ven 22 novembre 2024 - 21:11

Président de la Conférence épiscopale : « Pour gravir l’échelle sociale, il faut adhérer à la Franc-maçonnerie »

De notre confrère fides.org

Brazzaville (Agence Fides) – « Nous sommes des pauvres vivant dans un pays riche » déclare le Président de la Conférence épiscopale de la République du Congo et Archevêque de Brazzaville, Bienvenu Manamika Bafouakouahou, dans un entretien avec l’Agence Fides.

Quelle est la situation de l’Église en République du Congo ?

Je peux dire que la situation est stable, mais la stabilité ne veut pas dire que tout va bien. Il existe des « églises de réveil » ou des communautés pentecôtistes qui mènent une sorte de « guérilla » sur le terrain spirituel, en ce sens qu’elles combattent âprement l’Église catholique. Ils perturbent la foi des catholiques en proposant des solutions rapides et faciles à leurs problèmes. Même si nous sommes dans la vérité, et c’est ce que je crois réellement, cette vérité est difficile à accepter pour les chrétiens qui vivent dans la pauvreté parce qu’ils recherchent des solutions directes et immédiates à leurs problèmes urgents. Ils trouvent alors des « solutions magiques » auprès de ces pasteurs, même s’ils restent toujours dans la pauvreté. Mais d’une manière générale, l’Église catholique continue sur sa voie.

Ces « églises de réveil » sont-elles originaires du Congo ou viennent-elles de l’extérieur ?

Actuellement, il existe des « branches locales » de réalités qui viennent des pays voisins mais qui sont dirigées par des pasteurs formés aux États-Unis. En fait, ces réalités sont soutenues par les églises pentecôtistes américaines. Le 13 novembre, le Dicastère pour la doctrine de la foi a confirmé l’interdiction faite aux catholiques d’adhérer à la franc-maçonnerie.

Les élites congolaises y sont-elles attirées ?

Je crois que les élites locales d’Afrique centrale n’échappent pas à la franc-maçonnerie. Pour gravir les échelons sociaux, il faut adhérer à la franc-maçonnerie. L’Église le déconseille fortement car c’est comme une voie « magique » vers la réussite. Cependant, même si une personne a la capacité intellectuelle d’obtenir un poste de responsabilité, elle ne peut l’obtenir que si elle adhère à la franc-maçonnerie. La franc-maçonnerie ne se cache plus comme autrefois. De nombreux jeunes y sont aujourd’hui recrutés. L’Église résiste à cela parce que pour nous il s’agit d’un mécanisme ésotérique qui n’est pas objectif et qui n’aide pas la société. Nous sommes toujours en dialogue avec nos intellectuels qui peuvent être attirés par les voies maçonniques. Mais nous leur disons que ce n’est pas la voie à suivre. Le seul chemin à suivre est le chemin normal, pas le chemin raccourci. Mais le problème est le suivant : lorsqu’un jeune chrétien a terminé ses études et cherche un emploi, il résiste d’abord à cette pression, mais ensuite il se rend compte qu’il a une famille à nourrir. Et lorsqu’il postule à un poste public, on lui demande de rejoindre la franc-maçonnerie pour l’obtenir. Cela devient pour lui un dilemme. Que devrait-il faire ? Et en tant que pasteur, je dois lui dire : restez fidèle à vos convictions. Mais qui le nourrit, lui et sa famille ? Il s’agit d’un véritable problème pastoral, car en tant qu’évêques, nous sommes interpellés par cette situation.

Que peut faire l’Église ?

Premièrement, l’Église ne change pas sa façon de proclamer l’Évangile. L’Église garde la vérité et façonne les consciences. C’est aux gens de faire des choix concernant leurs croyances. Nous ne pouvons pas forcer le chemin, mais nous le montrons. Si vous choisissez un autre chemin, c’est une honte, mais si vous choisissez le chemin de la foi, c’est une joie pour l’Église et nous essayons de renforcer la foi à travers des opportunités éducatives. C’est pourquoi nous avons fondé « Accabe, l’Académie d’éthique de Brazzaville, pour aider les étudiants, intellectuels et parlementaires catholiques à poursuivre un parcours cohérent. Malheureusement, la pauvreté ne nous aide pas. Certains nous disent : « Monseigneur, j’aimerais bien me comporter, mais que mange ma famille ? Nous vivons donc dans un contexte « hybride ».

Le problème du développement humain se pose donc. Mais comment concilier cela avec la protection de l’environnement ?

La République du Congo est l’un des trois bassins forestiers équatoriaux qui, outre le nôtre, comprennent également les bassins amazoniens et de Bornéo en Asie du Sud-Est. À la mi-octobre, notre pays a accueilli le Sommet des Trois Bassins. Du Président de la République aux citoyens ordinaires, tous les Congolais sont très engagés dans la protection de l’environnement. Tout cela est vrai, mais nous en sommes encore à la théorie. Lorsque le Pape se plaint dans sa lettre « Laudate Deum » qu’il y ait beaucoup de théorie lors des différents sommets sur le climat, il le fait parce que la situation sur le terrain est contradictoire. Par exemple, les grandes sociétés minières promettent le développement, la construction d’écoles, etc., mais cela n’arrive pas. A Pointe-Noire, ils ont promis des écoles et du développement, mais on voit que des villages entiers sont pollués et cela tend à conduire à la misère. Ce que dit le Pape est vrai et j’espère que sa voix sera entendue lors de la prochaine COP. On parle beaucoup de développement respectueux de l’environnement, mais sur le terrain, les grands décideurs font ce qu’ils veulent. Nos pays, si riches en ressources naturelles, ne font pas partie du groupe des décideurs qui ont leur mot à dire sur notre pétrole, notre bois, etc. Et l’argent est également mal géré. Nous semblons donc faire des progrès, mais en réalité ce n’est pas le cas. En fin de compte, nous sommes des pauvres vivant dans des pays riches. (LM) (Agence Fides, 20/11/2023)

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