sam 22 juin 2024 - 12:06

Obédiences ? Pourquoi ? Pour faire quoi ?

S’il est un besoin irrépressible de la meute humaine, c’est, à l’instar des autres animaux de meute, de se regrouper selon une forme que la nature a sanctifiée. C’est ce que j’appelle dans mes livres et mes conférences l’« organisation pyramidale ». Or notre première exigence dès la naissance est d’apprendre à se conformer à vivre avec les autres, selon les lois inflexibles et inchangeable de cette organisation, la meute.

En fait je prétends qu’il y a un au-delà de nos histoires personnelles, individuelles de notre enfance qui décideraient de tout ce que nous sommes, selon les psychologies et autres psychanalyses. Une pression bien plus forte s’incrusterait dans nos têtes :la manière dont la plupart des mammifères ont de vivre ensemble.

 Sans que cela, jusqu’à aujourd’hui, ne soit vraiment dénoncé : la pyramide est, de toute évidence, pour le marmot, la seule façon de vivre en groupe : la meute !

Les lois de la meute sont depuis toujours considérées comme d’une évidence d’airain. Sauf pour les anarchistes, qui méritent, à eux seuls, des articles dans les revues maçonniques. Pourquoi ? Parce que l’Ordre se targue de prôner la liberté et de l’enflammer de vertus en toutes circonstances .

Pourtant force est de reconnaître l’évidence : Les guerres sont un effet délirant de la panoplie de l’organisation pyramidale : « Un pour tous, tous pour un ». Et tout est dit, même dans nos démocraties. Car le serpent de la soumission à la pyramide est omniprésent, omni fluctuant et dictatorial, partout où des vertébrés de meute sévissent. Nous, les humanimaux, comme le dit D. Béresniak, sommes des mammifères de meute.

Pour rappel voici les caractéristiques de ce type d’organisation : En deux mots, les éthologues l’ont observé : tout en haut, couronné de pouvoirs, au moins de lustres, le « mâle alpha » ; puis autour de lui, les « lieutenants » qui le vénèrent et chopent la partie de pouvoir que le mâle dominant concède. Puis, au fur et à mesure que l’on descend, de plus en plus nombreux, les inféodés… le peuple… Mais aussi, à un degré moindre mais bien réel, les Frères, les Sœurs, enivrés de cette soumission révérée par tous. Elle les conforte dans leur sécurité, exigence première du vivant. Avec l’organisation pyramidale, rien ne fout le camp, tout est à sa place, chacun € a un rôle à jouer.

 Bref et sans tomber dans l’invective sarcastique comme mes phrases peuvent amener à le croire, la nature s’est bien débrouillée pour que survivent les animaux de meute. Et cela fonctionne bien.

En quelques mots, l’organisation pyramidale est le nec plus ultra pour paître en tranquillité, pour jouir de la soumission dite « librement consentie » (une formule maçonnique !). Toute la vie des mammifères se plie sans broncher et sans la moindre conscience, à cette manière de vivre en groupe. Les maçons, évidemment aussi !

Or notre franc-maçonnerie s’enorgueillit de ne jamais se reposer là où des libertés sont menacées. Nos déclarations officielles, nos serments en loges attestent de notre croyance forte en cette valeur de base, la liberté. La réalité est inverse ! En fait, sans s’en douter le moins du monde, les maçons se plient en quatre, en huit, sous les férules de l’organisation pyramidale de l’obédience et de leur loge. C’est le comble pour une association qui clame l’indépendance d’esprit, la tolérance, et la libre pensée !

Bref et sans tomber dans l’invective sarcastique comme mes phrases peuvent amener à le croire, la nature s’est bien débrouillée pour que survivent les animaux de meute. Et cela fonctionne bien.

Il ne nous viendrait pas à l’idée de remettre en cause les soubassements idéologiques in conscients qui nous gouvernent. Nous sommes coulés, roulés, moulés dans ce modèle de vie groupale. 90% des obédiences, (pas toutes) ne se posent pas la question du substrat sociologique, qui les modèle et les aligne. Surtout celles où les initié(e)s chantent la liberté de pensée, dans l’égalité, en garant(e)s de la fraternité. Des plus petites aux plus grandes. Et je n’évoque pas la Maçonnerie anglo-saxonne (Emulation, York) : la soumission pyramidale y est vécue comme la chantaison harmonieuse du vivre ensemble.

Nous voici donc devant l’irrésolu, le contradictoire, l’hypocrisie inconsciente des méandres neuronaux. Nous dénonçons sans cesse les saignements des blessures à la liberté. Mais tout en nous conformant à la loi dictatoriale mais tout à fait naturelle de l’organisation pyramidale. C’est ainsi que naissent les obédiences : dans ce mot, geint une évidence : « Ob » pour obéir et « ience » pour silence !

La critique fuse partout, de tout temps : Dans un monde insensé où serait dénoncés nos présupposés animaux de la vie en meute, la vie deviendrait le fruit insupportable de l’anarchie.

Tout ce que je viens de développer, n’est pas nouveau : les refus de la pyramide des pouvoirs et la disposition en triangle, fut, et est encore, dénoncé par quelques initié (e)s. Les anciens se rappelleront, parmi d’autres, Léo Campion, ce frère gentil et anarchiste qui dénonçait, cette soumission. Quelques émules. Et aujourd’hui même des Frères, des Sœurs osent porter l’étendard de l’anarchie. Mais les obédiences ne les tolèrent pas et ne cessent de les dénoncer en loucedé ou -en déclarations hostiles.

Pourtant, en France, il existe toujours des « cordées » de quelques loges qui ne dépendent ni d’un quelconque règlement principiel, ni de sonores déclarations de vertus. J’en connais trois ou quatre : les Loges sont en relations fraternelles et sans dépendance les unes des autres. Pas de mots d’Ordre, pasde clairon ni de fanfare sur les grandes et belles valeurs prétendument défendues.

L’anarchie est ce trublion au cœur des agitations cervicales, toujours socialement apaisées : Lisons la définition de Wikipédia : << anarchie, ou société libertaire, est une société fondée sur la démocratie directe sans système de pouvoir vertical tel qu’un gouvernement non soumis au peuple (les anarchistes prônent le mandat impératif et le référendum d’initiative populaire), une économie d’exploitation (refus de l’existence du salariat, des monopoles, des cartels, du capitalisme d’État) ou une religion d’État. C’est la situation d’un milieu social où il n’existe pas de rapports de pouvoir verticaux et qui est de ce fait dépourvu de classes sociales.>>

Moi, j’aime beaucoup le très bref : l’anarchie « C’est l’ordre dans le pouvoir ».

Les obédiences ont une mise en organisation spontanée et qui fonctionne dans les perspectives de la grande symphonie de la soumission. Dans leur vocation proclamée, dans les déclarations des loges et des mâles alpha (femelles aussi), les règlements et tout le tintouin qui les organisa en pyramide de pouvoirs jugulés, toujours pareil : Les obédiences sont remises en cause avec prudence et par de rares initié(e)s peu patenté(e)s.

Mais pour autant tout cela fonctionne bien, voire avec harmonie. Alors pourquoi chercher des poux dans les têtes couronnées de ces obédiences ? Pour rien puisqu’il apparaît que le mode d’organisation verticale des pouvoirs soit fait de nature et non choix car les meutes sont soumises à l’intemporalité. Alors que faire, quand nous nous agenouillons devant les réponses à nos désirs libertaires ? A mon sens, rien de fondamental. Sauf à prendre conscience des rêts qui nous entortillent parfois à l’excès. Peut-être est-ce là notre possibilité de tentative anarchique pour ceux, celles qui rêvent, d’un autre monde, comme l’on dit ! Nous serions, nous, Maçons, les gardiens de la Loi. Certes ! Mais d’une Loi qui déclare à cris rares, préserve, cajole la folle inventivité sociale de quelques-uns-es.

Heureusement, des obédiences ont sourdement ingéré la discordance entre le baryton de pouvoir et les flûtes insolentes de quelques Loges. Loin des commissions officielles qui sont des outils pyramidaux, de ci de là, des Loges s’ébattent, pour se pâmer devant des organisations de meute nouvelles et créatives. J’ai évoqué tout à l’heure, ces quelques cordées de Loges qui s’aiment, sans autre dépendance que les relations affectueuses et la floraison des richesses spontanées, dans leurs relations et leurs tenues parfois partagées. Oui, les rites peuvent vaciller. Quelle horreur pour ces références intangibles sacralisés par le passé et les grands causeurs ! Mais qu’importe ?

Un rite, selon moi, n’est pas une prison consentie mais une embrassade de la socialité humanimale !

Que la dépendance qui plaît tant à nos inconscients s’incline enfin devant la reliance.

J’entends s’écrier : « Mais avec ce qu’il dit, tout va foutre le camp, aller dans tous les sens, les repères vont éclater, » Au bout du compte, la belle et grande unité humaine maçonnique que nous défendons, va se fracasser sur les humeurs caillouteuses de ces réflexions hasardeuses et saignantes. Adogmatique, libérale, parfois libertaire c’est ce que chantèrent quelques initiés, comme Oswald Wirth, Léo Campion et d’autres, aujourd’hui encore. Relisons Jules Le Gall : anarchiste (1881-1944). Franc-maçon, libertaire et libre-penseur. Je salue ce Frère visionnaire ou aliéné. Mais peu m’importe !
La grande majorité des maçons de style français, (selon mon expérience de maçon bien ancien !), jubile en entendant ces qualificatifs. Il reste à oser, en chassant l’ignorance, l’hypocrisie et le fanatisme : Sous leurs comptines planquées au fond de moi torpillent des rafales d’air frais. Elles feraient basculer l’opiniâtre organisation pyramidale.

 Pour terminer cet appel à la prise de conscience de ce qui nous enchaîne, éclatons de rire ou de sarcasmes en nous rappelant bêtement que le symbole de la Maçonnerie est un triangle. Il avoue tout ! Serions-nous donc une espèce de meute soumise ? Une meute, bien sûr ; la nature nous a forgés ainsi. Mais soumise ? Oui les animaux de meute recherchent la calmante et sécurisante soumission. Ne pourrions-nous pas trouver la troisième voie ? Pour devenir vraiment des humanimaux ? Nos descendants modèleront peut-être, à partir de leur pâte initiale, ce nouveau cheminement. Après sans doute des cataclysmes, des terreurs, des envolées, des folies ; et vers des horizons régénérés. Inventons-les !

8 Commentaires

  1. L’anarchie, c’est l’ordre SANS le pouvoir.
    Oui, il est très souhaitable que ce vent souffle le long de nos colonnes…même si, et ceci peut paraitre paradoxal, une organisation (“l’ordre”) est nécessaire pour faire fonctionner les loges, à l’intérieur d’elles, et entre elles.
    Fraternellement,
    Jérôme Lefrançois

    • Ne pourrions nous pas trouver une troisième voie ?
      Voici le début d’une piste de recherche, qui me plaît beaucoup !!!
      Nous sommes très peu à oser aborder ce sujet, qui pourtant en tarabuste qqs uns !!
      Peut-être que les murmures deviendront des chants de guerre … un de ces 4 …..

  2. Bonjour, un anarchiste … je pose une question, écrirait-il en écriture inclusive ? et même sans avoir d’étiquette à se coller sur le dos.
    L’écriture inclusive est un empêcheur de lire avec plaisir. Arrêtez de nous agresser avec ça.

  3. le triangle quand il se déplace en roulant fait apparaitre un nouveau sommet chaque fois .
    L’anarchie recherche dans tout chantier ” l’ordre SANS le pouvoir”……. Définitif.
    Ainsi le GODF qui en 1773 décide de supprimer l’inamovibilité du vénérable pour une élection annuelle .
    Bien sur les opposants créornt la grande loge dite de Clermont contre laquelle ser a créé le mon de semestre.
    Notre liberté fondamentale est de faire basculer “l’opiniâtre organisation pyramidale” chaque fois qu’un chantier est fini (cf le modèle des constructeurs des cathédrales )
    La loge doit être rituellement reconstruite à chaque tenue.Reconstruisons en même temps la pyramide qui n’est donc qu’une organisation éphémère dans le temps.
    Il serait souhaitable que nos représentants ,eux même éphémères ,ne parlent pas en permanence ,du grand orient par ex, au nom des maçons dont ils estiment qu’il sont le bas de leur pyramide .
    En ces périodes la liberté est encore plus à chérir

  4. Bonjour, il y a des textes sur ce site qui redonnent clarté et luminosité aux bougies sur le point de s’éteindre de nos loges. Anarchisme en franc-maçonnerie, oui, pourquoi pas? Surtout pour une qui a toujours ramé à contre-courant de l’ordre établi par une soumission systémique qui a basculé en soumission volontaire. Chercher à échapper à la dictature des obédiences? Hélas, le mot existe: “loge sauvage” donc pas de reconnaissance même si la fraternité, la sonorité, l’adelphité y règnent en maître.sse. Adelphiquement vôtre…

  5. Une image v tout en haut 1 gros corbeau, puis successivement 3 corbeaux puis plus bas 7…et tout en bas des oiseaux qui reçoivent les fientes des étages supérieurs. Une image aussi utilisée par les syndicats dont j’ai fait partie.

    Par contre une obédience nationale est un gage de ne pas entrer dans une secte.

    Quand un ami m’a convié à rejoindre la FM je n’avais aucune idée des autres obédiences, encore moins des divers rites… J’ai interrogé sur le non sectaire.

    Et vous ? Avez vous choisi l’obedience et puis le rite ?

    Par chance cela a été pour moi le GODF (j’ai d’excellents amis et amies au DH, GLLU, GLF et malheureusement aussi dans d’autres obédiences qui n’ayant pas de liens officiels (ou étant ignorés des grandes obédiences) ne peuvent officiellement nous visiter.

    C’est grandement dommage au moment où l’ on parle de sursaut républicain, de Maçons libres dans des loges libres ou tout simplement de fraternité universelle.

    “mort aux cons”.

  6. C’est simple .Pourquoi ne pas suivre une hiérarchie composée de gens compétents tant qu’elle ne vous impose pas de renier vos principes,votre éthique et votre vie. Soumission ?quand il ne s’agit que d’ordre et de vie commune? Se rebeller pour montrer que l’on est plus que les autres? L’Anarchie ne fonctionne durablement nulle part.

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Jacques Fontaine
Jacques Fontaine
Jacques Fontaine est né au Grand Orient de France en 1969.Il se consacre à diffuser, par ses conférences, par un séminaire, l’Atelier des Trois Maillets et par une trentaine d’ouvrages, une Franc-maçonnerie de style français qui devient de plus en plus, chaque jour, « une spiritualité pour agir ». Il s’appuie sur les récentes découvertes en psychologie pour caractériser la voie maçonnique et pour proposer les moyens concrets de sa mise en œuvre. Son message : "Salut à toi ! Tu pourrais bien prendre du plaisir à lire ces Cahiers maçonniques. Et aussi connaître quelques surprises. Notre quête, notre engagement seraient donc un voyage ? Et nous, qui portons le sac à dos, des bagagistes ? Mais il faut des bagagistes pour porter le trésor. Quel est-il ? Ici, je t’engage à aller plus loin, vers cette fabuleuse richesse. J’ai cette audace et cette admiration car je suis un ancien maintenant. Je me présente : c’est en 1969 que je fus initié dans la loge La Bonne Foi, à Saint Germain en Laye, au Rite Français. Je travaille aussi au Rite Opératif de Salomon. J’ai beaucoup voyagé et peu à peu me suis forgé une conviction : nous, Maçons latins, sommes en train d’accoucher d’une Voie maçonnique superbe : une spiritualité pour agir. Annoncée dès le début du XXème siècle. Elle est en train de se déployer et nous en sommes les acteurs plus ou moins conscients mais riches de loyauté.

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