ven 22 novembre 2024 - 05:11

La christianisation des francs-maçonneries britanniques (1/4)

De notre confrère thesquaremagazine.com

Cette série en quatre parties considère : (i) la séparation des francs-maçonneries britanniques du Grand Orient de France (GOdF) ; et, (ii) maintenir la fraternité avec la Grande Loge prussienne des Trois Globes.

Les deux décisions ont un impact sur la relation des francs-maçonneries avec la religion, toutes deux, à leurs différentes manières, peuvent être comprises comme des batailles pour l’âme (« essence », Carnarvon) de la franc-maçonnerie.

Cependant, les francs-maçonneries et les religions sont « déchirées par des schismes » – un échec à s’entendre sur des principes fondamentaux.

La caractéristique déterminante de notre espèce est peut-être que nous apprenons et croyons à travers des histoires, des récits, des fictions et des inventions.

La croyance en la même histoire crée la confiance entre les croyants ; cela a fourni la base d’une coopération humaine à grande échelle.  

Comment la bataille pour les âmes des francs-maçons pourrait-elle être identifiée de manière à garantir leur prospérité au 21 ème siècle ?

Il n’y a aucune garantie de l’immortalité de l’âme de la franc-maçonnerie ! “Nous étudions le passé pour nous en libérer.” (Hariri)

Durant les terribles années 1939-45, de nombreux ecclésiastiques et maçons étaient unis dans leurs idéaux, parfois dans leur martyre.

Revenir simplement à un statu quo hostile leur paraissait impossible, immoral.

C’est bien de cette époque que l’on peut dater cet effort sincère des deux côtés pour dresser le bilan des causes d’incompréhension, et, sans précipiter les choses, du moins pour étudier en commun une difficulté commune.

 – Alec Mellor, Nos frères séparés, les francs-maçons.

Cette série en quatre parties considère :

(i) la séparation des francs-maçonneries britanniques du Grand Orient de France (GOdF) ; et,

(ii) maintenir la fraternité avec la Grande Loge prussienne des Trois Globes.

Partie 1. L’infidélité française : une nouvelle alliance

Partie 2. La fidélité allemande : « Car si la trompette donne un son incertain, qui se préparera au combat » ?

Partie 3. Perdition française : « … car quelle communion y a-t-il entre la justice et l’injustice » ? Quelle communion y a-t-il entre la justice et l’autosatisfaction ?

Partie 4. L’arrivée de Post Truth en 1877-8 : «…. de nouveaux cieux et une nouvelle terre… on ne se souviendra pas des premiers ».

LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ
IMAGE LIÉE : CHRIS – FLICKR ATTRIBUTION 4.0 INTERNATIONAL (CC BY 4.0)

L’infidélité française : une nouvelle alliance. 

Certains de ceux qui ont fui la Révolution française de 1848 ont cherché sécurité et protection en Grande-Bretagne.

Ces émigrés comprenaient des francs-maçons de différentes juridictions avec des compréhensions différentes de ce qui pourrait être considéré comme « les objectifs et les relations de l’art royal ».

La mentalité maçonnique française de Liberté, égalité, fraternité ; et la liberté de conscience était très différente de la liberté britannique « Amour fraternel, soulagement et vérité ».

La franc-maçonnerie anglaise à l’époque du Livre des Constitutions de 1723 était Whig et déiste ; en 1877, la franc-maçonnerie était au centre du soutien maçonnique à la monarchie (conventionnelle/constitutionnelle), à ​​l’aristocratie et à l’Église d’Angleterre : le GODF ne reprennait pas ce positionnement !

Comme peu de maçons émigrés étaient assimilés à la franc-maçonnerie anglaise, ils formèrent leurs propres loges/juridictions ; il a fallu un certain temps pour évaluer leur « régularité ».

(Pour un aperçu de cela, voir Andrew Prescott, The Cause of Humanity : Charles Bradlaugh and Freemasonry. )   

La défaite française lors des guerres franco-prussiennes de 1870-1872 mit fin au règne de Napoléon III ; la Troisième République commençait ; Les monarchistes, l’Église catholique et les militaires n’ont pas pu empêcher une croissance de la sécularisation.

Le républicanisme était considéré comme « la forme de gouvernement qui divise le moins la France ».

Les relations entre la Grande-Bretagne et la Troisième République étaient calmes ; en acquérant 44 % des actions en 1875, la Grande-Bretagne obtint la copropriété avec la France de la Compagnie du canal de Suez.

Ainsi, elle acquit la propriété et le contrôle d’un raccourci vers son empire d’Orient : en 1877, Victoria devint impératrice des Indes – l’« Orient » de l’Empire.

La « question française » concerne une seule juridiction, le Grand Orient de France (GOdF). En 1849, sa Constitution disait :

« La franc-maçonnerie, institution essentiellement philanthropique, philosophique et progressiste, repose sur ;

(i) l’existence de Dieu,

(ii) l’immortalité de l’âme

Son objectif est l’exercice de la charité, l’étude de la morale universelle, des sciences et des arts, ainsi que la pratique de toutes les vertus.

Sa devise est « Liberté, Égalité et Fraternité ».

FALCO – LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ
IMAGE LIÉE : PIXABAY ATTRIBUTION 4.0 INTERNATIONAL (CC BY 4.0)

En 1865, on ajoutait : « Elle considère la liberté de conscience comme un droit qui appartient à tout homme et n’exclut personne en raison de ses convictions. » La « liberté de conscience » peut être comprise comme incluant :

(a) le droit d’avoir une religion;

(b) le droit de changer de religion ;

(c) le droit de ne pas avoir de religion.

Cette définition est inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme des Nations Unies et dans la loi britannique sur l’égalité de 2010.

Pour le GOdF, la liberté de conscience l’emportait sur la nécessité de croire en l’une ou l’autre ; (i) l’existence de Dieu; ou (ii) l’immortalité de l’âme.

À la lumière de cela, des pressions ont été exercées pour obtenir des éclaircissements. Sous la direction du Président ( « Grand Maître ») du GODF, le Révérend Desmons ; La motion IX a été approuvée lors de l’Assemblée générale de septembre 1877 et la Constitution a été révisée.  

FRÉDÉRIC DESMONS, PASTEUR DE L’ÉGLISE RÉFORMÉE DE FRANCE
IMAGE LIÉE : WIKIMEDIA ATTRIBUTION 4.0 INTERNATIONAL (CC BY 4.0)

Frédéric Desmons, pasteur de l’Église réformée de France, a obtenu son doctorat en théologie à Genève.

Ce fut le berceau de la République de Calvin dont l’Institution de la religion chrétienne prônait le républicanisme et la séparation des « deux royaumes » de l’Église et de l’État.

C’est-à-dire aucune église établie. (Une position très similaire à celle des radicaux Whig parmi les fondateurs de la Grande Loge d’Angleterre en 1723.)

Courant 1877, Desmons démissionna de son ministère pour entrer dans le gouvernement local ; élu ensuite député puis sénateur du Gard ; a exercé deux autres mandats en tant que président du GOdF. 

Lors de la réunion « inhabituellement bondée » de la Grande Loge Unie d’Angleterre le 5 décembre 1877, le Pro Grand Maître, le 4e comte de Carnarvon , a attiré l’attention sur la Constitution nouvellement amendée du GODF. 

Carnarvon :  

  • « … quelques questions qui touchent aux principes les plus élevés du métier. »
  • … Les questions vitales sont telles que nous ne pouvons ni en sagesse ni en conscience les mettre de côté.
  • … Une modification des règles et principes fondamentaux par lesquels la maçonnerie française et toute la maçonnerie étaient liées : à savoir (i) l’existence de Dieu ; et (ii) l’immortalité de l’âme.
  • … Les deux principes qui ont été les deux principes directeurs de la civilisation – qui ont fait plus pour élever et élever l’homme que tous les deux autres que je puisse citer – qui, dans les périodes les plus sombres du monde, les ont illuminés, et depuis laquelle chaque pensée noble et chaque action généreuse ont à leur tour surgi.
  • … Ces questions, sont vraiment de l’essence de la Franc-Maçonnerie. …… si ces principes doivent être rejetés, ils perdent leur sens, et pire que dénués de sens, ils deviennent une moquerie presque offensante.
  • … Ces deux grands principes fondamentaux , la croyance en un Dieu et en l’immortalité de l’âme, ont été supprimés et remplacés simplement par une liberté de conscience illimitée et illimitée et par « la solidarité humaine », quelle que soit l’expression. peut signifier… cela signifie probablement l’unité et l’indissolubilité de la race humaine.
  • Frères, si c’était effectivement le cas… questions de régulation interne qui sont la propriété exclusive de chaque Grande Loge nationale, il serait impertinent de s’en mêler…… Mais nous intervenons…. ils ne peuvent pas affecter ainsi les principes directeurs de la maçonnerie … sans affecter l’ensemble du corps maçonnique ; et c’est à la fois notre droit et notre devoir d’élever la voix.
  • … Soixante seize Loges en France ont voté contre ce changement. La Grande Loge irlandaise n’a pas hésité à adopter une résolution… réprimandant et censurant l’action entreprise par le Grand Orient.
HENRY HOWARD MOLYNEUX HERBERT, 4E COMTE DE CARNARVON
IMAGE LIÉE : WIKIMEDIA ATTRIBUTION 4.0 INTERNATIONAL (CC BY 4.0)

Le Pro Grand Maître Carnarvon disait qu’en principe, il ne pouvait y avoir ni civilisation ni franc-maçonnerie sans (i) la croyance en Dieu ; et (ii) la croyance en l’immortalité de l’âme.

D’où vient cette affirmation ? Dans le cadre de l’expédient impérial, des membres des élites dirigeantes indigènes, sans antécédents chrétiens, furent initiés ; pour certains d’entre eux, le concept de l’immortalité de l’âme aurait été étranger.

Où, dans les publications officielles de la franc-maçonnerie britannique, avant et depuis cette réunion de 1877, la croyance en l’immortalité de l’âme était-elle identifiée comme un repère ancien, une condition préalable essentielle à l’initiation ?

Comment était-ce possible pour un Pro Grand Maître ? Après de brillantes études à Eton et Oxford, le ministre britannique des Colonies, veuf avec trois enfants, avous quelques difficultés à traduire le stermes “la solidarité humaine”, et ce quelle que soit la signification de cette expression…

Depuis assez longtemps, ces mots ont imprégné la littérature européenne, y compris celle du GODF, suffisamment longtemps pour que les francs-maçonneries britanniques les accommodent.

Carnarvon avait démissionné du gouvernement à cause de la deuxième loi de réforme de Disraeli de 1867, conçue pour étendre le droit de vote aux travailleurs ; dont certains, il serait déraisonnable d’en douter, étaient francs-maçons ! 

Peut-être implicitement dès la formation du GODF en 1773, mais certainement à partir de 1865, il était peu probable que les chemins des francs-maçonneries britanniques et ceux du GOdF se rejoignent ; ce n’était qu’une question de temps avant qu’ils ne se croisent !

Les relations à l’étranger n’étaient pas fondées sur des sentiments :

« Nous n’avons pas d’amis permanents. Nous n’avons pas d’ennemis permanents. Nous avons juste des intérêts permanents. » Benjamin Disraeli (Premier ministre du Royaume-Uni 1874-1880)

Cela ne semble peut-être pas maçonnique, mais cela a guidé les dirigeants de la franc-maçonnerie britannique.

La franc-maçonnerie dans les États-Unis républicains était encore plus chrétienne qu’en Grande-Bretagne ; introduite en 1864, la monnaie américaine portait le mantra « In God We Trust ».

À la lumière de cela, l’équivalence étroite entre républicanisme et athéisme proposée par Carnarvon ne semble pas convaincante et ne constitue pas un bon calvinisme.

Malgré la menace qui pèse sur l’ensemble de la civilisation ; L’ action du GOdF a été perçue comme une menace fondamentale pour les principes de la franc-maçonnerie confessionnelle ; apparemment il n’y avait pas d’autre type, il fallait faire quelque chose !

Carnarvon :

… la solution que je recommande à la Grande Loge est qu’un comité soit nommé… qu’ils devraient enquêter sur les faits de l’affaire ; qu’ils devraient ensuite rechercher tous ces documents anciens… obtenir des explications sur tout ce qui peut maintenant être mis en doute et… rapportez à la Grande Loge le cours qu’ils recommandent.

Le comité, composé de onze personnes, comprenait Aeneas J. McIntyre QC, grand registraire. (Voir les parties 2 et 3.)

Si cela ne suffisait pas pour une nuit, l’examen de « La question allemande » devait suivre ! 

Il faut considérer qu’avant la réunion, une consultation avait été entreprise avec le Grand Maître, le Prince de Galles, et que des décisions avaient déjà été prises tant sur la question française que sur la question allemande.

Il était nécessaire de construire un récit qui, de manière convaincante, permettrait l’exclusion du GODF tout en maintenant la fraternité avec l’Allemagne.

C’est-à-dire interférer avec les droits d’une juridiction mais pas avec ceux d’une autre, tout en émetttant son propre avis.

ARTICLE DE : Gérald Reilly

Gerald Reilly a été initié en 1995 au Prieuré Lodge 2063 de St Osyth, Essex. Angleterre (UGLE). 

Il a été membre fondateur d’Allthingsmasonic de Josh Heller, et avec Josh a co-écrit « Le Temple qui ne dort jamais » (Cornerstone Books, 2006), il s’engage dans le développement de la franc-maçonnerie électronique.

Récipiendaire du prix Norman B Spencer, 2016.

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