Les plénitudes humaines ne se déclinent pas toutes dans le rituel ; leur nombre laisse libre le choix du maçon. Les deux-trois plénitudes retenues par un initié sont aperçues émotionnellement mais restent vagues, intuitives, pour la plupart d’entre nous. Elles alimentent le désir sacré de la béatitude sans que nous y prenions une part consciente. Elles sont peu vécues, ce sera pour plus tard peut être avec l’avènement de la Voie. Elles vêtent l’Un/Tout inaccessible dans la Voie, la béatitude fœtale, la toute réceptivité.
Gros plan sur les sept plénitudes humaines : La sécurité totale symbolisée par le Couvreur, la régression intra-utérine, la conjonction des opposés (l’androgynie est motivée par les deux colonnes, le soleil et la lune) ; le repos absolu assez proche de l’Orient –ou la Loge- éternel(le), l’idéal du Moi, ou la légende personnelle ; les paradis perdus et l’ordre dans l’univers (La vision du monde), relatée dans la devise Ordo ab chao. (Voir article « méthodes, plénitudes, croyances ».) Voir Canaux, plénitudes, croyances
Prise de conscience, trames et scénarios
Donc prise de conscience des émotions plus profondes associée à des comportements mis en scénarios. Les trames montent éventuellement à la conscience, uniquement par les sensations et l’affect, sans qu’il soit nécessaire de les identifier, les nommer comme on le fait dans les TCC, la psychanalyse…Demeurer au niveau de l’émotionnel traduit dans les scénarios. : ressentir et dire ce que l’on ressent, sans essayer de rationaliser. La rationalisation est le principal ennemi qui a envahi la conscience (le chapeau et le parapluie, avec Freud) . Ce qui aurait pour effet de « geler » l’émotionnel… La Voie, avec une « spiritualité pour agir », débusque les bonnes raisons pour faire place aux vraies raisons : je déclare en tenue qu’il est insupportable que des enfants meurent de faim et je me trouve de bonnes raisons pour ne rien faire : c’est une goutte d’eau, cela ne sert à rien c’est le système capitaliste…
Ne pas dévoiler nos mystères
C’est tout à fait ce que les Anciens appelaient, avec une grande justesse, nos « mystères ». Le travail maçonnique pourrait bien être « prends conscience de tes émotions, sensations…et ne te raconte pas d’histoires » car le rituel, particulièrement aux passages, amène à éprouver des sensations, émotions dans les scénarios rituels proposés. Il faut donc, à la fois, respecter le rituel pour les sensations-émotions qu’il procure et, en même temps le considérer comme un jeu, voire avec humour. C’est un des paradoxes de fond.
Qu’est-ce qu’un mystère (religieux, maçonnique) ? Un arcane dont on perçoit confusément les sensations-émotions que des scénarios et les trames qui leur servent de terreau génèrent. Et que l’on partage muettement avec les autres. L’initié-silence fait barrage, sur le mode : « tais-toi, ne cherche pas les mots, car la Parole est perdue et il ne s’agit surtout pas de la retrouver ». Or Freud nous amène à nommer le nom, les mots pour le dire. Alors le mystère est désacralisé. La réalité psychique est dépouillée de ses sensations-émotions. Point n’est besoin de constater, de lever l’écran des sensations-émotions. Parce qu’alors, je me prive d’une double jouissance fascinante, celle du 1) sacré 2) vécu ensemble (initié(e)- La lucidité sur les émotions générées par les scénarios, mis en évidence dans le rituel et que je fais miennes à force de répétition du rituel, est requise. Puisque la conscience des bien-être est source de bonheur. La lucidité (des trames et des empreintes) peut tuer le sacré qui navigue dans l’émotionnel, par sa fascination, le désiré et l’interdit.
Le sacré doit le rester
Le secret des mystères est bien celui que je suppose dans mon ouvrage Hiram et Freud. Je ne te le conseille pas parce que la dénonciation des tabous apporte le désenchantement de ce qui fait l’atmosphère exceptionnelle d’une tenue réussie. La levée des tabous est dangereuse. « La lucidité est froide, les mystères sont chauds…le bonheur c’est chaleureux ». Il n’est même pas sûr que la lucidité entraîne une meilleure maîtrise de soi en tendue comme capacité à changer les trames, voire même les scénarios. Irais-je jusqu’à dire que parfois la lucidité est un boulet ? Ne déclenche-t-elle pas, selon les cas, le découragement plutôt que la toute-puissance, la culpabilité plutôt que la réparation, la sécheresse du constat plutôt que l’amour ?
Le sacré est indicible ; il cache ce que l’on ne doit ni ne peut dire. Le sacré est lié au secret que l’initié-silence impose à celui qui s’auto-observe. Ce secret, c’est celui des trames sous-jacentes : l’inceste, l’homosexualité, l’homicide. Quel est le lien causal entre les trames et les personnages ? Les personnages laissent à chacun la possibilité de jouer son ou ses scénarios. C’est fondamentalement la liberté de conscience
En-haut, ce serait surtout les plaisirs extrêmes : la sécurité totale, la toute-puissance, le narcissisme, les soins accordés, la loi protectrice ; et en bas, les peurs terribles, l’agressivité, la culpabilité, l’angoisse, la dépression, l’ennui… Pour autant les plaisirs extrêmes s’ils sont trop accentués risquent l’addiction et par là, l’enfermement ; c’est leur aspect négatif du « trop » tandis que les peurs terribles, qui ont un aspect positif, peuvent si elles sont dépouillées de cet aspect (la restriction), rendre malade, les névroses. C’est le trop peu. Au milieu, c’est bien la fraternité, qui est facilement conscientisée et qui joue sur les deux registres : je l’aime et je le hais. Le chemin de l’Amour, omniprésent dans le voyage maçonnique croise le chemin de l’Œuvre. Soit les deux mythes recteurs de la fratrie bienheureuse- frérocité et des constructions-démolitions du temple. Ils sont l’expression de la spiritualité et de l’agir dans la devise « Une spiritualité pour agir ».
On reste essentiellement dans la catharsis et la réalisation du Moi. Peu dans l’intégration du Soi. Il n’est pas sûr que la Voie y mène un jour. À cause du coude vers l’agir.