sam 23 novembre 2024 - 08:11

Rites et mystères chrétiens des Compagnonnages

Dans sa préface, le dominicain Jérôme Rousse-Lacordaire signale dans quel contexte s’inscrit la réalisation d’un chef d’œuvre. Entre culture, mystère et tradition. Cette merveille, ce trésor qu’est le chef d’œuvre n’est-il pas d’ailleurs le parachèvement du compagnon lui-même ?

Ce remarquable beau-livre, qui est aussi un livre beau, dédié à la connaissance et à la transmission, donne, dans son introduction, l’occasion à Jean-François Ferraton*, reçu Compagnon Graveur sur bois à l’Union Compagnonnique des Devoirs Unis sous le nom de Lyonnais la Clef des Arts en 1991, de rappeler l’inscription, en 2010, sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO du compagnonnage. L’auteur fait aussi référence à l’itinérance éducative avec le « Tour de France » ainsi qu’aux rituels d’initiation.

De l’accès à l’état de compagnon, appelé réception, précédé par l’admission, rappelant l’acception même du terme rite qui va bien au-delà du sens traditionnel connu – ensemble des règles et des cérémonies qui se pratiquent dans une communauté – mais s’entend aussi comme l’appartenance à l’une des familles compagnonniques de la légendaire trilogie – Maître Jacques, Père Soubise et le roi Salomon –, il évoque les correspondances, y compris symboliques, existantes entre rites sacramentels, visant pas seulement à produire des états intérieurs mais amenant aussi à la rédemption, et rites compagnonniques.

Dans une première partie, titrée comme l’ouvrage, l’auteur décrypte les rites et mystères chrétiens des Compagnonnages. Débutant par les plus anciens rites connus et notamment les précédents de la résolution de 1655, l’auteur analyse le mot rite. Pris dans son sens religieux, il renvoie à des liturgies distinctes, singularisant aussi le style de cérémonie de diverses corporations. Parce qu’au Moyen Âge, les métiers pratiquaient leurs cérémonies initiatiques la nuit dans le secret le plus absolu pour se protéger des pouvoirs publics et des autorités religieuses qui y voyaient des pratiques de sorcellerie et de magie.

En témoigne les fameuses Condamnations de la Sorbonne de 1655, « Résolution touchant les pratiques impies, sacrilèges et superstitieuses, qui se font dans les mestiers de cordonniers, tailleurs d’habit, chapeliers et selliers, pour passer compagnons, qu’ils appellent du Devoir… » dont l’auteur se fait largement l’écho. Il définit ensuite ce qu’il entend par le mot mystère, signifiant « chose secrète ». Pour les théologiens, il s’agit d’une vérité inaccessible à la raison, mais que Dieu donne à connaître en se révélant – Trinité, Incarnation, Rédemption. Et de ces pièces de théâtre appelées ‘’mystère’’, Jean-François Ferraton passe en revue tant les confréries que leurs relations avec les monastères. Il compare aussi intelligemment « Sacrements, sacramentaux et rites initiatiques des Compagnonnages » – lavement des pieds, partage du pain et du vin, mystère de la passion – dans les réceptions, le baptême compagnonnique et même les rites chevaleresques.

Père Soubise.
Maître Jacques.

L’auteur nous entretient de la notion de devoir et nous conte des légendes, avec l’apparition de celles de Maître Jacques et du Père Soubise, puis se livre ensuite à une analyse très détaillée selon un schéma analogue : des faits historiques dûment sourcés, un compendium d’un corpus de connaissances resituant tous les documents consultés. Jusqu’à évoquer Jacques de Molay, la symbolisation du Temple de Jérusalem dans la cathédrale, et de celle d‘Auch en particulier avec ses compagnons vitriers du Devoir.

Un très beau texte, enrichi de magnifiques et précieuses illustrations, et agrémenté de comparatifs aidant à une meilleure compréhension comme la substitution Jacques-Jésus ou la confusion Jacques-Hiram et la légende maçonnique. De la Sainte-Baume à la grotte de sainte Marie-Madeleine, des nombreuses énigmes aux tailleurs de pierres étrangers, de la Pierre fondamentale, des invocations – prononciation et vocalisation – et des noms sacrés’’ jusqu’aux filiations compagnonniques, Jean-François Ferraton offre, entre tradition et modernité, un incontournable et un indispensable ouvrage. Comme un diamant aux multiples facettes, véritable joyau qui, à la lumière du passé, éclaire notre présent et prépare notre avenir !

Daté de 2016, il ne reste plus que quelques exemplaires. D’après nos informations, il ne sera pas réédité. Alors, c’est le moment d’entrer dans les rites et les mystères chrétiens des Compagnonnages… Pour 15 €, cela vaut plus que le détour ! Disponible essentiellement sur les grands sites marchands…

*Né le 27 mars 1949 à Lyon, Jean-François Ferraton est un artiste français d’art sacré. Basé dans la capitale des Gaules, son atelier se trouve à Rochetaillée-sur-Saône.

De 1978 à 1989, il a étudié les principes de la composition picturale selon le peintre Albert Gleizes à l’académie du Minotaure de Lyon, où il fait des travaux d’art sacré en collaboration avec le peintre fresquiste et vitrailliste René-Maria Burlet.

Écharpe de l'Union Compagnonnique des Compagnons du Tour de France Des Devoirs Unis
Écharpe de l’Union Compagnonnique des Compagnons du Tour de France Des Devoirs Unis

En 1989 il devient membre de l’Union Compagnonnique des Devoirs Unis, où il travaille comme graveur sur bois. Guidé par des artisans d’art de haut niveau, il perfectionne aussi sa pratique de gravure sur pierre et son travail du verre au four.

Après avoir sculpté de nombreux bas-reliefs sur bois pendant quelques années, en 1985 il crée son propre atelier à l’enseigne du Chêne-Voyelle. Il édite jusqu’en 1995 une douzaine de livres d’artiste xylographiés qui le feront connaître en France auprès de la quasi-totalité des bibliothèques disposant d’un fonds de bibliophilie contemporaine. Il édite également à cette époque des estampes de grands formats et des gaufrages.

Le roi Salomon.

Il donne pendant quelques années des formations dans le domaine de la gravure ou de la composition picturale, soit dans son atelier, soit à l’extérieur pour des organismes de formation, ou pour la fondation Gleizes. Il a obtenu en 1993 le prix du manuscrit du conseil général du Rhône pour son ouvrage Lettre à René-Maria Burlet qui rendait hommage à son maître.

Il revient à la création de grands bas-reliefs gravés sur bois et sur pierre avec une orientation sur la symbolique chrétienne.

Hiram représenté entre les deux colonnes du Temple, vitrail de St John’s Church, Chester (Angleterre, 1900).

Depuis 1995, il se consacre entièrement à la création d’œuvres d’art sacré (autels, ambons, tabernacles, croix de chœur, baptistères, éléments architecturaux, vitraux) dans un style sobre et épuré où le verre très épais entre en conjonction avec la pierre, le bois ou le métal.

À ce jour, il a réalisé plus de 400 œuvres originales, ce qui le place parmi les créateurs les plus importants dans le domaine de l’art sacré actuel, juste à côté d’artistes comme Dominique Kaeppelin, Jacques Bris ou Jacques Dieudonné et à la suite d’autres comme Arcabas, Goudji ou Philippe Kaeppelin.

Rites et mystères chrétiens des Compagnonnages

Jean-François Ferraton – Lyonnais la Clef des Arts

Les éditions du Cerf-Glénat, 2016, 274 pages, 15 €

1 COMMENTAIRE

  1. Très beau témoignage indispensable pour le chercheur Se cherchant ….
    Un ouvrage à ne pas manquer à l’instar de notre Maître et Ami jean Luc Leguay (!)
    Merci ☺️ au présentateur et bien sûr ( 🙄 ) à mon cher ami « Franck-450 » sans qui cette info-com nous aurait échappée !
    Toute ma reconnaissance et mon affection
    Amitié fraternelle
    ( 0660 14 53 71 )

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti, fut le directeur de la rédaction de 450.fm de sa création jusqu'en septembre 2024. Il est chroniqueur littéraire, membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France, médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu'il a initiées.

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