Alain Bauer, vous êtes une personnalité connue et reconnue dans le domaine de la criminologie et l’êtes également pour vos travaux sur la franc-maçonnerie.
Sollicité par de très nombreux médias, votre expertise s’étend à la fois à la criminalité, à la sécurité publique et aux sociétés secrètes, ce qui fait de vous un auteur prolifique et un spécialiste de ces domaines.
À l’occasion de la parution de votre dernier ouvrage Tu ne tueras point-La globalisation piteuse (Fayard, 2024), nous vous remercions d’avoir bien voulu accorder aux lecteurs de 450.fm quelques instants de votre temps que nous savons précieux.
450.fm : Comment votre expérience en tant que Grand Maître du Grand Orient de France a-t-elle influencé vos écrits sur la franc-maçonnerie ?
Alain Bauer : C’est plutôt l’inverse. En épelant, j’ai beaucoup travaillé sur l’histoire et le patrimoine maçonnique, notamment grâce à l’érudition de Pierre Mollier, enfin heureux qu’un conseiller de l’Ordre vienne fréquenter assidument les archives et le musée, et de Roger Dachez, tout aussi satisfait de discuter des problématiques de fond et pas seulement des querelles d’ego, de largeur de tablier ou d’ancienneté supposée de « via les fausses » patentes. Et l’expérience a permis d’écrire pendant, puis après, avec des auteurs venus d’autres horizons, d’autres obédiences, Éternel apprenti je reste dans la lecture des recherches, et maître je souhaite demeurer dans la distance avec le chaos et le bruit des postures fracassantes.
450.fm : Dans vos ouvrages, vous avez exploré divers aspects de la criminalité. Quelle est, selon vous, la plus grande menace criminelle à laquelle la société est confrontée aujourd’hui ?
A.B. : Comme je l’indique dans Tu ne Tueras Point, l’homicide, le meurtre, l’assassinat. Comme une longue suite de victimes rattachées à la violence maçonnique originelle, celle d’Hiram et donc de la recherche, au-delà du mouvement naturel de vengeance, de justice et de vérité. La violence qui revient, celle qui touche l’humain dans son humanité est celle qui devrait toutes et tous nous préoccuper.
450.fm : Pouvez-vous nous parler d’un cas particulier ou d’une étude que vous avez menée et qui vous a particulièrement marqué ou surpris ?
A.B. : En fait, depuis ma période de jeune conseiller auprès de Michel Rocard, puis mon parcours académique entre IEP de Paris, New York ou le CNAM, c’est la manière dont nous parlons très fort de l’insécurité et de la violence, pour en contester la réalité, l’exagérer ou la nier, sans disposer d’outils permettant de savoir de quoi on parle. De ce que nous croyons, cherchons ou savons, le dernier terme est le plus réduit. Nous disposons d’outils statistiques vieux d’un demi-siècle, partiels, parcellaires, parfois partiaux, qui masquent plus le réel qu’ils ne l’éclairent. Et quand nous mettons en place des dispositifs indépendants pour permettre justement de réaliser cette information citoyenne indispensable, on trouve toujours une bonne raison de ne pas les financer ou de les supprimer. Ce qui m’a surpris, après avoir lancé la première enquête nationale de victimation auprès des citoyens, pour savoir ce qu’ils avaient subi et pas seulement ce quoi était enregistré dans l’outil policier, c’est l’ampleur des violences invisibles et des victimes, femmes, enfants, étrangers.
450.fm : En tant que professeur de criminologie, quelle est votre opinion sur la manière dont les médias traitent les affaires criminelles et leur impact sur la perception publique de la criminalité ?
A.B. : Depuis toujours le crime est un acteur majeur du théâtre antique, de l’opéra (Carmen), du roman, du feuilleton, du cinéma, de la télévision, de la discussion de bistrot. Il a fallu l’affaire Calas pour que le débat pénal bouscule l’opinion, l’affaire Troppmann pour que la presse populaire en fasse un outil de mobilisation, et ce sujet n’a jamais cessé de fasciner les populations. Mais cette surexposition n’a d’effet enraciné que si la réalité rejoint ou dépasse la fiction.
450.fm : Quelle est l’importance de l’éducation et de la formation en criminologie pour les forces de l’ordre et le système judiciaire aujourd’hui ?
A.B. : Encore trop faible. Je reste l’unique représentant de mon espèce en France alors que je dois avoir des centaines de collègues en Grande Bretagne et des milliers aux États-Unis. Mais avec plusieurs licences, un master, des Doctorants, un MBA et un DBA, des certificats, plusieurs centaines d’étudiants sont inscrits au Conservatoire National des Arts et Métiers. D’autres dans des établissements proches comme Lille ou Pau, Reims ou Nantes, Rennes ou Poitiers.
450.fm : En réfléchissant à votre parcours, quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite faire carrière dans le domaine de la criminologie.
A.B. : Apprendre, écouter, prendre le temps de comprendre. Un peu la méthode maçonnique.
450.fm : Dans Tu ne tueras point-La globalisation piteuse, vous abordez les impacts de la globalisation sur les comportements criminels à travers le monde. Pouvez-vous nous expliquer comment les processus de globalisation ont, selon vous, modifié les structures et les stratégies des organisations criminelles ?
A.B. : C’est surtout l’adaptation de la France à la globalisation qui pose problème. La volonté depuis le milieu des années 70 de transformer le « vieux pays » dont l’État, modèle unique, a fabriqué la nation, qui a modifié la promesse de protection au bénéfice de la sous-traitance mondialisée. Tous les services publics ont peu à peu été démantelés et les citoyens transformés en simples consommateurs. Instruction publique, défense nationale, santé publique, sécurité publique, ont été désossés car considérés comme des coûts et pas des investissements pour l’avenir. Sans parler bien sur des questions agricoles ou de la souveraineté industrielle.
450.fm : Comment appréhendez-vous le monde aujourd’hui ?
A.B. : Il est devenu chaotique, dangereux, parfois angoissants notamment pour les plus jeunes qui pensent que pour la première fois depuis des centaines d’années, le monde d’après sera moins heureux que celui d’avant. Que les conséquences environnementales leur laisseront peu de possibilités et que notre héritage est empoisonné. Cela ouvre des espaces de violence, mais aussi de résilience et de résistance qu’une obédience comme le GODF ne peut ignorer, car c’est sa marque de fabrique que de concilier, dans des proportions individualisées, une démarche initiatique intime et personnelle et un fort engagement citoyen.
450.fm : Vous avez écrit sur une grande variété de sujets liés à la criminalité. Y a-t-il un domaine ou un sujet spécifique que vous n’avez pas encore exploré mais que vous aimeriez aborder à l’avenir ?
A.B. : J’ai plusieurs projets d’ouvrages, parfois innovants dans des domaines artistiques (BD, cinéma) que je n’ai pas eu l’occasion d’essayer, mais je suis pas toutologue et souhaite éviter de le devenir.
450.fm : Comment la franc-maçonnerie a-t-elle évolué depuis que vous avez commencé à vous y intéresser.
A.B. : Elle est toujours présente, enracinée, capable de transmettre la méthode du silence et de l’écoute envers et malgré tout. C’est une bonne nouvelle.
450.fm : Quels sont, selon vous, les plus grands malentendus ou idées fausses que le public a concernant la franc-maçonnerie ?
A.B. : Quelle est secrète alors qu’elle n’est même plus discrète.
450.fm : Vous avez écrit avec Roger Dachez quatre livres maçonniques et un lié à la pandémie du Covid-19. Comment s’est réalisé cette écriture à quatre mains et avez-vous de nouveaux projets ensemble ?
A.B. : Je l’espère. C’est toujours agréable de travailler avec un véritable érudit, ouvert et bienveillant.
450.fm : Comment expliquez-vous le grand et beau succès de L’Encyclopédie des Franc-Maçonnes et des Francs-Maçons (Gründ, 2022) ?
A.B. : Il fallait essayer une nouvelle approche de la présentation de notre histoire. Nous sommes très heureux de ce succès comme d’ailleurs des autres volumes publiés (Espionnes et Espions, Crime au cinéma) ? J’espère que le dictionnaire amoureux de la FM illustré pourra y trouver sa place dans les prochains mois.
450.fm : Quels sont les plus grands défis auxquels la franc-maçonnerie est confrontée aujourd’hui ?
A.B. : Continuer à diffuser la vérité et susciter l’interrogation et l’imagination dans un univers enfermé par les algorithmes des réseaux sociaux. Continuer à rassembler ce qui est de plus en plus épars.
450.fm : Et comment peut-elle rester pertinente dans le monde moderne ?
A.B. : En n’oubliant surtout pas la modernité de ses traditions.
Cher Alain Bauer, nous tenons à vous exprimer notre profonde gratitude pour l’interview exclusive que vous avez accordée à 450.fm. Votre disponibilité et votre générosité à partager vos connaissances et vos perspectives ont grandement enrichi notre contenu, offrant à nos fidèles lecteurs des éclairages uniques et précieux. De la part de toute l’équipe de 450.fm, merci encore pour votre contribution exceptionnelle.
Bonjour
Félicitations pour ce bel interview empli de questions pertinentes…
Un regret: que les réponses ne soient pas plus larges en couverture, car notre Frère Alain a certainement beaucoup plus à exprimer sur certains sujets.
Ce sera sans doute l’occasion d’un autre interview?
Merci encore à 450.FM et à son Directeur de rédaction
Cher Yonnel,
Cette interview est vraiment rare et passionnante. Cet homme est remarquable.
Merci a toi de nous faire partager, sur 450 et ailleurs tes connaissances sur le monde maçonnique.
Avec ma fraternelle affection.
Françoise
Bonjour, à Toutes et Tous Mes Très chers …
Initiée à la G.L.F.F à Pau en 1982, j’ai adhéré au PS local en 1986, précisément parce qu’il était en grande difficulté …Et c’était l’époque où F Mitterrand et Michel Rocard avaient appliqué la proportionnelle et fait entrer au parlement en conséquence, 35 députés FN, au grand dam de la droite et (in petto) de la gauche ! L’une et l’autre se sont empressées de la faire disparaitre, dès que possible, mais ceux de gauche la mettaient toujours dans leur programme de campagne, mais sans jamais la mettre en application une fois élus ! Et c’est le Peuple qui l’a choisie en 2022…L’interview de notre Frère Alain Bauer m’ a ainsi appris qu’il avait été conseiller de Michel Rocard…
J’ai de Michel Rocard, l’intervention finale aux États Généraux du PS à Lyon en 1993… C’était vraiment un visionnaire, un authentique homme d’état et d’honneur ! Et j’espère que notre Frère Alain et son équipe vont choisir comme mission future, très urgente, de redonner à la Politique ses lettres de noblesse … dans la Recherche de la Pensée Ternaire , celle du 21e siècle lequel va entrer dans l’Ère du Verseau…
Avec mes fraternelles et amicales pensées
Christiane Pozzo di Borgo/Brochier
100 Chemin de Labus Saint- Zacharie 83640 Port 06 81 46 37 54/ Fixe 04 42 72 90 66
Vieille ( bientôt 87 ans ) Résistante Socialiste, discours de la méthode Jean Jaurès, Républicaine, Laïque, en Marche depuis 1986 et Soumise à la Pensée Ternaire de la grande philosophe mystique et guerrière, Simone Weil d’après son œuvre : L’enracinement ou Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain
Très fidèle lectrice de 450fm j’apprécie la diversité de vos articles…
J’y puise de nombreuses informations enrichissantes.
Merci. Bien frat…
Merci merci pour ce moment avec notre frère très intéressant…
TCS,
TC Martine,
Je tenais à prendre un moment pour vous exprimer ma profonde gratitude pour votre soutien continu et votre fidélité en tant que lectrice fidèle de 450.fm.
Savoir que vous appréciez 450.fm et que vous prenez le temps de nous lire me motive à continuer à écrire, à partager et à transmettre.
Votre intérêt constant est un cadeau précieux qui nourrit toute notre rédaction.
Je vous remercie du fond du cœur.
Votre fidélité est un pilier sur lequel nous pouvons compter.
Avec toute ma fraternelle affection.
Yonnel