mar 07 mai 2024 - 04:05

C’est rudement gonflé !

« L’être humain passe son existence entière à ordonner le jeu des forces contradictoires qui le constituent. Le but de la morale n’est pas de rendre l’homme heureux mais de transcender le possible »

Françoise Schwab.        (Vladimir Jankélévitch-Le charme irrésistible du je-ne-sais quoi)

Un coup de maître dans le roman policier : prendre l’une des gloires de la pensée philosophique pour en faire la victime d’un assassinat ! Et l’on marche dans la combine, nous qui aimons tellement citer telle ou telle référence du maître de l’Ethique dans nos planches !

Jean-François Bensahel n’est pas seulement normalien, mathématicien et ingénieur du Corps des mines ; il est devenu complètement « accros » de la personne et de l’œuvre de Spinoza, à partir du moment où ce dernier a croisé sa route. C’est pourquoi, il se lance audacieusement dans un roman qui fait grand bruit : « Qui a tué Spinoza ? », chez Grasset !

Baruch Spinoza meurt à 44 ans, en 1677, et laisse derrière lui une réflexion révolutionnaire qui va bouleverser la philosophie, la théologie et le monde politico-économique. Son « Traité théologico-politique », suivi de « L’éthique » vont être une traînée de poudre dans cette Europe de la guerre de trente ans. Les ennemis de Spinoza sont légion : les juifs, les calvinistes, les catholiques, les cartésiens, Leibnitz. Quelques alliés cependant : les mennonites, les Quakers, les différents courants du libertinage érudit. La problématique va tourner autour du thème du libre-arbitre soutenu par Erasme et celle de la prédestination, cheval de bataille de Luther et Calvin. Avec tout ce que cela comporte de répercussions sur l’organisation politique de la société qui fonctionne encore sous le principe d’une royauté « de droit divin ». C’est aussi, le développement de la pensée panthéiste dans la spiritualité occidentale (« Deus sirve Natura. Dieu, donc la Nature »). Le philosophe est un être de passion, souvent dépassé par sa spontanéité lui qui pourtant avait comme devise « Caute », sois prudent

Le roman nous plonge dans la hollande du XVIIe siècle qui est alors un carrefour de tous les savoirs, où les idées prolifèrent autant que les complots. Spinoza qui renvoie à dos l’enfer et le paradis au profit d’un humanisme détaché des milieux religieux dans une époque où les guerres de religion déchirent l’Europe, devient la cible satanique des « bons esprits » de l’époque.

A sa mort, l’auteur nous dit qu’une mystérieuse personne est venue : des lettres et des manuscrits inédits ont disparu de son secrétaire. Si mort suspecte, il y eut, a qui profite cette mort ? Jean-François Bensahel écrit : « Pour la postérité, le nom de Spinoza est devenu talisman ; l’éthique, un coffre-fort que chacun fantasme de pouvoir forcer. ». Spinoza élabore une sagesse unique, un viatique pour gravir les plus hauts sommets de la pensée.

Bien entendu, je ne vous dévoilerai pas qui a tué ! Ou alors, pour rester dans le domaine philosophique je vais vous faire une confidence sur le coupable :  il se dévoilera comme membre du fanatisme sectaire, là où çà croasse dans les bénitiers de toute nature…

1 COMMENTAIRE

  1. Une coquille s’est glissée dans cette recension. La formule que l’on associe à Spinoza, c’est DEUS SIVE NATURA (et non pas SIRVE), “sive” est, en latin, une conjonction de coordination qui marque l’alternative et signifie donc : “ou”, “ou bien”, “c’est-à-dire”, “soit”…
    Par ailleurs, sur Spinoza il faut recommander le roman tout à fait exceptionnel de Irvin Yalom, psychiatre et ancien professeur à l’université de Stanford : “Le problème Spinoza”, qui voit s’affronter, à travers les siècles, Baruch Spinoza dont l’auteur nous fait partager la vie quotidienne et, surtout, la pensée philosophique très moderne et le nazi Alfred Rosenberg, antisémite viscéral, responsable de massacres de populations juives. Le roman est magnifiquement mené.
    Et pour les amoureux de la poésie, l’Argentine Liliana Lukin a publié un recueil de poèmes traduit et préfacé par le poète Jacques Ancet, agrégé d’espagnol, “L’Éthique démontré selon l’ordre poétique” (Editions Caractères, 2014). En voici le début :
    “Je rêve d’une porte :
    je ferme mon verrou
    comme une clef.
    Comme dans tous les
    beaux rêves humains,
    la porte donne sur un jardin.
    Mais ma clef ouvre vers
    l’intérieur…”

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Michel Baron
Michel Baron
Michel BARON, est aussi conférencier. C'est un Frère sachant archi diplômé – entre autres, DEA des Sciences Sociales du Travail, DESS de Gestion du Personnel, DEA de Sciences Religieuses, DEA en Psychanalyse, DEA d’études théâtrales et cinématographiques, diplôme d’Études Supérieures en Économie Sociale, certificat de Patristique, certificat de Spiritualité, diplôme Supérieur de Théologie, diplôme postdoctoral en philosophie, etc. Il est membre de la GLMF.
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