jeu 21 novembre 2024 - 16:11

Un front uni vers elle : la liberté

(Les « éditos » de Christian Roblin paraissent le 1er et le 15 de chaque mois.)

Dans nos sociétés, au sein de toutes les collectivités, des plus restreintes aux plus étendues, comme à l’étranger, un peu partout dans le monde, gronde sur les plans les plus divers et dans une confusion assourdissante une mise en cause de l’égalité des droits entre les êtres humains, tantôt en raison de l’appartenance ou de l’orientation sexuelles, tantôt en réaction à la couleur de peau, tantôt par exclusion culturelle ou revendication identitaire. Je ne parle même pas des formes d’ostracisation politique qui sont à la mode dans bien des secteurs de l’opinion.

Le phénomène s’accompagne d’une exaspération du respect de soi qui se braque instantanément jusqu’à vouloir interdire les expressions susceptibles de choquer voire de froisser simplement une sensibilité particulière, alors même que, par familles, les réseaux sociaux regorgent paradoxalement d’insultes et d’anathèmes également proférés dans des camps opposés. La notion de dialogue ne fait plus recette dans une diversité composée de citadelles qui s’ignorent, formant dans de perpétuelles convulsions – quand ce ne sont des conflits ouverts – un gigantesque kaléidoscope où chacun ne veut plus voir grossir que sa fractale monochrome. Et, dans tout cela, les mensonges pullulent. Les mensonges ? Il faut avoir le courage de les repérer et de les dénoncer comme tels…  

Car que dire de cette rhétorique chantournée qui, après avoir longtemps préféré, par un doux euphémisme, le vocable de « contre-vérité », en est venue, entraînée par le brouillage des cartes, à évoquer, en lieu et place, des « faits alternatifs », dans l’immense forgerie des impostures dont se régalent et se réclament sans vergogne des partisans de tous poils ? La stupidité confine à la stupeur. La dispute a des règles. La recherche permanente du  « clash » et du clivage en sont des perversions encouragées par l’audience et la fréquentation.  C’est non seulement le règne de l’avilissement mais aussi la porte ouverte aux peurs et aux violences. Il faut revenir à la raison critique et à la discussion argumentée.

Ce sont précisément ces risques majeurs que les principes de la laïcité s’efforcent de désamorcer avec intelligence. Ceux-ci ne demandent pas seulement une sorte de discrétion dans l’espace public pour protéger le droit de chacun, mais une adhésion active de tous à un idéal républicain visant à développer le socle des échanges, que ce soit dans le travail ou dans le loisir, toujours en recherchant à produire un plus large bien commun que chacun s’attacherait à défendre avec le même zèle et la même conscience. La laïcité n’est en rien synonyme de repli sur soi, ce n’est pas une vertu passive se limitant à une indifférence polie mais bel et bien une exaltation au « vivre ensemble », dans le respect des traditions multiples, fruits de l’Histoire, tempérées toutefois par des lois d’apaisement et de régulation au bénéfice de tous.

Jamais, me semble-t-il, la laïcité n’a eu davantage à faire qu’aujourd’hui et elle devrait apparaître comme un point de ralliement à tout démocrate sincère. Or elle flanche. On la juge obsolète. On la néglige. Bientôt, elle ne sera plus l’apanage que de vieux Apaches emplumés baignant dans des fumigations nostalgiques. On ferait, pourtant, bien de s’aviser de sa modernité pour rappeler à l’ordre républicain, seul à même de garantir la paix civile et mieux encore la joie d’une citoyenneté vivante. C’est, entre autres – et ne fût-ce qu’en cela –, une condition essentielle pour que des professeurs puissent enseigner sans menace et que des élèves retrouvent le sens de leurs apprentissages. De proche en proche, le délitement conduit à l’effondrement, la friction à l’explosion. Dans cette ère de communication virtuelle aux fulgurantes contiguïtés, prenons garde à ne pas nous transformer en incendiaires au sein de nos voisinages poreux ! N’hésitons pas à nous lever « comme un seul homme » en sapeurs-pompiers bénévoles de la laïcité !

Les valeurs que nous défendons, quelles que soient les erreurs commises en leur temps par ceux qui les formulèrent, doivent être prises à la racine, considérées avec honnêteté dans une plénitude renouvelée et promues sans relâche dans tous les espaces que l’État a vocation à occuper. Il est urgent que nous combattions pour elles, sauf à nous laisser envahir par ceux qui méprisent les droits de l’Homme, pour assouvir à bon compte leurs appétits de domination. Il nous faut rétablir une vigilante tranquillité propice à l’exercice des choix de chacun. Offrir, dans un souci de paix, de respect et de vérité, un front uni vers elle : la liberté.

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Christian Roblin
Christian Roblin
Christian Roblin est le directeur d'édition et l'éditorialiste de 450.fm. Il a exercé, pendant trente ans, des fonctions de direction générale dans le secteur culturel (édition, presse, galerie d’art). Après avoir bénévolement dirigé la rédaction du Journal de la Grande Loge de France pendant, au total, une quinzaine d'années, il est aujourd'hui président du Collège maçonnique, association culturelle regroupant les Académies maçonniques et l’Université maçonnique. Son activité au sein de 450.fm est strictement personnelle et indépendante de ses autres engagements.

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