sam 23 novembre 2024 - 04:11

Légendes et fantômes : Un manoir régi par l’occultisme en Ille-et-Vilaine

De notre confrère ouest-france.fr – Par Françoise SURCOUF

La forêt de Paimpont en Ille-et-Vilaine recèle nombre de lieux mystérieux. Non loin du cœur même de cet endroit magique s’élève une gentilhommière à l’étonnante réputation : le manoir du Tertre dans lequel domine encore l’impressionnant portrait de Geneviève Zaepffe.

Dans la commune de Paimpont, en Ille-et-Vilaine, le ravissant manoir du Tertre accueille des vacanciers venus jouir de la beauté de la campagne environnante, de l’odeur de cire des vieux meubles et des bibelots qui agrémentent les pièces. L’escalier de bois sombre, la cheminée, les bibliothèques croulant sous le poids de collections de superbes ouvrages anciens, tout ici concourt à vous plonger encore plus dans l’atmosphère étrange de la mythique Brocéliande, forêt magique que l’on identifie à celle de Paimpont. Mais, selon plus d’un visiteur, ce havre de bien-être dissimule peut-être une autre réalité, plus sombre et intrigante.

Crédit photo : delcampe.net

L’impressionnant portrait de Geneviève Zaepffel, l’ancienne propriétaire des lieux, trône toujours dans la salle à manger. Nul n’a le droit, selon ses vœux, de l’en déplacer. Majestueux, il domine l’assemblée attablée et semble la couvrir encore de son regard incisif et pénétrant. Celle qui a su marquer d’une empreinte profonde cette maison serait-elle parvenue, au-delà de la vie, à y rester ? La demeure serait-elle hantée par son esprit ?

Un lieu propice aux visions…

Ladite propriétaire est née le 5 mars 1892 à Paimpont dans la petite ferme de ses parents. Elle a deux frères et deux sœurs. En 1903, la famille déménage. Les Lefeuvre ont vendu leur exploitation et acquis une propriété non loin de là au lieu-dit Le Tertre, au Cannée. Elle comprend les vestiges d’un manoir construit au milieu du XVIIe siècle et en partie détruit dans un incendie en 1898 quelques années plus tôt, ainsi que les terres et les communs dudit logis. L’enfant grandit sous l’influence d’une marraine très pieuse qui l’initie rapidement à décrypter le monde à travers les visions mystiques que lui inspirent tout à la fois sa profonde foi chrétienne et les légendes qui entourent la forêt.

Si le cadre est aujourd’hui verdoyant, spiritualité et occultisme étaient pratiqués au XXe siècle dans ce lieu. | MANOIR-DU-TERTRE.FR

À l’âge de sept ans, la petite fille est miraculeusement guérie d’une tuberculose, maladie alors fatale, à un stade avancé, après avoir eu, affirme-t-elle une vision de saint Judicaël, fondateur de l’abbaye de Paimpont. Plus tard, c’est un druide qui lui serait apparu dans l’escalier du Tertre. Elle détaille sa vision, dans son deuxième ouvrage prophétique, en 1937 : « Il était assis vers le milieu, il m’apparut majestueux, enveloppé d’une cape blanche. […] Le vieillard revint en effet pendant mon sommeil pour me dicter dans ses moindres détails ma ligne de conduite et mon destin. » Elle ajoute que Brocéliande aussi lui est source d’inspiration : « Le lieu de ma naissance cadrait admirablement avec ma mission. Coin sauvage, propice à l’initiation, à la méditation, terre des Druides. »

… et aux pratiques occultes

En 1921, Geneviève épouse René Zaepffel, fils d’un industriel alsacien, héros de guerre et féru d’occultisme qui l’introduit dans ce milieu très particulier. Les deux époux vivent à Paris. Dans cette période troublée d’avant-guerre où le spiritisme est à la mode, la jeune femme se construit rapidement l’image d’un grand médium. Elle publie son premier ouvrage de prophéties en 1930. Il sera bientôt suivi d’une publication annuelle. En 1928, elle fonde le Centre spiritualiste de Paris qui constitue le cœur de ses activités jusqu’en 1944. L’établissement possède son propre organe de presse, le Bulletin mensuel et accueille, outre Madame Zaepffel, trois autres visionnaires. Ils pratiquent, entre autres, la lecture dans les photographies de défunts, l’astrologie, la chiromancie qui consiste à lire les lignes de la paume de la main, et la radiesthésie, dans laquelle on interprète les champs magnétiques émis par des objets. Geneviève y organise des conférences hebdomadaires, mais aussi de grandes messes spirites, annuellement devant parfois plus de 3 000 personnes.

Le célèbre portrait de la médium. | PEINTURE PAR MAZIELLA MALLAIVRE

Le temps de l’épuration

À partir de la fin des années 1920, elle restaure les communs du Tertre, y installe des chambres d’hôtes, transforme le lieu en centre de cure avec solarium et accueille ses premiers clients en 1933. L’établissement devient le lieu de rendez-vous des officiers qui séjournent au camp de Coëtquidan.

La Libération sera une pause à cette vie spirituelle. Monsieur Zaepffel, fasciné par l’Allemagne, a prôné les idées pétainistes. L’épuration leur vaut, à lui et à son épouse, quelques temps d’emprisonnement. En 1948, après plusieurs années sans activités publiques, Geneviève publie un nouveau livre de prophéties et séjourne fréquemment au manoir du Tertre où elle organise des séances de spiritisme. C’est à cette époque qu’est peint le fameux tableau la représentant.

Des phénomènes nocturnes

Sont-ce les activités très particulières de sa propriétaire qui ont construit la légende ? Et, si claquements de porte ou courants d’air glacials peuvent n’être que fortuits, les témoignages abondent concernant l’étrange portrait de la propriétaire, toujours accroché au mur, surveillant les convives réunis autour de la table du dîner. D’aucuns parmi les divers résidents du manoir affirment avoir vu son célèbre modèle en sortir et errer nuitamment dans la maison tandis que des voix chuchotent dans l’ombre…

Les esprits autrefois évoqués par Madame Zaepffel hantent peut-être encore les lieux, prisonniers de la mémoire de ces murs entre lesquels la médium les recevait. À moins que ce ne soient simplement la magie de la forêt et de son atmosphère mystique qui n’agissent mystérieusement sur les visiteurs envoûtés.

2 Commentaires

  1. Ne pas confondre occultisme et ésotérisme (même si les deux racines, grecque et latine, veulent dire la même chose). J’ai passé deux nuits dans cette auberge, sans savoir quoi que ce soit avant. Il s’y dégage une incroyable sensation d’appaisement. Le tableau, magnifique, dégage une grande impression de sérénité (et au passage, il ne “surveille pas les dineurs…”, il est dans une aire de repos).

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