué au sculpteur maçonnique Bernard Griffoul-Dorval, ce buste en plâtre et lait de chaux, pesant 90 kg et mesurant 1,20 mètre, était à l’origine peint en bronze. Malheureusement, en 1941, il subit les assauts des membres du régime de Vichy avant d’être caché par des résistants francs-maçons. Longtemps perdu, il refit surface pour être finalement offert au conseil départemental en 1977, où il trône désormais comme un témoin silencieux des luttes passées.
Ainsi, le Musée de la Résistance et de la Déportation de la Haute-Garonne n’est pas seulement un sanctuaire de mémoire, mais un gardien des histoires de courage et de résistance qui ont façonné notre présent.
Infos pratiques
Anatomie du franquisme- Jusqu’au 22 septembre 2024 – Musée de la Résistance et de la Déportation de la Haute-Garonne, 2 allée des Demoiselles 31000 Toulouse (Haute-Garonne)
Horaires d’ouverture : du mardi au samedi – 10h/18h/Fermeture les jours fériés/À compter du 26/03/2024 et jusqu’à nouvel ordre, le Musée est fermé entre 12h30 et 13h30.
Tarifs : Le musée est gratuit/Toutes les activités proposées par le musée sont gratuites, mais il est fortement conseillé de réserver/La visite libre ne nécessite pas de réservation.
Sources : https://www.haute-garonne.fr/ ; Wikimedia Commons ; Wikipédia ; Programme de l’exposition