L’analyse du Discours de la servitude volontaire d’Étienne de La Boétie nécessite une plongée dans un texte fondateur de la pensée politique moderne.
« Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. »
Cette citation reflète une idée centrale du Discours de la servitude volontaire d’Étienne de La Boétie au XVIe siècle. Le concept qu’elle résume met en lumière la pensée de La Boétie sur le pouvoir et la soumission.
Étienne de La Boétie, écrivain, poète et magistrat
Surtout connu pour son traité Discours de la servitude volontaire ou Le Contr’un, Étienne de La Boétie (1530-1563),né dans une famille de la petite noblesse en Périgord, fit des études de droit à l’Université d’Orléans, où il reçut une formation humaniste, s’inscrivant pleinement dans le mouvement intellectuel de la Renaissance.
Le titre Le Contr’un peut être interprété de différentes manières, mais il reflète essentiellement les thèmes de contradiction et d’opposition qui traversent l’œuvre. Contr’un est une contraction de l’expression contre un, qui peut signifier contre un seul ou contre un tyran, soulignant l’idée que le discours est dirigé contre la domination d’un seul individu sur les autres, c’est-à-dire contre la tyrannie.
Le Discours de la servitude volontaire
Rédigé probablement en 1549, alors que La Boétie n’avait que dix-huit ou dix-neuf ans, le Discours de la servitude volontaire constitue une réflexion profonde sur les fondements de l’autorité politique et la nature de la soumission des peuples aux tyrans. Dans ce texte, La Boétie s’interroge sur les raisons pour lesquelles les hommes consentent à leur propre asservissement, soulignant que toute tyrannie repose essentiellement sur le consentement des gouvernés. Il avance que si les peuples refusaient de se soumettre, aucun tyran ne pourrait avoir de pouvoir sur eux. Cette œuvre est considérée comme un plaidoyer précoce pour la liberté individuelle et la responsabilité civique, influençant de nombreux penseurs politiques après lui.
La Boétie entra au service du roi de France en tant que conseiller au parlement de Bordeaux en 1553. Il y fit la rencontre de Michel de Montaigne, avec qui il développa une amitié profonde et influente, Montaigne lui dédiant plus tard l’essai « De l’amitié » dans ses célèbres Essais. La relation entre La Boétie et Montaigne est souvent citée comme un exemple remarquable d’amitié intellectuelle et personnelle.
Outre son célèbre discours, La Boétie a également écrit des poèmes et traduit des classiques, notamment des œuvres de Plutarque et de Xénophon, reflétant son érudition et son engagement dans l’humanisme de la Renaissance. Bien que son œuvre littéraire soit relativement limitée, son influence dépasse largement le cadre de son époque, notamment à travers le Discours de la servitude volontaire qui est devenu un texte de référence dans les études politiques et philosophiques sur la liberté et la tyrannie.
La Boétie est mort prématurément en 1563 à l’âge de 32 ans, laissant derrière lui un héritage intellectuel important qui continue d’inspirer les débats sur la liberté, la souveraineté, et la résistance civile. Son interrogation sur les raisons de la soumission volontaire à l’autorité reste d’une brûlante actualité, faisant de lui une figure emblématique de la pensée politique occidentale.
L’analyse du Discours de la servitude volontaire
Ce traité est un plaidoyer pour la liberté individuelle et un examen critique des fondements de la tyrannie et de la domination. Voici quelques points clés pour analyser cet œuvre :
Le contexte historique
L’époque de rédaction est celle de la Renaissance, période marquée par un renouveau intellectuel et artistique, ainsi que par des questionnements sur le pouvoir et l’autorité.
Étienne de La Boétie, humaniste et juriste, s’interroge sur les raisons qui poussent les hommes à se soumettre volontairement à un seul homme (le tyran).
Les thèses principales : servitude volontaire ; force du nombre ; habituation à la servitude
La Boétie s’interroge sur le paradoxe de la servitude volontaire, c’est-à-dire pourquoi les peuples choisissent de rester soumis à un tyran plutôt que de revendiquer leur liberté.
La Boétie souligne que le pouvoir d’un seul homme repose entièrement sur le consentement des gouvernés. Sans leur soutien, le tyran est impuissant.
La Boétie analyse comment les peuples en viennent à accepter leur condition par habitude et par peur des conséquences de la rébellion.
L’argumentation de la Boétie
La Boétie utilise une démarche logique et des arguments rationnels pour déconstruire les mécanismes de la servitude. Et son texte est marqué par une grande qualité littéraire, utilisant des exemples historiques, des maximes et une rhétorique persuasive pour convaincre le lecteur.
L’influence du Discours de la servitude volontaire
Ce discours est considéré comme précurseur des théories sur la souveraineté populaire et l’anti-autoritarisme qui émergeront plus tard, notamment chez des penseurs comme Rousseau.
La réflexion sur la servitude volontaire reste d’actualité dans les débats sur l’autorité, la liberté individuelle et la résistance civile.
Le Discours de la servitude volontaire d’Étienne de La Boétie demeure une œuvre majeure pour comprendre les dynamiques de pouvoir et de soumission. Il interroge de manière profonde les fondements de la liberté et de l’autonomie individuelle, invitant à une réflexion toujours pertinente sur les conditions de notre propre liberté.
Le YouTube de Corentin de Salle
Né le 21 mars 1972 à Bruxelles (Belgique), Corentin de Salle est directeur du Centre Jean Gol, le bureau d’étude du Mouvement Réformateur (MR), MR), parti politique francophone belge de centre-droit à droite, d’inspiration libérale et conservatrice. Il est professeur à l’École Pratique des Hautes Etudes Commerciales (EPHEC) et assistant à l’Université Libre de Bruxelles (ULB).
Dans cette séquence vidéo, Corentin de Salle expose les raisons pour lesquelles on obéit à un tyran. Pour ce faire, il s’appuie sur la pensée d’Étienne de la Boétie qui a montré le poids de la tradition pour expliquer l’état de servitude, ainsi que la lâcheté. La servitude est avant tout volontaire et il suffit que le peuple cesse de servir le tyran pour être libre.
Nous vous rappelons l’édition du texte intégral, en février 2023, du Discours de la servitude volontaire publié chez J’ai Lu, collection Librio, à 3 €…