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Le taureau est omniprésent dans l’architecture et la vie quotidienne des Minoens. Peut-être est-ce dû à l’ère zodiacale du Taureau qui débuta vers -4 500/4 300 et se termina vers – 2 150/-1 700 (selon différentes études), dates auxquelles la civilisation minoenne débuta et s’épanouit. C’est la période où le taureau prend de l’importance au niveau de la symbolique : fécondité, puissance, force et courage.
L’origine des bovins domestiques se trouve dans la région du nord de l’Iran actuel aux environs de 10 000 ans avant notre ère (comme pour beaucoup d’autres choses, comme le blé ou la vigne par exemple). Ces animaux migrèrent avec leurs propriétaires et à la sélection naturelle s’ajoutera celle des hommes avec les croisements. La symbolique des bovidés est toujours en rapport avec la puissance, la fertilité et les forces créatrices et nourricières, avec le renouveau.
On retrouve le culte du taureau, devenu animal sacré, chez les Égyptiens avec Apis et Hathor, fils et fille de Râ. Dans le bassin de l’Indus, le védisme présente le roi des dieux Indra comme un taureau et la vache est considérée comme éminemment sacrée. Audhumia, la vache nourricière du premier être vivant, le géant Ymir, est une divinité nordique primitive. L’indouisme en fait Nandi, la monture du dieu Shiva.
Dans le croissant fertile, entre Tigre et Euphrate, en Assyrie, le taureau est l’animal symbole du dieu de l’orage, Adad. Chez les Hittites c’est aussi Tarhūnah, dieu de l’orage, principal dieu du panthéon, qui est accompagné d’un taureau. Akkad le représente en génie protecteur ailé aux portes des palais, le Lamassu. Chez les Hébreux, le veau d’or revient à la charge. Zeus, dans ses premières amours, se transforme en taureau pour séduire Europe qui donnera naissance au roi Minos. Les bovins, qui portaient souvent les dieux fondateurs sur leur dos, représentaient la structure de l’univers et son renouvellement.
Le taureau sera sacrifié lors de l’ère suivante, quand apparaitra dans le ciel la constellation du Bélier. Ram le bélier (Ram : racine indo-européenne qui veut dire bélier) apparait en Celtie et devient Belenos. Ab Ram, fils de Ram, devient Abraham. Gilgamesh tue le taureau céleste envoyé par la déesse Inanna, Khnoum entrera en Égypte ainsi qu’Amon auquel il est associé, Mithra répandra son sang et la tauromachie verra le jour.
L’ère actuelle, celle des poissons, a commencé avec l’apparition du Christianisme.
Des poissons, que Jésus va multiplier pour ses disciples pêcheurs, que l’église romaine primitive va prendre comme signe de reconnaissance avec l’acronyme ICHTUS, poisson en grec, Iêsoûs Khristòs Theoû Uiòs Sōtḗr, c’est-à-dire Jésus Christ, fils de dieu, sauveur. Le bélier laisse sa place, Jason part à la recherche de la toison d’or de Chrysomallos, l’agneau est sacrifié, le bélier est diabolisé, perd sa symbolique et devient un Baphomet cornu androgyne.
Ainsi vont les cycles.
Revenons à la Crète. Chez les minoens, à l’époque de l’ère du Taureau, apparut la taurokathapsia (tαυροκαθάψια) ou taurocatapsie, le saut du taureau, l’une des scènes les plus représentées dans l’art minoen. La plus connue est une fresque trouvée à Cnossos, où trois acrobates, dont deux femmes, exécutent les trois phases du saut par-dessus le taureau : prise des cornes, saut en salto sur le dos de l’animal et réception.
À Cnossos également fut retrouvée la célèbre représentation d’une tête de taureau sous forme de Rhyton, c’est-à-dire un vase servant lors de repas de gala, de cérémonies rituelles ou libations (lorsqu’on verse quelques gouttes de liquide sur le sol en l’honneur des dieux).
Le taureau minoen est aussi représenté dans les mythes et légendes qu’il ne faut pas prendre à la légère en sachant que derrière ces récits se tiennent toujours des vérités et des symboles universels. Le mythe du Minotaure en fait partie et même si ces légendes ne font pas partie de l’époque minoenne (aucune trace du minotaure dans cette civilisation), elles en découlent.
Au début de l’histoire, Zeus, toujours très actif sexuellement, jeta son dévolu sur Europe, une belle princesse Phénicienne fille du roi Agénor de Tyr, lui-même fils de Poséidon. Pour arriver à ses fins et se protéger de la jalousie de sa femme Héra, il se métamorphosa en un magnifique taureau blanc. La jeune fille, attirée par la beauté de l’animal, se rapprocha et monta sur son dos. Zeus en profita et partit en Crète avec sa conquête, à Gortyne plus précisément. C’est là, sous un platane, qu’ils s’unirent. Certains disent qu’elle fut consentante, d’autres non. Quoi qu’il en soit, Europe, enceinte, fut confiée par Zeus à Astérion, roi de Crète. De cette union avec Zeus naquirent Minos, Radhamante, futur juge des enfers avec son frère, et Sarpédon, tué par Patrocle lors de la guerre de Troie, tous trois élevés par Astérion.
Minos, à la mort de son père adoptif, réclame la couronne et pour évincer ses deux frères, demande l’aide de Poséidon. Le dieu de la Mer lui accorde sa protection et lui envoie, pour sceller leur pacte, un magnifique taureau blanc qu’il devra sacrifier après son couronnement. Minos devint roi, épousa Pasiphaé, qui avait pour sœur Circé la magicienne et pour frère Eétès, gardien de la Toison d’or. Pasiphaé est la fille du titan Hélios, le soleil, et de Persé, elle-même fille du titan Océan. Mais Minos, trouvant le taureau très beau, voulut le garder et le remplaça par un simple taureau qu’il sacrifia à sa place. Poséidon, pas né de la dernière pluie, s’en aperçut et pour se venger, rendit le taureau blanc furieux pour qu’il détruise une grande partie de l’ile, puis il inspira à Pasiphaé une passion dévorante pour l’animal. Celle-ci, afin d’assouvir son désir, fit construire par Dédale, l’architecte du palais, une génisse en bois et en cuir dans laquelle elle entra. L’accouplement eut lieu et de cette union contre nature naquit Astérios, l’homme à tête de taureau, le Minotaure.
Le Minotaure en grandissant devint féroce. Minos demanda à Dédale de construire un labyrinthe afin qu’il puisse l’y enfermer. Quelque temps après, le fils de Minos, Androgée, excellent athlète, fut tué par les athéniens à la demande du roi Égée, jaloux que le crétois gagne tous les prix aux fêtes Panathénées. Le roi de Crète attaqua alors la cité grecque qui, vaincue, dut lui payer un tribut : tous les 9 ans, Athènes devra livrer à Minos 7 jeunes hommes et 7 jeunes filles qui seront donnés en sacrifice au Minotaure.
C’est Thésée, fils d’Égée, qui viendra venger son peuple en empruntant le labyrinthe pour tuer la bête. Ariane, la fille du roi Minos, séduite par le beau jeune homme, va l’aider à en sortir en lui fournissant un fil qu’il va dérouler le long du chemin, ce qui lui permettra de sortir facilement, et en lui donnant l’épée de son père qu’elle a dérobée (offerte à Minos pour son mariage par Héphaïstos), tout cela contre la promesse d’un mariage.
Thésée tua le Minotaure, sortit du labyrinthe et s’enfuit avec Ariane, mais l’abandonna sur l’ile de Naxos ou de Dia selon Homère (ile située à quelques kilomètres au nord d’Héraklion). Certains mythographes disent qu’il n’était pas lâche mais fut obligé de le faire suite à une tempête qui emporta le navire après qu’il eut débarqué Ariane, ou bien en obéissant à un ordre d’Athéna qui lui apprit qu’elle était promise à Dionysos. Ariane se consola effectivement avec Dionysos et Thésée épousa Antiope, reine des Amazones, puis Phèdre, la propre sœur d’Ariane, qui eut des démêlés avec Hyppolite, le fils que Thésée eut d’Antiope, tout le monde connait l’histoire.
Entre temps, Égée, qui avait demandé à ce que la couleur des voiles du navire de son fils soit blanche en cas de victoire et noire en cas de défaite contre le Minotaure, attendait des nouvelles. Thésée ayant oublié de changer les voiles, à cause du chagrin d’avoir perdu Ariane ou des soucis du voyage, Énée, voyant les voiles noires, se jeta du haut d’un rocher dans la mer qui prit son nom en hommage.
Comment ne pas voir, dans ces récits, la démarche initiatique du héros qui se trouve lui-même, et l’allégorie de la Grèce se libérant du joug crétois par le meurtre du taureau (montrant aussi la fin de l’ère lui correspondant) et la domination et la séduction des femmes crétoises, qu’elles soient amazones ou pas, ne montre-elle pas dans le même temps la fin du matriarcat et son remplacement par l’hégémonie masculine des dieux guerriers ?
Mais ce mythe fut élaboré au VIIe siècle avant notre ère, bien après que la civilisation minoenne eut disparu. Thésée, représenté au départ affrontant des Centaures, devint roi d’Athènes. Le mythe le fit même en devenir son fondateur, ainsi que celui de la démocratie.
La symbolique du labyrinthe fut utilisée dans les siècles suivants, de la Rome antique jusqu’au XIIe siècle aux sols de nos cathédrales. En son centre, Astérios, l’homme à tête de taureau est très souvent représenté. Le voyage qu’il propose est bien entendu initiatique, c’est une quête à la recherche de la vérité, partant de la matière pour arriver au spirituel. Le héros devra parcourir ce dédale et trouver son chemin, qui mène au centre du monde, au centre de lui-même, là où il devra vaincre les forces du mal ou sa propre animalité.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_Cr%C3%A8te
https://fr.wikipedia.org/wiki/Civilisation_minoenne#Culture
https://www.histoire-pour-tous.fr/civilisations/2986-la-civilisation-minoenne.html
très beau et intéressant livre de Michel Pastoureau le taureau