de la newsletter de Laurent Ridel de decoder-eglises-chateaux.fr
Avant d’aborder les énigmes templières et chartraines, je poursuis ma mission de vous familiariser avec le vocabulaire des églises. Quelle est la différence entre un arc et une voûte ?
Le vocabulaire de la semaine : arc et voûte
Ils donnent leur caractère unique aux églises. Les arcs et les voûtes sont les colonnes vertébrales de l’architecture religieuse.
Imaginez un arc comme un pont courbe fait de pierre ou de brique. Vous le trouverez au-dessus des portes et des fenêtres, ou même pour séparer des espaces. Chaque arc est généralement formé de blocs appelés voussoirs ou claveaux, qui s’emboîtent parfaitement pour former cette belle courbe. Ce n’est pas seulement pour faire joli, c’est aussi pour une fonction pratique. L’arc, dans un élan de solidarité architecturale, distribue le poids de ce qui est au-dessus vers les piliers ou les murs de chaque côté. Prêtez attention à leur différence : vous observerez des arcs en plein cintre, brisés, en anse de panier… Tous contribuent à l’esthétique unique de chaque église.
Maintenant, la voûte. C’est un peu plus complexe. Imaginez que vous prenez un arc et que vous l’étirez ou le pivotez pour couvrir tout un espace, comme une nef ou une travée. Vous avez votre voûte ! Comme les arcs, les voûtes peuvent aussi varier : en berceau, en ogive ou en coupole…
Arc et voûte travaillent ensemble. Ce couple divin supporte et embellit les églises. C’est l’un des secrets de la robustesse et de la beauté des églises.
Vos questions
Louis : Vu la grandeur de l’ordre du Temple d’avant 1307, de leur puissance qui dépassait souvent celle des Rois de l’époque, de leur prestige, et du fait qu’ils faisaient office en France de ministère des Finances (Philippe le Bel a souvent fait appel à eux pour qu’ils lui prêtent de l’argent, les finances françaises de l’époque n’étaient pas florissantes quoiqu’on en dise), je ne comprends pas que sur seulement 7 années tout se soit écroulé, et qu’ils aient ainsi perdu leur magnificence… Y aurait-il eu un exode massif vers d’autres continents ? Emmenant avec eux leur ” Trésor” (qu’on n’a jamais retrouvé). Qu’en penses-tu ?
Moi : Avant de répondre, j’apporte quelques nuances à tes premières remarques. Les templiers étaient riches en effet mais leur fortune ne dépassait sûrement pas les rois qui, grâce aux impôts et à leur puissance foncière et seigneuriale, avaient des ressources plus importantes, surtout le roi de France. Depuis 1303, les templiers n’avaient plus la garde du trésor royal. Donc ils ne faisaient pas office de ministère des Finances.
Pourquoi le Temple s’écroule-t-il en si peu de temps ? Parce qu’il a en face de lui les deux chefs les plus puissants d’Europe occidentale : le roi de France et le pape. Et si le pape, autorité de tutelle des templiers, abolit l’Ordre, il n’y a plus moyen pour leurs membres de se maintenir.
Une fois l’ordre aboli, les templiers ne migrent pas forcément hors de France. Certains reçoivent une pension et le droit de rejoindre une ancienne commanderie. Quelques-uns retournent à la vie civile (on connaît un cas de templier marié !). Enfin, des ordres comme les Hospitaliers sont prêts à les recevoir.
Les templiers sont-ils partis avec leur trésor ? S’il y a trésor, il devait se trouver dans deux sites : le donjon du Temple à Paris et Chypre où le Temple avait son quartier général. À Chypre, le roi a sûrement profité de l’arrestation des templiers pour faire main basse sur le trésor. Même chose pour Philippe le Bel à Paris. Dès lors, il n’y a plus de trésor à sauvegarder.
Cependant, certains auteurs du XXe siècle, comme Gérard de Sède, imaginent que la veille de la grande arrestation des templiers, le trésor a été emmené hors de Paris. C’est possible mais peu assuré. Le 13 octobre 1307, l’opération d’arrestation s’est apparemment produite dans le plus grand secret, car peu de templiers ont échappé au coup de filet. Même le grand maître est arrêté. Dans ces circonstances, il est plus difficile d’imaginer une manœuvre d’anticipation comme le déménagement du trésor. De plus, lorsque les templiers sont interrogés, aucune question ne porte sur le trésor. Comme s’il n’y avait pas besoin de le chercher. Enfin, comme vous le dites, 700 ans plus tard, personne ne l’a trouvé.
Pascal : dans de nombreuses chapelles notamment espagnoles, on trouve une “mezzanine” à l’arrière de la nef, en général richement décorée, que les logiciels de traduction traduisent par “chœur”. Il semble que c’est à cet endroit à l’arrière de la nef et non devant l’autel que les notables locaux assistaient (nobles, hiérarchie catholique) aux offices. Et quel est le nom exact de cette “mezzanine” ?
Moi : Ces “mezzanines” au fond de la nef sont courantes aussi en France. Appelez-les tribunes. En France, elles accueillent généralement l’orgue de nos jours. Mais ce n’était probablement pas leur fonction originelle. Alors à quoi servaient-elles ? Rien de sûr. Certaines tribunes de ce type accueillaient une chapelle. Ailleurs y montaient des chanteurs et des musiciens. Viollet-le-Duc pense que des personnages privilégiés s’y installaient comme vous le pensez. Je n’en suis pas sûr. Pour les notables, une place près ou dans le chœur me semble plus recherchée, car proche du pôle sacré de l’église, l’autel.
Patrick : Pourquoi la cathédrale de Chartres a été construite en une trentaine d’années alors que pour les autres, cela dépassait allègrement le siècle, voire deux ?
Moi : Les temps de construction différents d’une cathédrale à l’autre dépendent de la continuité du financement. Un chantier financé régulièrement et abondamment se termine plus vite. Or, à la différence de nos grands travaux modernes, le financement était plus chaotique au point de contraindre à l’arrêt de la construction pendant plusieurs décennies ou siècles. Parfois, ils ne redémarrent même pas. Dans le cas de Chartres, sa construction gothique a été en plus facilitée par la conservation d’éléments romans, notamment la crypte et une grande partie de la façade. La durée du chantier chartrain est débattue : environ 25 ans pour certains chercheurs, 60 ans pour d’autres.
Contact : Décoder les églises et les châteaux, 72 avenue du 6 juin, 14100 Lisieux, France