mer 26 juin 2024 - 15:06

Avec le dernier LCU, découvrez l’antimaçonnisme 2.0 et les nouvelles faces d’une vieille haine

Un numéro exceptionnellement de 128 pages de La Chaîne d’Union (N°108, avril 2024), connu sous l’abréviation LCU,  dont le dossier traite des « habits neufs de l’antimaçonnisme ».

Alors que le blogueur d’Hiram.be titrait, le 21 février dernier, « Jordan Bardella invité par la GLNF » et remettait le couvert le 28 du même mois avec « Bardella-GLNF-Le Canard, acte II », certains, ceux qui font du social et du sociétal, s’occupe des vrais maux, sans langue de bois ou jouer les idiots utiles.

Remarquez à force de crier sur les toits « pas de politique pas de religion », ils peuvent toujours s’émouvoir, en se regardant le nombril, d’observer les méfaits d’un antimaçonnisme primaire et viscéral.

Ne s’occupant visiblement pas de ce qui se passe à l’extérieur, sauf à jouer au golf – ce qui est louable concernant des actions de charité –, ils n’ont sans doute pas le temps de s’intéresser à la défense des valeurs de la République et du principe de laïcité – cf. nos articles sur le Prix de la Laïcité 2022 et 2023 du Comité Laïcité République (CLR) à l’Hôtel de Ville de Paris – de lutter contre l’obscurantisme, etc.

Affichette anonyme de 1924

Car, oui, l’extrême droite a historiquement entretenu des idées et des positions antimaçonniques. Ces idées sont souvent fondées sur des théories du complot qui associent la franc-maçonnerie à des influences secrètes et malveillantes sur les gouvernements et les sociétés. Nous ne dresserons pas, ici et maintenant, un historique de l’antimaçonnisme de l’extrême droite, des origines au XIXe siècle, de l’entre-deux-guerres – période des régimes et des mouvements fascistes en Europe, comme ceux de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste, qui ont intensifié la rhétorique antimaçonnique – au contexte contemporain… dont l’antimaçonnisme est désormais souvent alimenté par une méfiance générale envers ce qui est perçu comme des sociétés secrètes et des élites occultes.

Mais commençons avec le « In Memoriam » et revenant sur le passé un d’homme, d’un maçon, d’un frère exceptionnel.

René Le Moal nous a quittés le 23 février dernier à l’âge de 89 ans, laissant derrière lui un héritage riche et une communauté fraternelle en deuil mais reconnaissante. Alain de Keghel, 33°, Passé Très Puissant Souverain Grand Commandeur lui rend hommage, soulignant son dévouement exceptionnel à la franc-maçonnerie et son immense culture.

Un maçon discret et érudit

René Le Moal, connu pour sa discrétion, a mis son immense culture et son expérience au service des idéaux maçonniques. Ancien directeur de la « Revue des Deux Mondes », il s’inspirait de la maxime d’Alexander Pope : « L’esprit de parti est une folie de beaucoup d’hommes au profit de quelques-uns ». René a consacré sa vie à la propagation des Lumières par l’écriture, dirigeant de nombreuses publications dans la collection « L’Univers Maçonnique » aux éditions Vega et Dervy. Il était également Officier de la Légion d’Honneur.

Contribution au Grand Orient de France

En tant que rédacteur en chef de « La Chaîne d’Union », René Le Moal a incarné l’exigence intellectuelle et le goût de l’ouverture d’esprit. Sa quête constante de connaissance et sa curiosité intellectuelle ont marqué la revue philosophique et symboliste du GODF. Son ton doux cachait un caractère breton bien trempé, utilisé avec parcimonie et une conviction profonde, rendant ses interventions particulièrement marquantes.

Un Parcours maçonnique distingué

Initié le 15 décembre 1988, René a gravi les échelons de la franc-maçonnerie avec détermination. De la loge parisienne « Les Zélés Philanthropes » à la loge de Perfection « Stella Polaris », il a atteint le 33e degré du REAA. En 2015, il a été honoré par le Suprême Conseil avec la médaille de reconnaissance pour ses services exceptionnels. En 2020, il a demandé l’honorariat.

Héritage et reconnaissance

René Le Moal a laissé un héritage puissant, témoignant de son engagement inlassable pour les idéaux maçonniques. Son départ est une grande perte pour la communauté, mais son héritage perdure à travers ses contributions. Le Grand Commandeur Christian Confortini et toute la Juridiction écossaise se joignent à cet hommage, exprimant leurs condoléances à sa veuve Sylvia et à ses proches.

Tablier antimaçonnique

Quant au dossier « Les habits neufs de l’antimaçonnisme », il est préfacé par Guillaume Trichard, Grand Maître du Grand Orient de France.

Il introduit ce dossier en retraçant l’histoire et l’évolution de l’antimaçonnisme, de ses origines à ses manifestations contemporaines. Il souligne que les francs-maçons, depuis près de trois siècles, ont été confrontés à des préjugés et des attaques persistantes, souvent enracinées dans la méconnaissance et l’incompréhension. Trichard rappelle les attaques historiques majeures, depuis la bulle pontificale « In eminenti apostolatus » de 1738 jusqu’aux récentes déclarations du dicastère pour la Doctrine de la foi en 2023.

L’antimaçonnisme, loin de disparaître après la Seconde Guerre mondiale, s’est transformé et adapté aux nouvelles réalités sociopolitiques et technologiques. Guillaume Trichard note l’utilisation des réseaux sociaux comme terrain de jeu pour les discours antimaçonniques et relate des incidents récents d’attaques physiques contre des temples maçonniques. Malgré ces adversités, les francs-maçons continuent de défendre fermement leurs principes de liberté, d’égalité et de fraternité, en croyant en un universalisme capable de favoriser la concorde entre les peuples.

4e de couv.

Le dossier vise à éclairer sur les nouvelles formes de l’antimaçonnisme et à témoigner des menaces pesant sur les démocraties, tout en affirmant l’engagement des francs-maçons pour la liberté de conscience et la rationalité contre l’obscurantisme.

Voici le sommaire dudit dossier :

1. Un Tronc de la Veuve unique en son genre – Pierre Morin

   – Étude d’un artefact antimaçonnique du début du XXe siècle.

2. L’Œuvre du sou antimaçonnique, une initiative catholique – Jean-Luc Le Bras

   – Analyse d’une collecte de fonds politique contre les francs-maçons en 1901.

3. Deux formes d’antimaçonnisme au temps d’Humanus genus – Jean-Pierre Villain

   – Extraits de l’encyclique et présentation d’un roman populaire en écho.

4. La propagande antimaçonnique à travers quelques documents numismatiques – Pierre Morin

   – Examen de médailles antimaçonniques et leur rôle propagandiste.

5. L’antimaçonnisme de Franco, ressentiment d’un blackboulé – Nicolas Pomiès

   – Exploration des motivations personnelles et idéologiques de Franco contre la maçonnerie.

1re de couv., détail

6. Antimaçonnisme et Internet – Défendre la franc-maçonnerie au temps d’Internet et des réseaux sociaux – Jean-Marc Berlioux

   – Impact de l’Internet sur l’expression de l’antimaçonnisme et les régulations en cours.

7. L’antimaçonnisme chrétien, combat d’arrière-garde – Pascal Vesin

   – Analyse de la « cathosphère » et sa misère intellectuelle face à la franc-maçonnerie.

8. Rap et antimaçonnisme – Étude d’un cas français – Stéphane François

   – Étude des influences antimaçonniques dans la culture rap en France.

9. Le diable rentable ou le zèle étrange des maçons convertis : le cas Abad Gallardo – Laurent Segalini

   – Exemple de maçon converti et repenti, et son implication dans les théories du complot.

10. L’Alt-Right et le renouveau des théories du complot aux États-Unis – Pierre Mourier

    – Lien entre l’Alt-Right américaine et les théories antimaçonniques.

Le dossier « Les habits neufs de l’antimaçonnisme » propose ainsi une exploration riche et détaillée des différentes manifestations de l’antimaçonnisme à travers les âges, en mettant l’accent sur ses formes contemporaines et les défis qu’elles posent aux francs-maçons et à la société en général.

Nous souhaitons faire un focus sur le court article – une page – du numismate expérimenté Pierre Morin dont le « Tronc de la Veuve unique en son genre » illustre la première de couverture.

Cet objet, fruit d’une découverte au hasard d’une brocante francilienne, est unique en son genre. Il offre un témoignage tangible des sentiments et des actions dirigés contre la franc-maçonnerie à cette époque.

1re de couv., détail

Le Tronc de la Veuve est un terme qui désigne traditionnellement une boîte de collecte de fonds utilisée par les francs-maçons pour des œuvres de charité. Cependant, l’artefact étudié par Pierre Morin est une version détournée à des fins antimaçonniques. Cette boîte servait à collecter des fonds pour soutenir des campagnes et des initiatives visant à contrer l’influence de la franc-maçonnerie. Elle est ainsi un symbole matériel de l’antagonisme envers les maçons et leurs idéaux.

Ce tronc particulier se distingue par ses inscriptions et ses décorations explicitement antimaçonniques. Les symboles et les slogans gravés sur l’objet reflètent les préjugés et les théories du complot couramment associés à l’antimaçonnisme de cette période. L’analyse de Morin met en lumière les détails artistiques et les messages propagandistes intégrés dans la conception du tronc.

L’existence et l’utilisation de ce tronc révèlent les efforts systématiques déployés par certaines factions pour saper la franc-maçonnerie. Ces initiatives étaient souvent financées par des contributions publiques, recueillies par des moyens tels que ce tronc, montrant ainsi l’ampleur de l’organisation et du soutien derrière les mouvements antimaçonniques.

Pierre Morin conclut que le Tronc de la Veuve étudié est bien plus qu’un simple objet historique ; il est le reflet d’une époque marquée par une intense opposition à la franc-maçonnerie. En analysant cet artefact, Pierre Morin contribue à une meilleure compréhension des dynamiques sociales et politiques de l’antimaçonnisme au début du XXe siècle. Cet objet unique rappelle les défis continus auxquels les francs-maçons ont été confrontés et soulève des questions sur la persistance de tels sentiments dans le monde contemporain.

Réseau sociaux et antimaçonnisme

Ce remarquable dossier qui, au regard de l’importance des contributions, a nécessité des choix éditoriaux, nous parle de cette hostilité envers la franc-maçonnerie, que l’on nomme antimaçonnisme, et qui a traversé les siècles et s’est transformé en s’adaptant aux contextes sociopolitiques de chaque époque. Au XXIe siècle, cette animosité persiste et prend des formes variées, rappelant que la “bête immonde” – cette métaphore qui évoque les idéologies haineuses comme le nazisme, le fascisme, le racisme et l’antisémitisme – est toujours présente dans nos sociétés.

La locution « bête immonde » est empruntée à Bertolt Brecht, qui l’utilise dans sa pièce « La Résistible Ascension d’Arturo Ui » pour mettre en garde contre le retour possible des idéologies totalitaires. Dans le contexte de l’antimaçonnisme, cette métaphore est particulièrement pertinente. Le ventre de la haine et de la suspicion demeure fertile, donnant naissance à de nouvelles formes d’hostilité envers la franc-maçonnerie.

L’évolution des formes d’antimaçonnisme au XXIe siècle

À l’ère numérique, les théories du complot prolifèrent avec une facilité déconcertante. Les réseaux sociaux et les forums en ligne sont devenus des terrains fertiles pour la diffusion de mythes et de mensonges sur la franc-maçonnerie. Ces plateformes permettent à des groupes extrémistes de propager l’idée que les francs-maçons contrôlent les gouvernements, les banques et les médias, perpétuant ainsi une vision du monde teintée de suspicion et de peur.

L’antimaçonnisme moderne est souvent instrumentalisé par des mouvements politiques populistes et extrémistespolitiques et/ou religieux. Ces groupes utilisent l’hostilité envers la franc-maçonnerie comme un outil pour galvaniser leurs partisans, en présentant les francs-maçons comme les responsables de tous les maux de la société. Cette stratégie est similaire à celle employée par les régimes totalitaires du XXe siècle, qui utilisaient la haine d’un groupe spécifique pour renforcer leur pouvoir.

Le complot judéo-maçonnique à l’œuvre

L’antimaçonnisme contemporain se nourrit également de réminiscences historiques. Certains continuent de puiser dans des accusations vieilles de plusieurs siècles, telles que l’idée que les francs-maçons forment une société secrète ayant pour objectif de dominer le monde. Ces théories complotistes, bien que maintes fois réfutées, trouvent un écho dans les périodes d’incertitude économique et politique.

La télévision, les livres et surtout Internet, avec des vidéos YouTube, TikTok surtout et des blogs, jouent un rôle crucial dans la propagation de l’antimaçonnisme. Ce sont de nouveaux canaux de diffusion. Les documentaires pseudo-historiques et les publications sensationnalistes, souvent basés sur des informations déformées ou fabriquées, maintiennent un climat de méfiance et d’hostilité envers les francs-maçons.

Bertolt Brecht (1898-1956), dramaturge, metteur en scène, écrivain et poète allemand

La « bête Immonde » est toujours présente

La persistance de l’antimaçonnisme au XXIe siècle rappelle que le ventre d’où a surgi la « bête immonde » reste fécond. Les idéologies de haine et de division trouvent toujours des moyens de se manifester, que ce soit par le biais de nouvelles technologies ou de vieilles rancunes remises au goût du jour. La franc-maçonnerie, en tant que symbole de fraternité et de tolérance, devient une cible facile pour ceux qui cherchent à diviser et à contrôler par la peur et la désinformation.

En conclusion, bien que les formes d’antimaçonnisme aient évolué, la « bête immonde » de la haine et de l’intolérance reste une menace omniprésente. Il est crucial de rester vigilant et de combattre ces idéologies avec la même détermination que celles des générations passées, pour s’assurer que les leçons de l’histoire ne soient pas oubliées.

1re page du Clemens Episcopus, 1738

Ce très riche dossier doit être lu par tous !  

Ce dossier extrêmement riche en informations et en analyses constitue une lecture indispensable pour chacun d’entre nous. Il ne se contente pas seulement de fournir des faits et des chiffres, mais il offre également une compréhension profonde des enjeux et des dynamiques à l’œuvre. Il permet aux lecteurs de comprendre les différents aspects et les ramifications des sujets traités, ce qui est essentiel pour une prise de décision éclairée.

En lisant ce dossier, chacun peut développer une conscience accrue des défis actuels. Cela nous permet d’exercer notre rôle de citoyen de manière plus responsable et engagée, en étant mieux informés sur les enjeux qui nous concernent tous.

Clément XII et l’antimaçonnisme catholique, en 1738

Le contenu de ce dossier prépare le lecteur à agir en connaissance de cause. Que ce soit pour des actions personnelles, communautaires ou professionnelles, avoir accès à des informations précises et détaillées est fondamental pour initier des changements positifs et significatifs.

Gravure de Léo Taxil évoquant le présumé meurtre de William Morgan en 1828

Pour agir en conscience et prendre des décisions et des actions basées sur une compréhension claire et éthique des situations. Ce dossier, par sa richesse et sa profondeur, fournit les outils nécessaires pour cela. Il ne s’agit pas seulement de lire pour s’informer, mais de lire pour comprendre et pour ensuite agir de manière réfléchie et responsable.

La lecture de ce dossier n’est pas simplement recommandée, elle est essentielle. Pour chacun de nous, elle représente une opportunité de devenir un acteur informé et conscient dans notre société. Ne passons pas à côté de cette chance de mieux comprendre notre monde et de contribuer, chacun à notre niveau, à son amélioration.

La Chaîne d’Union – « Les habits neufs de l’antimaçonnisme »

Collectif – Conform édition, N° 108, avril 2024, 128 pages, 13 €, 16 € port inclus

À commander chez Conform édition ou en vente chez DETRAD

2 Commentaires

  1. “Alors que le blogueur d’Hiram.be titrait, le 21 février dernier, « Jordan Bardella invité par la GLNF » et remettait le couvert le 28 du même mois avec « Bardella-GLNF-Le Canard, acte II », certains, ceux qui font du social et du sociétal, s’occupe des vrais maux, sans langue de bois ou jouer les idiots utiles.”

    Visqueux. Beurk.

  2. Document très intéressant . Je remarque néanmoins que l’antimaçonnisme professé par le communisme est passé sous silence . Or , en parallèle de ce que vivaient les maçons dans la Russie soviétique, les maçons français ont été mis depuis le congrès de Tour dans l’obligation de choisir entre appartenance àu Parti ou appartenance à la Maçonnerie .

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti est directeur de la rédaction de 450.fm. Il a fait l’essentiel de sa carrière dans une grande banque ancrée dans nos territoires. Petit-fils du Compagnon de l’Union Compagnonnique des Compagnons du Tour de France des Devoirs Unis (UC) Pierre Reynal, dit « Corrézien la Fraternité », il s’est engagé depuis fort longtemps sur le sentier des sciences traditionnelles et des sociétés initiatiques. Chroniqueur littéraire, membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France (IMF) et médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie (Musée de France), il collabore à de nombreux ouvrages liés à l’Art Royal et rédige des notes de lecture pour plusieurs revues obédientielles dont « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France et « Perspectives » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain ou encore « Le Compagnonnage » de l’UC. Initiateur des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, il en a été le commissaire général. En 2023, il est fait membre d'honneur des Imaginales Maçonniques & Ésotériques d'Épinal (IM&EE).

Articles en relation avec ce sujet

Titre du document

Abonnez-vous à la Newsletter

DERNIERS ARTICLES