lun 06 mai 2024 - 20:05

Progrès de l’humanité et spiritualité maçonnique

La Franc-Maçonnerie telle que nous la connaissons est née au début du 18ème siècle.
Elle est dite « spéculative » puisque n’étant plus « opérative », liée à la construction d’édifices religieux, cathédrales ou basiliques.

A dire vrai, certaines loges opératives acceptaient des membres extérieurs à ces professions. Mais il n’existait guère de loges qui ne soient composées que de Maçons « acceptés ». Cela survint quelques dizaines d’années plus tard. On retient, même si elle est très probablement inexacte, la date du 24 juin 1717 comme étant celle de la création de la première Grande Loge d’Angleterre, première obédience maçonnique créée dans le monde par la fusion de quatre loges londoniennes.

Ses principes fondamentaux étaient inspirés de l’idéal des Lumières et de la révolution scientifique du 18ème siècle.  Les conflits politiques autant que religieux, notamment ceux qui opposaient catholiques et protestants, dans les îles britanniques comme sur le continent, laissaient espérer chez certains hommes la pratique d’une spiritualité tolérante, pour ne pas dire ouverte, même si l’activité des loges de l’époque est essentiellement tournée vers la convivialité, la sociabilité et le divertissement.

Au cours des décennies suivantes, la Franc-maçonnerie spéculative va s’étendre à l’Europe continentale. Les chrétiens de différentes confessions peuvent s’y retrouver, puis progressivement les croyants d’autres religions, comme les juifs et les musulmans dès la fin du 18ème siècle, les panthéistes, mais aussi des hommes se définissant comme agnostiques, voire comme athées, pourvu d’adhérer à un ordonnancement de l’univers et surtout à un corpus de valeurs.

Une porte mystérieuse

C’est donc bien de quête spirituelle qu’il s’agit, au sens où spirituel s’oppose à matériel et spiritualité à matérialité.

Pour les Francs-Maçons, au-delà de leur foi religieuse ou de leur agnosticisme qui est d’ordre personnel, le terme spirituel s’applique à ce qui concerne les réalités et les convictions d’ordre moral.

Il s’agit ici d’une construction immatérielle élaborée par l’esprit de l’homme pour servir de cadre, de référentiel, à ses pensées et, au-delà, à ses actions.

La spiritualité maçonnique est ainsi orientée vers l’accomplissement de soi, plutôt que vers le moyen d’assurer son emprise sur les autres. C’est une voie d’élévation où celui qui monte ne le fait pas au détriment ni aux dépens d’autrui, mais plutôt, sans nul doute, à son profit.

La Maçonnerie n’est pas une religion ; elle se place de manière plus ouverte, plus universelle et tolérante, sous l’invocation du principe créateur qu’est le G.A.D.L.U. Surtout, la Maçonnerie entend se situer au-dessus des religions, non pas en les surpassant, mais en les réunissant ou plutôt en fédérant ce qu’elles ont en commun et d’essentiel : l’initiation est une invitation à se mettre sur la voie de la recherche de la vérité, telle qu’elle peut se réaliser en soi-même. Ici, dans le caractère personnel et intime de cette réalisation et de ses étapes successives, réside le seul secret que le Maçon sera invité à partager avec ses Frères.

A l’inverse des religions, qui toutes imposent leur vérité à leurs adeptes sans qu’il leur faille encore la chercher, la maçonnerie considère que la vérité demeure à rechercher.

La pensée maçonnique est plurielle, riche de multiples facettes, sans doute liée à ses multiples composantes historiques, aux apports divers dont elle s’est constituée et enrichie.

Ainsi par exemple, la pensée maçonnique éclaire les sources salomoniennes de l’art gothique, par ses origines opérative et compagnonnique et fait largement référence aux sept arts libéraux hérités de Platon. Prônant la religion naturelle dans une approche métaconfessionnelle, la franc-maçonnerie l’exégèse des symboles bibliques.

La pluralité de ses sources, comme l’universalité qu’elle revendique, fondent l’attachement des Francs-Maçons pour la tolérance, l’acceptation de l’Autre tel qu’il est, une vertu primordiale dans un monde où le respect de l’autre et de sa différence, la vraie laïcité, est loin d’être la règle.

Notre spiritualité tout entière est tendue vers cette ambition, somme toute simple, naturelle, logique et raisonnable pour qui préfère l’ordre au chaos, mais qui pourtant constitue un objectif qu’une vie d’homme ne suffit pas à atteindre, peut-être pas même à approcher.

Le pensée seule, si elle améliore celui qui l’émet comme celui qui la reçoit, ne suffit pas à transformer le monde. Il lui faut une traduction concrète, un accomplissement dans la réalité des faits et des actes. La laïcité est l’exemple même d’une telle ouverture à la pensée d’autrui.

Laïcité ne veut pas dire opposition et encore moins négation de la religion. Laïcité veut dire au contraire acceptation de toutes les pensées religieuses, de toutes les spiritualités, dès lors qu’elles invitent à l’amour et à la vertu. Ainsi sommes-nous déterminés à construire cet Espace laïc, cet espace de spiritualité universelle. Qui constitue un des lieux majeurs de lutte contre les fausses idoles devant lesquels nos sociétés se prosternent.

La démarche spirituelle, qui caractérise l’engagement maçonnique, est certes avant tour une démarche intérieure. Mais nulle démarche ne saurait s’inscrire dans le monde des hommes sans se fonder ou s’appuyer sur un regard extérieur. En fait, la démarche maçonnique est une démarche individuelle, certes, mais aussi une démarche de solidarité avec l’universel.

Science, progrès, développement durable, éthique, … : nous entendons, comme nous y invite le rituel à la clôture des travaux, « poursuivre à l’extérieur l’œuvre commencée dans le temple ». Cela n’a bien sûr de sens pour la Franc-maçonne ou le Franc-maçon que s’il peut apporter lui-même dans le monde profane, les fruits de son travail initiatique, qui en font une femme ou un homme éclairé, épris de justice et d’équité.
En fait, progrès et morale sont indissociables, comme le sont progrès scientifique et éthique, développement durable et humanisme. C’est ici que notre engagement et notre progression spirituelle prennent tout leur sens.

6 Commentaires

  1. Qu’il me soit permis de faire remarquer que l’obédience constituée en 1717 s’est appelée Grande Loge de Londres et Westminster ( pour les 4 Loges fondatrices) et ce n’est seulement qu’en 1738 qu’elle s’est nommée Grande Loge d’Angleterre suite à l’expansion de nouvelles Loges sur le territoire national.
    Bien fraternellement

    • Bien sûr, ma Très Chère Sœur Solange ! Ce n’est en fait pas “suite à l’expansion de nouvelles Loges sur le territoire national” que la GL d’Angleterre est devenue celle que nous connaissons aujourd’hui, la Grande loge UNIE d’Zngleterre mais par l’union de la GL des “Ancients” et de la GL des “Moderns”.
      Tu le sais comme moi ( et beaucoup d’entre-nous !) la Grande Loge d’Angleterre est considérée (d’abord par elle-même !) comme la « grande loge mère », du fait de sa fondation, soi-disant le 24 juin 1717, quand les quatre loges de Londres réunies dans la taverne du « Goose and Gridiron » ont fusionné à l’initiative du pasteur et collaborateur de Newton Jean Théophile Désaguliers, pour former la première grande loge, dans l’objectif de réunir les fonds de solidarité, de superviser la régularité des groupes existants et de contrôler l’ouverture de nouvelles loges.
      En 1751, un groupe de francs-maçons formèrent une seconde grande loge, considérant que la Grande Loge de Londres s’était écartée des anciens devoirs (landmarks). Et cette division devait durer 62 ans !!!
      Très fraternellement à toi !

  2. La maçonnerie n’est las née en Angleterre comme souvent alléguée ; Seulement en tant « qu’obédience » c’est à dire une fédération de loges …. Certes !
    En effet il existait bien antérieurement une franç maçonnerie vers 1492 en Écosse et en Irlande (?)
    ( dès le Régis)
     Se rapprocher de l’oeuvre remarquable ( et remarquée) de notre TR et BAF Louis Trébuchet
    Bien fraternellement à tous

    • Ayant lu, relu, et un peu participé au travail exemplaire de Louis Trébuchet, à qui j’ai succédé à la Commission d’Histoire et aux matins d’Histoire de la GLDF, je t’invite fraternellement à le relire avec attention. Les loges d’Écosse et d’Irlande à la fin du 15ème siècle étaient à prédominance opérative. Ainsi le plus ancien objet de la maçonnerie opérative d’Irlande et l’un des plus anciens dans le monde, est la « Baal’s Bridge Square », une équerre sur laquelle la date de 1507 est inscrite.La maçonnerie purement spéculative n’est apparue qu’au 18ème siècle, lorsque les loges où n’existaient plus que des spéculatifs “acceptés”, se sont regroupées. Hélas, les faits sont têtus et les preuves sont ce qu’elles sont… Très fraternellement.

  3. La Spiritualité maçonnique, ça n’existe pas : il faut parler , à mon sens, de spiritualité en Maçonnerie ce qui n’est la même chose. Mettre un adjectif qualificatif au mot “Spiritualité” revient à parler d’une Religion et la Franc -maçonnerie n’est pas une Religion. En Franc -maçonnerie chaque Frère découvre et nourrit sa spiritualité propre . La Franc -maçonnerie puise en effet ce qu’elle propose dans une multitude de courants de pensés permettant à chacun de se découvrir lui-même car pour découvrir ce que nous sommes il faut souvent découvrir , au préalable , ce que nous ne sommes pas.

    • Mon TCF Jean-Jacques,
      Sans doute existe-t-il en France des obédiences qui pensent que spiritualité = religion et qui, considérant que la religion est l’opium du peuple, ne veulent pas entendre parler de Spiritualité maçonnique. C’est faire peu de cas de l’histoire, que ce soit celle des loges anglo-saxonnes au 18ème siècle ou du REAA , rite en 33 degrés créé à Charleston par des Protestants et des Juifs en présence de deux catholiques français. L’objectif étant de rassembler ce qui est épars, et d’espérer faire coexister les uns et les autres. Il existe selon moi une Spiritualité maçonnique, universaliste, ouverte, et qui n’est pas une religion. Les religions proposent, voire imposent une vérité, leur vérité, alors que la Franc-Maçonnerie est une quête sans fin de la vérité…
      Mais je serai d’accord avec toi sur un point, essentiel: la FM est avant tout un parcours à la recherche de ce que nous sommes et ne sommes pas…

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Jean-Jacques Zambrowski
Jean-Jacques Zambrowski
Jean-Jacques Zambrowski, initié en 1984, a occupé divers plateaux, au GODF puis à la GLDF, dont il a été député puis Grand Chancelier, et Grand- Maître honoris causa. Membre de la Juridiction du Suprême Conseil de France, admis au 33ème degré en 2014, il a présidé divers ateliers, jusqu’au 31°, avant d’adhérer à la GLCS. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur le symbolisme, l’histoire, la spiritualité et la philosophie maçonniques. Médecin, spécialiste hospitalier en médecine interne, enseignant à l’Université Paris-Saclay après avoir complété ses formations en sciences politiques, en économie et en informatique, il est conseiller d’instances publiques et privées du secteur de la santé, tant françaises qu’européennes et internationales.

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